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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lorsque je découvris Nabokov, il y a une trentaine d'années, je fus ébloui par son style à la fois harmonique et hermétique, alliant érotisme et exotisme. (Voilà une entrée en matière fort nabokovienne !) Après Feu pâle, relu et critiqué quelques semaines après la création de mon blog, allais-je retrouver dans les sept cent cinquante pages d'Ada ou l'Ardeur le même plaisir qu'à l'époque ?

Qui est donc Vladimir Nabokov ? Né à Saint-Pétersbourg en 1899, ce magicien de l'écriture est un artiste cosmopolite. « Je suis un écrivain américain, né en Russie et formé en Angleterre, où j'ai étudié la littérature française avant de passer quinze années en Allemagne », dit-il. Emigré aux États-Unis en 1940, où il fit scandale dans les années cinquante avec son fameux roman Lolita (à relire prochainement), il est revenu vivre en Europe, à Montreux, au bord du lac Léman, où il s'est éteint en 1977. Nabokov tenait Ada, publié en 1969, pour son chef-d'oeuvre.

L'auteur présente Ada ou l'Ardeur comme une « chronique familiale ». le livre raconte la longue histoire des amours illégitimes et tumultueuses de deux cousins germains, van (Ivan) et Ada (Adélaïde), revue par eux-mêmes au soir de leur vie, quatre-vingts ans après leur coup de foudre réciproque et leur premier rapport sexuel à l'âge de quatorze et douze ans. Une relation qu'ils ont longtemps cachée, car en raison de liaisons adultères et d'un arrangement secret entre les parents, les cousin-cousine étaient en fait frère et soeur…

Un secret mis à jour par les perspicaces jeunes amants dès les premières pages du livre, mais qui t'échappera, lectrice (ou lecteur), si tu n'es pas très attentive (ou -if). Car Nabokov est un virtuose du cryptage, du double sens, du brouillage.

Dans un premier temps, le roman se lit comme une histoire d'amour merveilleuse et captivante. van et Ada sont des héros attachants. Mais à la relecture, ils perdent leur innocence. Leurs fantaisies érotiques, leurs fantasmes, leurs transgressions révèlent leur nature capricieuse, dépravée. Dans leur attitude à l'égard de leur jeune demi-soeur Lucette, désespérément amoureuse de van et gravement pervertie par Ada, leur cruauté devient même dérangeante.

Ada et van vivent dans un univers dont l'auteur a recréé l'espace et le temps. Les références géographiques s'inspirent de notre planète terre, mais les distances sont abolies, les noms de lieux plus ou moins déformés, Russie et Amérique confondues en un unique empire sans frontière. La fiction s'étend sur un siècle, disons de 1865 à 1965, mais la chronologie des événements historiques servant de fond de cadre à la narration est totalement réinventée.

Bouillonnant d'élucubrations abracadabrantesques, Ada ou l'Ardeur met en scène un monde fantasmagorique, un univers d'illusion, à la manière des oeuvres de certains peintres non abstraits. Et toi, lectrice, lecteur, cela t'incitera au décryptage. Tu créeras ta propre interprétation – laquelle évoluera lors de tes relectures –, te donnant ainsi l'impression gratifiante de découvrir les secrets les plus intimes de l'artiste.

Mais dans ce jeu de décryptage voulu par Nabokov, il te serait vain de chercher à tout comprendre, de vouloir tout élucider. Assemblage jubilatoire de divagations romanesques, d'anachronismes loufoques, de jeux sur les mots, l'ouvrage est avant tout un exercice de style, dont il faut se laisser envahir par la puissance poétique. Sans oublier l'humour.

Certains passages sont difficiles d'accès. Rien ne t'oblige à t'y attarder, notamment lorsqu'Ada s'adonne à la lépidoptérologie – l'étude des papillons, une passion pour Nabokov, mais pas forcément pour toi et moi – ou quand van prétend dévoiler le contenu de son traité sur « la Texture du Temps ».

