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Critique de Charybde2


En 2009-2011, le choc pionnier et réjouissant d'une fantaisie moyenâgeuse bien différente, pour creuser blessure d'enfance, rage et échappée belle.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/02/19/note-de-lecture-chien-du-heaume-mordre-le-bouclier-justine-niogret/

Il fallait certainement cet extrait inhabituellement long, sur ce blog, pour permettre de réaliser pleinement le choc que constitua, dès ses premières pages, en 2009, le « Chien du heaume » de Justine Niogret, puis sa suite, « Mordre le bouclier », publié en 2011, également chez Mnémos. Dans un paysage littéraire où la fantasy, dans ses différentes variantes, des plus au moins talentueuses, se soucie rarement du pouvoir propre de l'écriture, de la poétique du langage, des mots et de leur agencement, pour atteindre l'étrangeté réelle et l'intensité, ce récit associant étroitement horreur et cruauté, réalisme et traumatisme, simplicité des moyens et vigueur des quêtes, détonait largement, pour notre plus grand bonheur. Travaillant en profondeur son lexique moyenâgeux en assumant les éventuels anachronismes, discrets ou non, en ces contrées insituées et largement intemporelles (le roman arthurien n'est pas toujours si loin, et l'autrice montrera dès son « Mordred » de 2013 que cette tonalité ne lui était effectivement pas du tout étrangère), Justine Niogret expérimente avec une étonnante maîtrise le travail de la langue que l'on peut trouver, sous des formes parfois voisines mais toujours subtilement différentes, chez la Céline Minard de « Bastard battle » (2008), le Guillaume Lebrun de « Fantaisies guérillères » (2022), ou même le Marc Graciano de « Liberté dans la montagne » (2013), de « Une forêt profonde et bleue » (2015) ou du « Sacret » (2018). C'est bien la langue qui fournit ici l'ancrage souverain de la tragédie intime et familiale, du cheminement de cette formidable guerrière mercenaire qui doit patiemment et rageusement à la fois surmonter ses cruels traumatismes familiaux d'enfance et d'adolescence – motif qui hantera longtemps l'autrice, dans « Gueule de truie » comme dans « Coeurs de rouille », tous deux publiés en 2013, et même dans le beau « Bayuk » (2022) plus particulièrement destiné à la jeunesse, tandis que le récit bouleversant qu'est « le syndrome du varan » (2018) en fournit les serrures et les clés éventuellement cathartiques. Et dans un tout autre registre, celui de l'exploration antarctique aux confins de la folie et de la mort, le magnifique « Quand on eut mangé le dernier chien » démontrera définitivement en 2023 que la langue s'impose en toutes circonstances face au thème apparent, même le plus effroyable.

Si Justine Niogret arpente ici avec un sérieux presque imperturbable les contrées du terrible et de l'effroyable, si elle manie la cruauté instinctive et la violence calculée avec un brio étourdissant, elle distille toutefois, à l'état de traces subtiles, une ironie bienveillante et une drôlerie, sous-jacente et paradoxale, dont le lexique qui clôt chacun des deux ouvrages donne une partie du contexte d'élaboration, en révélant l'héritage rôliste, l'humour noir sans tabous, la gouaille forcenée et la curiosité sans limites qui nourrissent les savantes élaborations de l'autrice, sans laisser de coutures à percevoir dans l'oeuvre proprement dite, une fois finalisée. Comme l'extraordinaire dramatis personae de luvan, dans son « Susto » de 2018, les glossaires de Justine Niogret, bien loin d'un statut annexe, sont ici une part en réalité essentielle du roman achevé, et de notre plaisir profond de lecture.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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