- Tu ne me reprocheras pas de t'avoir entraînée ?
- Jamais...
- Je ne sais pas où ça finira, cette affaire, tu t'en doutes...
- Je m'en fiche. Je viens.
- On ne se quitte plus alors ?
- On ne se quitte plus.
- Promis ?
- Promis.
- Alors ? Qu'est-ce que tu apprends de beau ?
- Le masculin et le féminin...
- D'accord. Allons-y...
- L'exemple de la maîtresse, c'est : un boulanger - une boulangère. Il faut en trouver trois.
- Et tu en as trouvé ?
- Trois. Mais je ne suis pas sûr pour le troisième.
- Je t'écoute.
- Un chat - une chatte.
- Très bien.
- Un magicien - une magicienne.
- Parfait. Et ton troisième ?
- Je ne suis pas sûr.
- Dis quand même...
- Un pied - une main.
" Dans mon panier,
Dans mon panier, il n'y a pas de cerises,
Mon prince...
Il n'y a pas de mouchoirs,
Pas de mouchoirs brodés,
Ni de perles, non.
Non plus peine et chagrin, mon amour,
Non plus peine et chagrin..."
L'idée de franchir la montagne et de fuir leur avait vite semblé insupportable. Autrefois, leurs parents avaient fui, mais au moins ils s'étaient battus, avant. Ils avaient défié la Phalange. Des gens étaient sûrement prêts à le faire, aujourd'hui encore. Comme cette femme qui avit dit "c'est dommage", dans la carriole... Il suffisait de les trouver et de les rejoindre ! La force brutale était bien sûr du côté des barbares, mais comment croire qu'il n'y ait pas, tapi dans le coeur des gens, le souvenir précieux de leur vie d'avant ? Il y avait à coup sûr une braise sur laquelle souffler avant que les ténèbres ne recouvrent tout à fais le monde. Dans leur conversation enfiévrée du refuge, Bart et Milena avaient eu l'intuition ardente qu'un lien existait entre ce feu à rallumer et la voix d'Eva-Maria Bach. Les barbares l'avaient fait taire, cette voix, Bart savait comment, mais à présent elle vibrait dans la gorge de Milena, et tout était peut-être encore possible !
On découvre le paradis quand on le perd, et le nid quand on en tombe.
Il lui semblait que la vue de ces couleurs, même dans le flou de sa myopie, l'arrachait au ventre sombre de la terre et la ramenait à la vie d'en haut, il lui sembla que le vent soufflait dans ses cheveux, que le sang coulait à nouveau dans ses veines.
Quand Helen et Milena entrèrent dans le village des consoleuses, une bruine glacée les enveloppait, comme une poussière liquide. Les paillettes scintillaient à la moindre lumière, réverbère ou fenêtre. Les maisons de briques, serrées les unes contre les autres tout au long de la rue, semblaient miniatures.
La force brutale était bien sûr du côté des barbares, mais comment croire qu'il n'y a pas, tapi dans le coeur des gens, le souvenir précieux de leur vie d'avant? Il y avait à coup sûr une braise sur laquelle souffler avant que les ténèbres ne recouvrent tout à fait le monde.
Chapitre : 7. Dans la montagne
Ils quittèrent leurs manteaux d'internes et les jetèrent dans le feu. Ils les regardèrent brûler jusqu'à ce qu'il n'en reste que les boutons calcinés, puis ils sortirent et marchèrent jusqu'au petit lac voisin. Celui-ci, parfaitement rond, reflétait le vert intense des sapins qui l'entouraient. le silence et le calme étaient absolus.
- Le premier qui dit : 'C' est le premier matin du monde' a perdu, s'amusa Milena.
- 'C' est le premier matin du monde', s'écria Bartolomeo et il se précipita vers la berge.
Il ôta en un clin d'oeil tous ses vêtements et plongea dans l'eau glacée. Il nagea avec furie, fouettant l'eau de ses bras, de ses jambes.
C'est dans cet espoir insensé qu'ils avaient pris leur résolution:abandonner la fuite et rejoindre la capitale qui se trouvait dans le sud du pays. Ni l'un ni l'autre n'y était jamais allé.