A l'issue de ma relecture, je reste fasciné par l'enchanteurNabokov et par ce roman grâce auquel j'ai eu l'impression de retrouver mon regard d'enfant et ma capacité d'émerveillement.
Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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«Je ne comprends pas ce que je dis. Et alors j'adore»
Clarice Lispector

Oeuvre complexe et parfois éreintante, déstabilisante et magnétique, dotée de ce charme vénéneux propre aux choses qui se suffisent à elles-mêmes, à la fois impudente et sublime, Nabokov a écrit un roman que personnellement je qualifierais de «monstrueusement génial». Un roman dont on ne peut pas dire sans ambages ou candidement : «oui, j'ai aimé» (bien sûr, ceci au cas où l'on ne l'aurait pas détesté ou abandonné en cours, ce qui doit probablement arriver à un nombre considérable de lecteurs s'y aventurant!).
Je pense pour ma part que la vraie question à poser ici serait plutôt de savoir si l'on s'est senti «traversé» ou pas, et comment, par la lecture d'un roman si atypique, aussi impudique, impressionnant.
Comme l'on dit parfois de certains tableaux, qu'ils nous donnent la sensation de «nous regarder» plutôt que le contraire, tout en osant la comparaison, et sans savoir- j'avoue - où je veux en venir exactement (pardonnez-moi déjà mes errements d'entrée de jeu...), je serai pour ma part tenté de dire qu'Ada ou l'Ardeur ferait partie de ces romans capables de «nous lire» et perturber en profondeur notre conception même de la lecture.!
À l'instar de celui de son compatriote Andréi Biély, « Pétersbourg » (auquel Nabokov vouait d'ailleurs une grande admiration), Ada condamne un lecteur enfin fidélisé à un piège sans retour, dans lequel, malgré lui, il se laissera engluer de plus en plus: en matière de sables mouvants littéraires, ça me paraît difficile de faire mieux!

Nabokov ne semble pourtant pas très enclin à accorder au départ une attention particulière au code de bonne conduite qui préconise aux écrivains de prendre en compte d'une manière ou d'une autre leurs potentiels lecteurs. Suivant son seul bon vouloir, l'auteur n'hésite pas à larguer ces derniers au bord de la route, au risque de les perdre définitivement...excédés par autant de cérébralité, par une sorte d'arrogante virtuosité langagière, faite de jeux de mots et d'anagrammes, de glissements improbables de sens, de citations intertextuelles souvent trop implicites pour le commun des mortels, d'usage immodéré d'expressions en langues étrangères, de taxonomies diverses -noms imprononçables de larves, papillons, orchidées -, de considérations nébuleuses sur le phénomène de la conscience ou encore sur les rapports à abolir entre espace et temps (non, là c'est vraiment trop, j'abandooonne!!)...pour ensuite mieux les ramasser, exsangues, quelques paragraphes plus loin, les ravissant alors, extasiés ce coup-ci, vers des sommets rarement atteints en littérature, d'une acuité et d'une profondeur renversantes, et d'une beauté à vous couper le souffle...!

Roman peut-être le plus transgressif (encore plus que Lolita) d'un des auteurs situés cependant parmi les plus consensuels dans les hautes sphères intellectuelles, académiques et critiques, Ada ou l'Ardeur est une lecture qui dérangera forcément, dans laquelle la symétrie et la gémellité, la fusion-confusion et l'idéalisation amoureuse, mais aussi le pastiche, la duplicité, la maupiteuse tyrannie du désir, le cynisme et l'amoralité outranciers seront les maîtres-mots autorisant au très impertinent Russo-américain toutes les audaces et outrecuidances dont on le sait capable...!

Nabokov s'amuse entre autres à subvertir les codes littéraires du roman réaliste et psychologique moderne, tout en faisant preuve de les maîtriser à merveille lorsque, par exemple, en les pastichant, il s'en emparera provisoirement afin de les démonter impitoyablement, les surclassant avec une ironie et un panache remarquables, ou encore lorsque, telle une diva absolue qui se mettrait soudain à jouer avec son public interloqué, il décidera capricieusement d'insérer juste quelques gammes dissonantes dans un morceau du grand répertoire classique romantique...

