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D'abord une longue préface de Gilles de Van, intéressante en ce qu'elle situe L'ennui dans l'ensemble de l'oeuvre de Moravia et développe cette métaphysique qui domine dans ce texte, mais qui aurait dû plutôt figurer en postface car elle présente l'inconvénient, majeur à mon sens, de résumer brièvement l'intégralité de l'histoire, privant ainsi le lecteur de laisser aller son imaginaire jusqu'au bout en compagnie du héros, Dino.

Celui-ci, personnage central, est intéressant à bien des niveaux. Il rejette sa mère dont il a besoin pour son aide financière dont il prétend n'avoir que faire mais qui lui est nécessaire. Il est en interrogation permanente sur chacun de ses actes, sur ceux des personnes qu'ils côtoie au point d'imaginer des motivations et des situations pour chacune d'elles.

Et précisément, c'est dans les bras d'une jeune fille, Cecilia, qu'il ira au bout de ses interrogations, de ses frustrations, de son rejet d'une société bourgeoise dont il a besoin, de l'analyse de son ennui, de son amour. Tout le roman se structure autour de la négation de tout besoin, du rejet de presque tout, de l'indifférence à tout, et, en même temps du besoin quasi-permanent de tout ce qui est ainsi rejeté.

La personnalité de Cecilia est passionnante et Moravia lui donne, sous sa plume sans concession, une dimension physique et onirique qui ne peut laisser indifférent. Elle aime l'amour, elle aime faire l'amour, elle jouit merveilleusement tout en étant indifférente à tout ce qui l'entoure. Elle est simple, sans cruauté, se partage entre deux hommes naturellement, sans y voir le moindre problème ce que ne peut comprendre Dino.

Les dialogues entre eux sont à la limite de l'absurde et les réponses de Cecilia au questionnement pernicieux de Dino sont d'une simplicité qui le déroute dans leur absence de sens.

L'ensemble du roman est baigné dans cette atmosphère hors norme où le réel côtoie l'irréel, particulièrement dans les pensées de Dino, jamais dans celles de Cecilia.

