Trois femmes puissantes de
Marie NDiaye
Prix Goncourt 2009 publié chez Gallimard
Ce livre est composé de trois parties. Chaque partie raconte un épisode de la vie d'une personne.
La première partie raconte un épisode dans la vie de Norah, femme de 38 ans, avocate à Paris. Son père lui demande de venir lui rendre visite au Sénégal, son pays d'origine. Cette invitation lui semble étrange. Cet homme, froid et hautain, ne s'est jamais soucié de la vie de ces enfants, à l'exception de son seul fils Sony. Norah n'est pas sereine face à son père, cependant elle décide tout de même de partir pensant retrouver son frère qui vit avec lui. Là-bas, elle découvre que son père mène une vie solitaire avec son domestique dans la grande maison qu'il s'est fait construire où autrefois une multitude de personnes venait s'y retrouver.
Son frère n'est pas là, la femme de son père non plus. Elle rencontre néanmoins les deux dernières filles de son père, des jumelles, vivant dans une chambre, cloitrées et hostiles et dont le père ne se soucie pas plus que de ces autres filles. Les questions quant aux raisons de sa venue et le mystère de la disparition de son frère et de sa belle-mère s'accumulent.
L'histoire se termine par la compréhension, l'acceptation de son passé et de son présent, et, par-dessus tout, la concorde avec son père. Norah peut à présent vivre sereine et libérée.
L'auteure dévoile les éléments de la vie de ces personnages au fur et à mesure de la progression de son texte. le lecteur est ainsi toujours confronté à de nouvelles informations, le laissant en haleine et, telles les pièces d'un puzzle, découvre au fil de la narration l'histoire dans sa globalité.
L'auteure donne une place très importante à la psychologie et aux sentiments intérieurs de son personnage principal. Norah est ainsi un personnage profond et multiple. L'écrivain décrit avec habilité les tourments intérieurs, les questionnements de son héroïne. Elle livre sans emphase, sans filtre et avec une grande justesse, les pensées intimes de Norah.
La seconde partie concerne la vie de Rudy Descas. Rudy est un homme en proie à la frustration, à une colère destructrice, rongé par ses échecs et son passé.
Le texte commence par l'évocation d'une dispute qu'il eut avec sa femme, Fanta. Sans connaître véritablement les raisons de cette dispute, le lecteur est plongé dans un tourbillon incessant d'émotions et de réflexions par le personnage. le lecteur découvre la vie présente et passée de Rudy qui s'entremêlent dans son esprit. Dans sa Gironde natale, Rudy est un vendeur de cuisine incompétent et un père lamentable. Avant cela, il était professeur de littérature à Dara Salam au Sénégal, où son père avait entrepris de monter un village de vacances. Dans le collège, où il travaillait il rencontra Fanta, elle-même professeur. Il était à cette époque, relativement heureux,
néanmoins hanté par la descente aux enfers et le suicide de son père.
Le dénouement est toutefois heureux car le personnage se libère en rejetant et en étant rejeté par les objets de ses frustrations.
Le personnage de Fanta est intéressant par son absence. En effet, tout au long de l'histoire, elle n'apparaît que dans les souvenirs de son mari et par quelques évocations d'autres personnages. Elle a cependant une grande importance dans le récit, notamment par l'influence qu'elle a sur Rudy sans être physiquement à ses côtés.
Comme le récit précédent, mais avec moins d'adresse, le lecteur découvre, petit à petit, le passé et les raisons de la situation professionnelle et familiale décevante du personnage principal.
L'auteure donne, dans cette partie, une place trop importante aux émotions et aux réflexions parfois redondantes, surabondantes et puériles de Rudy.
La dernière nouvelle raconte une partie de la vie de Khady Demba.
Khady vit au Sénégal avec la famille de son mari, mort quelques années auparavant, qui ne l'aime pas et qui la tourmente. Elle sait qu'un jour, ils lui demanderont de partir. Peu de temps après, sa belle-mère lui donne un peu d'argent et lui impose de retrouver l'une des seules parentes qui lui reste, sa cousine Fanta qui vit en France. A partir de là, commence un douloureux voyages vers l'inconnu.
Khady devient l'une des nombreuses personnes cherchant à entrer en France clandestinement.
Le lecteur est plongé dans l'intériorité de ce personnage particulier. Khady a trouvé refuge dans un monde intérieur nébuleux qu'elle s'est créé, afin de supporter les humiliations qu'elle subit au quotidien dans sa belle-famille. Ce monde est un allié puissant, il lui permettra d'affronter les grandes difficultés qui jalonneront la suite de son périple. Au fil de ses pensées et de ses pérégrinations, elle réussira à se convaincre qu'elle est une femme libre, prenant totalement en main sa propre vie.
Tous les personnages principaux sont liés par de fins fils invisibles. Socialement : le lecteur découvre que Khady Demba est la cousine de Fanta et fut la servante du père de Norah. Géographiquement : chacun a un lien plus ou moins proche avec la France et le Sénégal.
Le monde est l'élaboration perpétuelle d'une toile où chaque vie s'enchevêtre.
Ces histoires attestent l'unité de l'humanité par les sensations, les émotions, identiques dans leur globalité. L'empathie éprouvée par le lecteur, et provoquée brillamment par l'auteure, est l'une des preuves que le particulier démontre l'universalité.
Remarque : le résumé de l'éditeur en quatrième de couverture, ne correspond pas du tout au texte.
Avis personnel : J'ai adoré la première nouvelle, je l'ai trouvé très juste, profonde et intelligente. Dans la seconde, l'auteur s'embourbe dans les sentiments de Rudy et j'ai dû m'accrocher pour le finir.
La troisième est intéressante mais il manque quelque chose.