Tout en ayant un épicentre bien identifié pour le lecteur, le château d'Ardis, véritable topos symbolique du fantasme de la Grande Russie et de la superbe ouvertement affichée par une vieille caste aristocratique - lieu surtout où tout avait démarré pour les principaux protagonistes du roman, amants incestueux, Ada et son «cousin» van Veen– en fait son frère utérin-, et lieu vers lequel enfin, arrivés au grand âge, leurs souvenirs ne cesseront de vouloir retourner, cette chronique autobiographique (le livre a pour sous-titre «Chronique Familiale ») se déroule rien moins que dans une réalité parallèle, dénommée «Anti-Terra».

Si par exemple, sur cette planète jumelle et légèrement décalée par rapport à la nôtre, les USA existeraient toujours, s'étendant même jusqu'en Argentine, l'Amérique du Nord d'abord colonisée par des Vikings, puis par les Russes, s'appellerait en revanche le «Vineland», le Canada correspondrait à un grand territoire nommé «Estotie» - le tout formant une «Amérussie» dont un célèbre "Abraham Milton" (!) avait été par ailleurs l'un des plus fervents promoteurs. Quant à notre France à nous, le pays avait été annexé par l'Angleterre en 1815. En lieu et place de la Russie telle que nous la situons ici-bas, à Anti-Terra l'on retrouve une vaste «Tartarie» moderne, etc. etc..Notre vieille planète Terre y figurera aussi, mais en tant qu'abstraction, projection imaginaire d'un «autre monde», entité chimérique que seuls le délire des fous, l'onirisme des visionnaires ou la plume d'écrivains et de penseurs antiterriens partisans de la thèse d'une «Identité fondamentale» entre les deux mondes s'évertuent à faire exister...Il y a bien, d'ailleurs, nous précise le narrateur, une discipline qui s'appelle «Terrologie», mais celle-ci constitue avant tout «un rameau de la Psychiatrie»!

Le récit couvre d'autre part une période allant de la fin du XIXe jusqu'aux années 60 du XXe siècle, la temporalité étant néanmoins, elle-aussi, légèrement décalée par rapport à la chronologie terrienne (c'est ainsi que certaines innovations techniques, comme l'électricité par exemple, n'existent toujours pas à Anti-Terra au début du XXe siècle; d'autres en revanche ont existé, puis auraient été supprimées, ou bien remplacées, quelquefois par d'étranges dispositifs tels ce curieux "téléphone-à-eau" installé au château d'Ardis).

Brillant exercice de "mémoire totale" proustienne, le passage du temps représente également l'un des thèmes récurrents du roman. (Van Veen écrit à ce propos un traité philosophique -"La Texture du Temps"- cherchant entre autres à démontrer qu'un certain nombre de développements de la théorie de la relativité seraient faux...).
Pour le narrateur, en tant que tel, le passé reste quelque chose d' «intangible». Nous n'avons en réalité accès qu'à une accumulation de «sensa, d'objets de perception» que la mémoire rassemble et réordonne continuellement. le passage du temps lui-même ne serait en définitive qu'une affaire de mémoire. Seul le travail de cette dernière nous le ferait éprouver d'une manière sensible et incarnée. La conscience même serait un domaine relevant du souvenir. Et tel le Futur, qui s'inscrit pour nous dans une linéarité totalement illusoire, le Présent aussi ne serait rien d'autre «qu'un point imaginaire» dont on ne s'approprie véritablement qu'après-coup:

"L'extase de son identité, placée sous le microscope de la réalité (qui est la seule réalité), révèle un système complexe de ces passerelles subtiles que traversent les sens, riants, enlacés, jetant des fleurs en l'air, entre l'âme et la chair lamellée, et qui a toujours été une forme du souvenir même à l'instant de sa perception."

Le cogito cartésien aurait évacué trop rapidement la dimension temporelle?

Je me souviens, donc je suis..!?