Un très bon roman d'un écrivain talentueux tant dans l'art de son écriture, de ses phrases élaborées que dans son développement de cette thématique de l'ennui, de l'argent et de la finalité de la vie.
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L'oisiveté dans la richesse ne rend pas heureux pour autant. le diktat des apparences, de la fidélité, de l'illusion du bonheur pèsent leur poids. L'appartenance sociale et l'activité professionnelle placent un individu, et tirer parti de sa compagne paraît indispensable quand on n'a pas soi-même d'activité fixe, surtout quand on provient soi-même de la haute bourgeoisie, où le regard des autres juge un peu plus qu'ailleurs.
C'est ainsi que notre anti-héros passe au peigne fin les activités de sa compagne, s'interroge par le menu, au moindre détail sur ses intentions, leur amour réciproque, et rien d'heureux ne peut pas réellement sortir d'une telle posture. Un cercle vicieux semble donc s'instaurer. L'absence d'occupation rallonge le temps, complique le peu qui existe autour de soi.
Le ton léger qui est employé renforce l'ironie de la trame narrative, fatalement un peu lente.
Ce roman est d'une écriture simple et agréable.
J'ai particulièrement apprécié les passages traitant de la jalousie maladive du personnage principal... Un cas d'école... à méditer.
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L'intrigue est simple. Un jeune homme, peintre raté, issu de la haute bourgeoisie romaine devient l'amant d'une jeune fille, son modèle. Relation qui s'enlisera peu à peu dans une jalousie féroce de la part de l'amant lorsqu'il s'apercevra de l'inconséquence de la jeune fille. Remise en question de ses origines bourgeoises également face aux origines modestes de la fille. Roman très riche. A une époque, le tournant des années 60, où la société de consommation arrive en Italie, où les valeurs traditionnelles laissent la place à une société basée sur l'apparence et la vulgarité, modifiant également l'ensemble des rapports sociaux. Tout cela apparaît plus ou moins directement dans ce roman. La chair et le sexe sont également des thèmes abordés ici par Moravia. Sexe de consommation, sans amour possible, ne suscitant que lassitude et ennui. Malheureusement pour notre peintre, on n'échappe pas à sa condition sociale. Les personnages de second plan comme la mère du peintre et les parents de la jeune fille me semblent aussi rendre compte de toute la dimension sociale déterministe du roman.
Encore une fois, Moravia s'en prend aux valeurs italiennes bourgeoises à travers le personnage de cette mère intransigeante qui ne comprend pas le désarroi de son fils, qui n'a que la transgression pour échappatoire, confinant presque à la folie.
Du très grand art.
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J'adore l'écriture de Moravia, ses talents de conteur, son habileté à construire la tension amoureuse et à la rompre, ses formules gravées en taille douce par l'acide de son intelligence, tout ça. Mais Moravia est aussi un sacré manipulateur. Non ce roman ne parle pas du couple. Ce roman parle de la lutte des classes. Un peintre trentenaire vit aux crochets de sa richissime maman et s'interroge sur son incapacité à peindre et à aimer. L'Ennui, publié en 1960 - décolonisation, révolution cubaine, PCI deuxième parti d'Italie, faut voir le contexte – est un essai de théorie critique marxiste des moeurs, un pamphlet sarcastique et violent contre la bourgeoisie capitaliste, déguisé en histoire d'amour et de jalousie. Car le Marx du Capital évoque peu le coeur et les moeurs. L'Ennui comble ce vide. C'est dans le chapitre IV.3 de « La Sainte Famille, ou Critique de la critique critique » que Marx (sans Engels) esquisse une théorie de l'amour. Les époux ou les amants se rassurent de leur existence mutuelle, même s'ils sont éloignés et même si leur relation est fragile car l'amour est un besoin humain par essence, une clef du matérialisme. En effet, l'amour « plus que toute autre chose apprend à l'homme à croire au monde objectif en dehors de lui, et fait non seulement de l'homme un objet, mais même de l'objet un homme ». L'être aimé manifeste la réalité objective du monde extérieur à notre esprit. C'est le dérèglement de ce mécanisme chez les bourgeois, que Moravia appelle ironiquement « ennui ». L'ennui c'est l'incapacité du bourgeois à rentrer en communication avec le monde, objets animés ou inanimés. L'ennui c'est son incapacité à aimer. En déniant au bourgeois cette faculté, décrite par Marx comme essentiellement humaine, Moravia déshumanise l'ennemi de classe et légitime le mépris, qui sourd à chaque page de l'Ennui. Celui qui a tout, n'a rien. Il ne s'intéresse qu'à ce qu'il ne peut pas avoir. le cocufier c'est lui rendre service. le bourgeois est coupé de « toute donnée vivante, tout immédiat, toute expérience sensible, plus généralement toute expérience réelle, dont on ne peut jamais savoir à l'avance -ni d'où elle vient ni où elle va». L'argent le maintient dans un caisson d'isolation sensorielle. Comme la « Critique critique » décriée dans La Sainte Famille, le bourgeois est condamné à un idéalisme auto-centré, qui aboutit au ridicule de tout ce qu'il entreprend, notamment en matière artistique : coupé du monde, il n'a d'autre choix que l'abstraction, et pour finir, comme l'anti-héros grotesque de l'Ennui, il préfère la toile vierge à tout tableau. On retrouve derrière le ricanement de Moravia sur l'artiste bourgeois, le conflit politique sur l'art contemporain, la guerre froide que se livrent après 1945 le réalisme socialiste promu par le KGB ou les artistes comme Fernand Léger membres du PC et l'expressionnisme abstrait de Pollock et Rothko promu activement comme outil de propagande par la CIA.
Bel article sur le sujet:
https://www.independent.co.uk/news/world/modern-art-was-cia-weapon-1578808.html
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Tout est dans le titre ; c'est un avantage.
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Un livre étonnant. D'un côté, le sentiment d'être face à une histoire relativement "médiocre", celle d'un "amour" non réciproque et purement physique... Et d'autre part, des phrases magnifiques et une vie intérieure remarquablement décrite et "analysée".
L'ennui... un sentiment attaché à l'absurde et à l'angoisse, envahissante,
un beau roman de Moravia.
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On ne s'ennuie jamais à lire Moravia. Ce roman se déploie à deux niveaux, conceptuel et érotique. le niveau conceptuel, c'est une réflexion sur le rapport de l'homme avec la réalité, sur l'incommunicabilité et l'incomplétude, sur l'incapacité à posséder l'autre (ce que Moravia appelle l'ennui). le niveau érotique se développe avec la métaphore de l'ennui, son symbole : c'est l'histoire d'amour.
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J'ai adoré ce livre à plus d'un titre. Ayant vu le film de Cédric Kahn, je m'attendais à retrouver les pérégrinations d'un chercheur en philosophie hautain, obsessionnel et soporifique, mais le livre s'est finalement avéré beaucoup plus intéressant que son adaptation ciné. le style de Moravia est à la fois léger et intense, prenant et délicat. J'adore sa plume, l'art d'exprimer l'intime avec raffinement, et de questionner la passion amoureuse dans ce qu'elle a de plus coercitif.

Moravia raconte l'histoire d'un peintre oisif et privilégié qui perd toute inspiration (si tant est qu'il en ait déjà eu) et ne trouve pas de sens à sa vie. Dans les méandres de cet ennui congénital qui l'habite depuis toujours, impropre à la vie normale de Monsieur tout le monde, ne sachant que faire de lui-même, Dino se prend d'une passion sexuelle grandissante pour une femme inaccessible, insignifiante et finalement totalement ennuyeuse. A mesure que cette femme l'ennuie et le désarçonne par sa fadeur et son inconsistance, Dino ne cesse de chercher des réponses. N'arrivant ni à la cerner, ni à susciter chez elle d'intérêt réel, il ne reste plus que le corps sur le lequel se venger, le corps et le sexe à posséder. L'ennui constituerait-il la condition sine qua non à la naissance de la passion charnelle?


