Quitter Téhéran

Petite, je me souviens m'être fait la remarque que les hommes, eux, n'étaient pas aussi soucieux de leur apparence. Exempts de cette inquiétude constante qui taraude les femmes, ils peuvent exceller dans les domaines qu'ils investissent alors que nous sommes constamment inquiètes du regard qu'on porte sur nous.

A l'époque, je la trouvais très différente des femmes de ma famille : elle ne faisait jamais de brushing, n'était pas obsédée par son physique et celui des autres, ne parlait jamais ni d'épilation, ni de prise de poids.
Est-ce ainsi que je suis devenue féministe sans le savoir ? En comprenant à quel point ma mère était aliénée par les normes esthétiques pesant sur elle ?

Certes, je comprenais toujours le persan. Mais je ne savais plus le parler car j'avais le sentiment d'avoir perdu la musique de cette langue. Je n'osais prononcer un mot car je trouvais que mes phrases sonnaient faux.

Son destin incarne bien la dimension de revanche sociale qui a accompagné la révolution. Les "déshérités" prenaient le pouvoir et les Gardiens de la révolution devenaient à la fois une force de répression et une voie d'ascension économique.

Visiblement, le parti nationaliste était un élément important de la structuration de la vie de la diaspora en Iran.

Lors d'un voyage que j'ai fait en 2007 à Istanbul, j'ai été particulièrement frappée par l'omniprésence des traces arméniennes dans la ville. Et pourtant le négationnisme est encore de mise en Turquie où les membres courageux de la société civile qui évoquent le génocide arménien sont censurés et réprimés. Or, ce négationnisme est une deuxième mort pour toutes les victimes dont on tente d'effacer les traces après les avoir fait disparaître.

Et cela explique aussi, en partie, que j'aie mis de longues années à trouver l'âme sœur : le tabou suprême chez les Arméniens est de se marier en dehors de la communauté, acte d'une dissolution irrémédiable de l'identité.
La transmission d'une langue et d'une culture qui s'est faite durant des millénaires a-t-elle ainsi pris fin avec moi ?

La religion de Zoroastre fut celle de l'Iran avant que ce pays ne fût islamisé par la conquête arabe au VII° siècle. Elle est issue du mazdéisme, du nom de son dieu suprême, Ahura Mazdâh. Une minorité zoroastrienne persiste en Iran où elle est considérée comme monothéiste, ce qui lui vaut certains droits au sein de la République islamique.

Ainsi, en Iran, la vie d'un chrétien, d'un juif ou d'un zoroastrien vaut moins que la vie d'un musulman puisqu'en cas d'accident mortel, les indemnités versées à la famille sont moitié moindres. De même, les emplois dans la fonction publique sont interdites aux non-musulmans. Et les Arméniens ont perdu le droit de gérer leurs écoles de façon autonome comme ils le faisaient sous le shah. Des directeurs d'établissement musulmans, fidèles à la République islamique, ont été nommés avec notamment pour mission de développer des cours d'éducation islamique.

Bien qu'ils soient en Iran depuis très longtemps, ils ne se mêlent que peu aux Persans. C'était le cas avant la République islamique et cette dernière n'a fait qu'aggraver cette tendance en inscrivant dans la loi les discriminations vis-à-vis des minorités religieuses.