«Omniscient-Omninceste», s'entendra dire le vieux van Veen en rédigeant ses mémoires.
Évocation des jeux d'anagrammes que les enfants Veen avaient l'habitude de jouer au château d'Ardis, ne pourrait-on y déceler une possible (et énième!) porte d'entrée à «Ada ou l'Ardeur», essai effronté de recréation d'une réalité dictée exclusivement par la toute-puissance du désir, libéré de toutes formes d'entraves?
(À ce propos, comme pour l'Ulysse de Joyce il existerait apparemment plusieurs forums de fans inconditionnels du roman de Nabokov, sur lesquels il est possible d'échanger des clés d'entrée à la compréhension du roman ou de certains de ses passages les plus hermétiques..)

«Omniscient-Omninceste» : à Anti-Terra l'hubris va-t-elle au Paradis? Oui, répondrait sûrement notre ardente héroïne: «En tant qu'amants et frère et soeur, nous avons une chance double d'être dans l'éternité...Quatre paires d'yeux au paradis !», déclare-t-elle à son amant-frère quand la tombée du dernier rideau approchera pour eux.

Van et Ada, on l'a compris, sont très loin d'être des enfants de choeur ou des modèles de vertu. Plutôt égoïstes et hautains, intelligents, beaux et séducteurs, sûrs d'eux-mêmes et de leur ascendant, fiers de leurs prérogatives et de leur amour incestueux, les notions morales de bien ou de mal ne semblent pas faire partie de leurs préoccupations courantes.
L'un des grands tours de force du roman de Nabokov (pouvant être en même temps source d'un certain malaise susceptible d'affecter des lecteurs déconcertés !!), c'est justement d'avoir réussi à nous le faire en grande partie oublier, grâce au lyrisme et à un art consommé de la «délicatesse du détail» avec lesquels sera enveloppé le récit de la genèse de cet amour contre-nature occupant l'essentiel de la première et plus longue partie du roman, située dans les décors arcadiens du domaine et du château d'Ardis.

L'un des tabous les plus universels et constitutifs de la civilisation humaine, proscrit depuis la nuit des temps, toléré exclusivement chez les dieux ou dans le règne animal, serait-il parvenu grâce au pouvoir ensorcelant des mots à se dérober provisoirement à l'horreur qu'il inspire, occultée partiellement ici par les ombres archétypales du mythe des Titans androgynes coupés en deux par Zeus, repris par Platon dans le Banquet, ou de celui prégnant et tout aussi universel de la quête de l'âme-soeur?

Quelle prouesse Monsieur Vladimir Nabokov, alias Vivian Darkbloom...!

(M'enfin, s'arraisonne, sitôt dit, votre serviteur décontenancé, c'est tout de même d'inceste dont il s'agit!!)

(Certes, mon cher, mais il faudrait bien pouvoir conclure cette critique de plus en plus erratique et interminable!!!)

(D'accord, d'accord, mais, hubris pour hybris, je ne lui accorde que quatre étoiles et demie – il ne faudrait pas oublier de garder les pieds sur Terre! À vrai dire, je lui en aurais accordé cinq, volontiers, malgré toute la peine, si au moins j'avais pu noter depuis Anti-Terra...)
...

(..Quelqu'un pourrait m'indiquer une bonne adresse d'un de ces forums..?)

