Dors, ma toute belle, dors.
Cette fois, il ne s'agissait plus de gagner ni de perdre. Il s'agissait de vivre ou de mourir.
Helen sentit que les griffes du chagrin se desserraient un peu autour de son coeur. Elle sortit davantage, se surprit à rires aux facéties de Dora [...] Lentement, le goût de la vie lui revint, par touches légères, fragiles. Elle éprouvait le sentiment de briser la prison de son deuil comme la ville brisait celle de ses glaces.
Van Vlyck, bouche entrouverte, le regard halluciné, fixait la jeune fille, et on devinait que pour lui, le temps venait de s'abolir. Il avait sous les yeux la seule personne qu'il ait jamais aimée, celle pour qui il avait, sans hésitation, sacrifié le meilleur de sa vie, celle qu'il avait, pour finir, livrée aux Diables meurtriers. Elle se tenait devant lui, plus jeune et plus blonde que jamais, fascinante et immortelle. Il contempla dans les yeux bleus de cette fille son passé ravagé et son avenir obscur.
- [...]Je suis libre. Je peux aller et venir à ma guise.
-A Maguise ? C'est où, Maguise? Tu m'y emmèneras ?
Elle éclata de rire.
-Ma Guise, c'est partout. C'est où on veut. Je t'y emmènerai.
Elle adorait cet endroit hors du monde, où personne ne vous dérangeait jamais, où l'on pouvait lire et rêver paisiblement. Elle le comparait à un nid ou bien à un berceau, enfin, quelque part où il fait chaud et où personne ne vous voulait du mal.
Quand Helen et Milena entrèrent dans le village des consoleuses, une bruine glacée les enveloppait, comme une poussière liquide.
Son chant, même sans qu'on en comprenne le sens, parlait à chacun et chacune de ce qui lui était le plus secret. Il faisait apparaître des visages aimés et disparus, ressentir des caresses anciennes dont on croyait avoir oublié la douceur.
Le Ciel ne méritait pas son nom. Loin d'être perché dans les hauteurs, ce cachot se trouvait sous les caves elles-mêmes.
Elle avait compté sur la lumière pour dissiper cette douleur qui logeait dans sa poitrine depuis le matin et remontait maintenant dans sa gorge, une boule oppressante dont elle connaissait bien le nom : tristesse.