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La Feuille Volante n° 1096
L'ennuiAlberto Moravia – Flammarion.
Traduit del' l'irtalien par Claude Poncet.

Dino est un peintre abstrait raté de 35 ans. Fort heureusement pour lui c'est un riche bourgeois romain qui n'a pas besoin de cette activité pour vivre ou plus exactement un oisif dont la mère qui l'adore a beaucoup d'argent. Célibataire, il choisit cependant de s'éloigner de cette femme un peu étouffante, de s'installer dans un appartement qui lui servira aussi d'atelier mais sans pour autant couper définitivement les liens avec elle. Pourtant il choisit d'abandonner la peinture. Un peu par hasard, il rencontre Cécilia, un modèle de 17 ans qui posait auparavant pour un vieux peintre qui vient de mourir dans des circonstances suspectes et naturellement, ils deviennent amants. Pourtant, après une relation passionnée qui a duré deux mois, il veut la quitter sans raison valable, mais se ravise et la soupçonne de le tromper. Dès lors sa méfiance se fait plus précise d'autant qu'elle invente tout et n'importe quoi avec un grand naturel, de sorte qu'elle épaissit elle-même le mystère qui flotte autour d'elle. Elle devient insaisissable, inattendue, et pratique le mensonge avec désinvolture, ce qui a pour effet d'aiguiser encore la jalousie de Dino qui ainsi s'attache davantage à elle.
En réalité, j'ai bien l'impression que Dino est un insatisfait chronique que la vie oisive et insipide, quelque forme qu'elle prenne, ennuie profondément. Ses relations avec cette jeune nymphomane sont complexes et l'ennui qui en résulte pour lui tire son existence d'une incapacité à la posséder réellement ce qui génère chez lui une douleur insupportable. Il devient jaloux d'elle, de sa relation avec Luciani, un acteur sans le sou alors même qu'il avait décidé de la quitter. Ce roman se veut être consacré à l'ennui, soit, mais j'ai aussi lu de grandes digressions sur le mensonge, les soupçons, la jalousie et l'angoisse de l'attente puisque Dino, loin d'abandonner Cécilia, se met à l'espionner maladivement, ce qui nous réserve pas mal de longueurs. le plus étonnant est sans doute que malgré l'amour impossible qu'il éprouve pour Cécilia, il admet la vénalité de la jeune femme et accepte de financer ses relations avec son autre amant. Ainsi se reconstitue le traditionnel triangle amoureux où Cécilia semble jouer un rôle passif, se donnant indifféremment à ses deux amants, alternant mensonges et vérités pour mieux vivre cette relation face à un Dino bizarrement compréhensif. Pourtant, ce dernier, dans le seul but d'échapper à cet ennui, se résout à la demander en mariage mais cette démarche ne plaît guère à la jeune femme qui refuse, ne pouvant ou ne voulant pas choisir entre es deux amants. Dino s'aperçoit alors que la possession même du corps de la jeune femme ne le satisfait pas, qu'il en conçoit même un certain ennui, mais refuse cependant de mettre fin à leurs relations. Il se révèle être un homme à la fois obsédé par cette femme et jaloux d'elle mais accepte cependant la réalité après avoir recherché le moyen définitif d'échapper à tout cela. C'est là un des thèmes centraux de l'oeuvre de Moravia, le rapport de l'homme avec la réalité qu'il peine à accepter ce qui a aussi, dans son cas des accents autobiographiques autant que sociologiques, la société des années 1960, date de publication de ce roman, entrant dans la consommation à outrance et le néocapitalisme.
Tout le roman se décline en un long monologue mettant en évidence la déliquescence de la société bourgeoise ainsi que l'obsession du sexe et de son rapport avec l'argent. Les descriptions du corps et des postures de Cécilia ne sont pas exemptes d'un certain érotisme discret, mais, même si la littérature a largement illustré le thème de d'ennui, les longues digressions philosophiques auxquelles se livre l'auteur, dignes d'une dissertation du baccalauréat, ancienne section de « philosophie », m'ont parfois un peu ennuyé. C'est dommage parce que j'ai toujours beaucoup apprécié l'univers créatif de Moravia. C'est un peu comme si cette relecture, que je ne pratique pourtant pas volontiers, remettait un peu en cause l'intérêt que je lui porte.
© Hervé GAUTIER – Décembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Le livre porte bien son titre !
Surtout ne pas commencer par cet ouvrage pour découvrir l'auteur.
Choisir : le conformiste , L'automate .
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