...
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ADA ou L' ARDEUR de VLADIMIR NABOKOV
Le héros c'est le Docteur van Veen, fils du riche et célèbre Démon van Veen, personnalité de New York. le château d'Ardis, est la propriété de l'oncle de Van, Daniel Veen, amateur d'art, »poltron sentimental »,marié à Marina, amoureuse de théâtre et mère d'Ada, une enfant très spéciale, une petite »verbivore », l'héroïne du roman. C'est dans cet incroyable château qu'ils se rencontrèrent. La première fois que van vint dans ce lieu il se souvint du dîner avec les parents d'Ada, il y avait un architecte espagnol, Alonso, qui étudiait l'idée d'une piscine artistique, il ne parlait pas anglais, les Veen ne parlaient pas espagnol! A table le grand jeu de Daniel Veen était d'éviter que Marina parle théâtre et pour se faire il lançait Ada sur des questions de botanique où elle était intarissable. Après le dîner Ada fit découvrir ses jeux et son endroit chéri, son »larvarium ». van quand il eut 94 ans se souviendrait toujours de cette première journée. van et Ada sont supposés être cousins, ce qui n'empêchera pas leur relation de se développer cet été là, leur premier baiser dans le salon de musique, d'ailleurs Lucette les a vus, c'est la soeur cadette d'Ada, elle va aussi être amoureuse de Van. C'est un soir d'incendie dans une grange qu'ils restèrent seuls au château et consommèrent voluptueusement. Avec le temps ils ne se souviendraient plus, exactement, quand »la fraîcheur de son âme avait été déflorée ». Ils resteront de longues années sans se voir, Ada sera mariée, van aura une vie amoureuse intense, ils envisageront des enfants tout en s'interrogeant sur leur lien de parenté par très évident.
Si l'histoire est passionnante, ce n'est pas la raison principale pour laquelle vous lirez Ada, c'est pour le monde que crée Nabokov et son style. On imagine être aux États Unis mais tous les noms sont russes et au final on est dans un univers imaginaire fait des souvenirs d'enfance de l'auteur et de sa réalité américaine. Quant au style, Nabokov s'en donne à coeur joie, allitérations, jeux de mots, mots valises, métaphores, tout y passe sur fond d'érudition qui, disons le, peut lasser. C'est un livre brillant, intelligent, un peu pervers,, Lucette et Ada ont un côté nymphette, et puis quand même Ada et van sont cousins, enfin…
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Ce livre a pour moi une histoire : offert par un ami dans les années 70 ,la brouille entre nous le relégua dans les enfers de ma bibliothèque . le temps passa , l'ami disparut ,et en cette année 2021 ,l'ouvrage émergea ,léviathan poussiéreux , de rayons oubliés. J'emploie la métaphore à dessein car il s'agit d'un roman monstre :700 pages bien tassées entrelaçant de nombreux thèmes autour d'un fil directeur sulfureux : l'amour de l'adolescence à l'extrême vieillesse d'un frère et d'une soeur Ada et van Veen . Un amour passionnel, charnel (ô combien !), semé de tempêtes, de séparations crêve-coeur et de retrouvailles extatiques. le cadre en est une Terre alternative où l'histoire (Etats -Unis et Russie sont mêlées ),la science (pas d'électricité mais des tapis volants), la littérature (les nouvelles De Maupassant sont écrites par une vieille préceptrice de la famille) ont pris un chemin parallèle . Autour de cela une myriade de personnages secondaires burlesques ou tragiques, des variations de ton de la comédie au drame (Lucette la flamboyante mal aimée ) , des digressions (parfois indigestes, je l'avoue ) sur le Temps , l'entomologie (passion de Nabokov) ,la botanique , des surgissements de russe , de latin . Mais dans ce foisonnement surgissent comme un rêve sensuel la lumineuse beauté des amours adolescentes dans l'Arcadie du château d'Ardis , la finesse dans l'analyse de la passion et la poésie du langage . Un très grand livre !
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Quelle tâche difficile de s'atteler à critiquer un livre tel que Ada ou l'Ardeur.

Au château d'Ardis, à Antiterra, espace hors du temps et de l'espace, situé a priori aux Etes-Unis, van et Ada vivent très jeunes en pleine adolescence pour Van, à la sortie de l'enfance pour Ada, une histoire passionnée, qu'ils continueront leur vie durant, entrecoupée de pauses plus ou moins longues, avant de se retrouver définitivement à l'aube de leur vieillesse. Las, les deux amants sont frères et soeurs, en raison de la relation adultère de leurs parents. Et pire encore, ils vivent leur relation de manière violente et passionnée, mâtinée de perversion. Ada, animée de sentiments lesbiens envers sa soeur Lucette, va d'ailleurs, ainsi que Van, entraîner cette dernière dans l'abîme. Enfin, Van, comme Ada, semblent avoir hérité d'une tendance forte à la dispersion sexuelle.

