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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'intrigue est simple. Un jeune homme, peintre raté, issu de la haute bourgeoisie romaine devient l'amant d'une jeune fille, son modèle. Relation qui s'enlisera peu à peu dans une jalousie féroce de la part de l'amant lorsqu'il s'apercevra de l'inconséquence de la jeune fille. Remise en question de ses origines bourgeoises également face aux origines modestes de la fille. Roman très riche. A une époque, le tournant des années 60, où la société de consommation arrive en Italie, où les valeurs traditionnelles laissent la place à une société basée sur l'apparence et la vulgarité, modifiant également l'ensemble des rapports sociaux. Tout cela apparaît plus ou moins directement dans ce roman. La chair et le sexe sont également des thèmes abordés ici par Moravia. Sexe de consommation, sans amour possible, ne suscitant que lassitude et ennui. Malheureusement pour notre peintre, on n'échappe pas à sa condition sociale. Les personnages de second plan comme la mère du peintre et les parents de la jeune fille me semblent aussi rendre compte de toute la dimension sociale déterministe du roman.
Encore une fois, Moravia s'en prend aux valeurs italiennes bourgeoises à travers le personnage de cette mère intransigeante qui ne comprend pas le désarroi de son fils, qui n'a que la transgression pour échappatoire, confinant presque à la folie.
Du très grand art.
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J'adore l'écriture de Moravia, ses talents de conteur, son habileté à construire la tension amoureuse et à la rompre, ses formules gravées en taille douce par l'acide de son intelligence, tout ça. Mais Moravia est aussi un sacré manipulateur. Non ce roman ne parle pas du couple. Ce roman parle de la lutte des classes. Un peintre trentenaire vit aux crochets de sa richissime maman et s'interroge sur son incapacité à peindre et à aimer. L'Ennui, publié en 1960 - décolonisation, révolution cubaine, PCI deuxième parti d'Italie, faut voir le contexte – est un essai de théorie critique marxiste des moeurs, un pamphlet sarcastique et violent contre la bourgeoisie capitaliste, déguisé en histoire d'amour et de jalousie. Car le Marx du Capital évoque peu le coeur et les moeurs. L'Ennui comble ce vide. C'est dans le chapitre IV.3 de « La Sainte Famille, ou Critique de la critique critique » que Marx (sans Engels) esquisse une théorie de l'amour. Les époux ou les amants se rassurent de leur existence mutuelle, même s'ils sont éloignés et même si leur relation est fragile car l'amour est un besoin humain par essence, une clef du matérialisme. En effet, l'amour « plus que toute autre chose apprend à l'homme à croire au monde objectif en dehors de lui, et fait non seulement de l'homme un objet, mais même de l'objet un homme ». L'être aimé manifeste la réalité objective du monde extérieur à notre esprit. C'est le dérèglement de ce mécanisme chez les bourgeois, que Moravia appelle ironiquement « ennui ». L'ennui c'est l'incapacité du bourgeois à rentrer en communication avec le monde, objets animés ou inanimés. L'ennui c'est son incapacité à aimer. En déniant au bourgeois cette faculté, décrite par Marx comme essentiellement humaine, Moravia déshumanise l'ennemi de classe et légitime le mépris, qui sourd à chaque page de l'Ennui. Celui qui a tout, n'a rien. Il ne s'intéresse qu'à ce qu'il ne peut pas avoir. le cocufier c'est lui rendre service. le bourgeois est coupé de « toute donnée vivante, tout immédiat, toute expérience sensible, plus généralement toute expérience réelle, dont on ne peut jamais savoir à l'avance -ni d'où elle vient ni où elle va». L'argent le maintient dans un caisson d'isolation sensorielle. Comme la « Critique critique » décriée dans La Sainte Famille, le bourgeois est condamné à un idéalisme auto-centré, qui aboutit au ridicule de tout ce qu'il entreprend, notamment en matière artistique : coupé du monde, il n'a d'autre choix que l'abstraction, et pour finir, comme l'anti-héros grotesque de l'Ennui, il préfère la toile vierge à tout tableau. On retrouve derrière le ricanement de Moravia sur l'artiste bourgeois, le conflit politique sur l'art contemporain, la guerre froide que se livrent après 1945 le réalisme socialiste promu par le KGB ou les artistes comme Fernand Léger membres du PC et l'expressionnisme abstrait de Pollock et Rothko promu activement comme outil de propagande par la CIA.
Bel article sur le sujet:
https://www.independent.co.uk/news/world/modern-art-was-cia-weapon-1578808.html
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J'ai adoré ce livre à plus d'un titre. Ayant vu le film de Cédric Kahn, je m'attendais à retrouver les pérégrinations d'un chercheur en philosophie hautain, obsessionnel et soporifique, mais le livre s'est finalement avéré beaucoup plus intéressant que son adaptation ciné. le style de Moravia est à la fois léger et intense, prenant et délicat. J'adore sa plume, l'art d'exprimer l'intime avec raffinement, et de questionner la passion amoureuse dans ce qu'elle a de plus coercitif.

Moravia raconte l'histoire d'un peintre oisif et privilégié qui perd toute inspiration (si tant est qu'il en ait déjà eu) et ne trouve pas de sens à sa vie. Dans les méandres de cet ennui congénital qui l'habite depuis toujours, impropre à la vie normale de Monsieur tout le monde, ne sachant que faire de lui-même, Dino se prend d'une passion sexuelle grandissante pour une femme inaccessible, insignifiante et finalement totalement ennuyeuse. A mesure que cette femme l'ennuie et le désarçonne par sa fadeur et son inconsistance, Dino ne cesse de chercher des réponses. N'arrivant ni à la cerner, ni à susciter chez elle d'intérêt réel, il ne reste plus que le corps sur le lequel se venger, le corps et le sexe à posséder. L'ennui constituerait-il la condition sine qua non à la naissance de la passion charnelle?


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J ai adore comme le film d ailleurs
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Ce roman est à éviter absolument, sous peine de regarder sa vie avec un regard désabusé. le rapport à la réalité que nous peint Moravia avec son personnage principal est d'un cynisme tel qu'on se demande à la fin du livre si vraiment la vie vaut la peine d'être vécue. Quel découragement devant toutes nos actions à accomplir, toutes ces rapports humains vains et finalement solitaires. La réalité apparaît quelquefois bien plus grande que les hommes qui la peuplent. Une belle leçon d'humilité !
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"C'est une constante de son oeuvre romanesque que de créer des personnages qui sont conscients du caractère factice et inauthentique des rapports humains tout en aspirant, sans pouvoir y parvenir, à autre chose. de là, les multiples variations sur le thème de l'ennui, de l'inattention, de l'indifférence que Moravia dépeint avec justesse et simplicité "
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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