Présenté comme ça, on se dit qu'il faut avoir le coeur bien accroché, avoir laissé toute moralité de côté, pour être en mesure d'apprécier ce livre. Pourtant, Nabokov a une écriture tellement splendide, imagée et d'une richesse telle, que, cette histoire qui pourrait n'être sordide, bascule vers des continents qui sont plus proches des zones interlopes du purgatoire que de l'enfer pur. On se perd avec bonheur dans cette maison d'Ardis, aux pièces innombrables et à la géographie impossible à se représenter, dans les dates et les époques, portée par une écriture aux jeux de mots très inventifs et souvent drôles, satires d'une société et de son temps.
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"Ada ou l'ardeur" fait partie de ces romans dont je garderai un léger goût de frustration. Une frustration liée à sa complexité, et au sentiment conséquent, récurrent, d'être laissée sur le bord de la route... Et en même temps, cette sensation est tempérée par la conviction d'avoir vécue une expérience rare, en pénétrant l'univers singulier et profus d'un auteur hors du commun.

L'immersion a d'emblée été abrupte, dans cet environnement à la fois familier et énigmatique que plante Valdimir Nabokov, à cheval entre monde réel et fantasmé, comme s'il distordait la réalité, créant d'improbables osmoses, imaginant une géographie hybride et fantaisiste, en trompe-l'oeil, évoquant un territoire américain où se seraient invités quelques pans de Russie.

Van Veen, quatre-vingt dix sept ans, y est notre guide, le roman se présentant comme la chronique, dont il est l'auteur, de l'amour indéfectible qui le lia à sa jeune cousine -en réalité sa soeur, leurs parents ayant été amants-, amour qui traversa le temps, malgré de longues périodes de séparation imposées par l'impossibilité sociale et familiale de le vivre au grand jour. Ada, objet de cette passion, l'assiste dans cette tâche, ajoutant à son texte des notes, des réflexions, de brefs correctifs. Sont ainsi reconstitués les débuts de leur amour, sa révélation, sa concrétisation physique débridée dans le domaine familial d'Ardis, qui se pare d'une dimension édénique et magique, et où, sincères et naturels, ils s'adonnèrent à leurs ébats avec une absence totale de mauvaise conscience, en ennemis de la médiocrité et de la fadeur.

Leur passion débute alors alors qu'Ada n'a que douze ans, et van quatorze, mais leur jeunesse est accessoire, j'ai presque envie de dire illusoire, car occultée par le caractère fascinant et quasi monstrueux de leur précocité intellectuelle et de leur savoir encyclopédique, qui donnent au texte sa profusion à la fois ardue et jubilatoire...

L'amour entre Ada et van irrigue l'ensemble de cette fresque de sa lumière, de son intensité, et rythme de sa constance leurs existences, dont nous sont dévoilées, avec une lente minutie, les joies, les blessures et les tragédies mettant parfois en scène certains de leurs proches, plus ou moins intimes, dont certains se brûleront les ailes au contact de leur ardente idylle... Mais je vous tais volontairement les multiples développements de la foisonnante intrigue de ce roman si singulier, objet de l'alternance entre moments de lecture rétifs, abrupts, voire d'exaspération face à l'obscurité du propos ou l'opacité des multiples références culturelles ou linguistiques et phases de pure fascination face à cette maîtrise de la langue -et en l'occurrence de la traduction- que l'auteur, par son inventivité et sa musicalité, rend personnelle et unique, véritable feu d'artifice de jeux de mots, d'anagrammes, d'anachronismes volontaires, de novations idiomatiques, qui instillent en permanence humour, fantaisie et érudition dans ce texte qui nous offre sans doute par ailleurs certaines des pages les plus belles, les plus sensuelles et les plus troublantes de la littérature amoureuse...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Un roman comme on en rencontre peu dans sa vie... Roman de l'amour, de la vie, du souvenir, de la famille, empreint à la fois d'humour et de poésie, plein d'imagination et de papillons, et de rayons de soleil, dans une langue magnifique. Un chef d'oeuvre.
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Lecteur averti en vaut-il deux ? Car j'ai aimé plus qu'à mon tour cet incroyable pavé dépravé, bien qu'il soit déconseillé ou abandonné autour de moi. Ada ou l'Ardeur… ça, c'est un sacré morceau de littérature !

Il happe, il fascine. L'écriture foisonnante de Nabokov joue avec son innocent lecteur jusqu'au point final. Références, jeux de mots, inventions et anachronismes, malice en veux-tu en voilà, tenez-vous bien, car c'est la déroute totale. Il faut accepter de pleinement s'abandonner à l'auteur qui nous mène avec sa barque par le bout du nez (et je peux vous dire que la croisière s'amuse), comme s'abandonnent Ada et van à leur amour interdit.

« Je n'ai pas dormi depuis deux nuits. J'ai passé la première à imaginer la seconde, et la seconde me réservait encore plus que je n'avais imaginé. »

Quelle puissance sensuelle ont leurs amours aussi incestueuses que flamboyantes ! Les passages érotiques entre nos deux amants sont juste sublimes. Même les mots sont charnels, ils se bousculent et se consument de désir. La pureté de leur passion, intacte malgré les ans et les vicissitudes, nous en fait oublier son caractère licencieux, voire subversif…

« Pour une dernière minute éternelle, ils demeurèrent enlacés dans l'allée muette, se délectant comme jamais encore de la petite formule « heureux pour toujours » par quoi finissent les contes de fées qui n'ont jamais de fin. »

Leur jeu dangereux est pimenté par un autre personnage que j'ai adoré : Lucette, soeur cadette d'Ada, nymphette aux cheveux de feu et folle amoureuse de Van…

« Elle s'approcha enveloppée dans le vertige d'une extase naissante, le dévoilement d'une caresse - l'aurore, qui sait (elle savait), d'une existence nouvelle pour elle et pour lui… »

Je referme ce roman bluffée par son style, d'une grande exigence (et puritains s'abstenir), mais quel cadeau ! Et je salue le travail phénoménal pour retranscrire l'inventivité de cette oeuvre qui s'affranchit de toutes les barrières : temporelle, géographique, réelle et morale.
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Une histoire qui vous emporte, à la fois très russe et très américaine, une épopée familiale pleine d'humour et de passion. Plus fine et nuancée que Lolita, un chef d'oeuvre de roman qu'on est triste de refermer.
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Voilà une autre de mes lointaines lectures d'adolescent...
Avec le recul des décennies, sans doute la plus surprenante parmi celles qui me sont encore si chères et toujours profondément imprégnées en moi... Comment l'ado que j'étais a pu se plonger avec tant de plaisir dans un roman aussi volumineux, dense, fait de jeux de cache cache, d'impostures, de partage de passions démentes qui semblent n'avoir d'autres objets que de nous tenir à l'écart (comme celle des papillons racontée par un amoureux fou et aveugle qui serait persuadé que tous partagent savoir et passion) jusqu'au bout ? Sans doute en n'en comprenant qu'une infime partie... Sans doute en me rattachant à deux êtres pourtant si éloignés de moi...
Et aujourd'hui, comment résumer ce roman-monde ? Dire simplement qu'il s'agit d'un amour incestueux entre deux êtres (Ada et Van) tout au long de leur vie, faite de lointains et de présents, de mondes imaginaires, de cruauté, de beauté, d'érudition ?
Je me rends compte que j'en suis incapable, tant je craindrais de trahir cette oeuvre monumentale, de ne pas savoir par quel bout raconter "l'inracontable"...
Je ne sais pas ce que je faisais quand les tours de New York, ce sont effondrées, mais je sais où et quand j'ai lu ce livre et quelles émotions j'ai ressenties, plus de 40 années plus tard, le temps dont j'ai eu besoin avant d'imaginer ouvrir un autre livre...
Je ne vais même pas me contenter de vous inviter à entrer dans cette oeuvre, n'étant pas persuadé qu'un lecteur pourrait finir par en fermer les pages, tant cette lecture pourrait paraître rebutante, étirée et abscons...
Pourtant...
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