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EAN : 9782267051766
320 pages
Christian Bourgois Editeur (07/03/2024)
3.83/5   254 notes
Résumé :
Nous pensons tous connaître les grandes lignes de la geste de Jeanne d'Arc. Nous ignorons bien souvent qu'au début cellesci étaient au nombre de quinze petites Jehanne, rassemblées en secret sur ordre de la grande Yolande d'Aragon afin d'être formées, dans le but de révéler une prophétesse : au programme, entraînement à la décollation de Bourguignons, techniques pour éviter le bûcher, méthode Guillemette Latubée et cours sur les Vies parallèles des Femmes Illustres.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (74) Voir plus Ajouter une critique
3,83

sur 254 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 #3 °°°

Guillaume Lebrun n'est pas le premier écrivain non historien à s'emparer de l'épopée de Jeanne d'Arc, pour ne citer que Mark Twain ( La Saga de Jeanne d'Arc ) ou très récemment Marc Graciano (Johanne ). Mais lui la réinvente bien au-delà du simple dépoussiérage pour jouer avec l'Histoire et imaginer un récit complètement cinglé à l'énergie rock'n'roll assumée. Et ce dynamitage inspiré est absolument génial, régalade et jubilation de la première à la dernière page !

C'est donc l'histoire de Jeanne d'Arc telle que vous ne l'avez jamais lue, même si on retrouve tous les passages obligés appris à l'école : la Guerre de Cent ans face aux Anglais, Armagnacs contre Bourguignons, les voix, la virginité, la levée du siège d'Orléans, le roi de France Charles VII enfin couronné roi à Reims, le bûcher. Aux côtés de Jeanne, l'auteur choisit de mettre en lumière un autre personnage historique : la duchesse Yolande d'Aragon, femme puissante maltraitée par l'Histoire, invisibilisée alors qu'elle a été pendant une quarantaine d'années au coeur de tous les grands événements de la première moitié du XVèmesiècle, notamment en tant que protectrice et conseillère de son beau-fils Charles VII ( dans le film de Luc Besson, Faye Dunaway lui prête ses traits ). C'est elle, entre autres, qui a financé et armé Jeanne d'Arc. Soit.

Ça décoiffe dès les premières phrases lorsque la fougueuse duchesse se présente à la façon du Diable de Sympathy for the devil des Stones. Alors que la Guerre de Cent ans se traîne, « affligée d'être coincée dans ce camp de big loosers, ratiboisés jusqu'à l'os et trahis de toutes parts », Yolande dite Yo conçoit le projet fou d'accélérer le Destin annonçant qu'une prophétesse devait couronner le prochain roi de France et libérer Orléans. Pour dénicher et modeler la future pucelle, elle met sur pied une école de formation secrète où une quinzaine de candidates prophétesses, toutes re-prénommées Jehanne ( avec un numéro ) vont s'entrainaient jusqu'à ce que la sélection désigne l'élue. Ce ne sera évident pas celle que Yolande imaginait au départ.

Au programme :
- « apprentissage de la lecture le biais des textes d'autrices de grande valeur antimâle ( Christine de Pisan ) »
- « petits pains et fontaine de vin : la véritable vie de Jésus-en-Christ »
- « entrainement à la décollation de Bourguignons »
- « initiation à la simulation de la transe mystique, méthode Hildegarde de Bingen »
- « mathématiques, méthode Hypathie d'Alexandrie »
- « comment éviter le bûcher ? méthode Guillemette Latubée ».

Guillaume Lebrun s'éclate et entraine le lecteur dans un récit joyeusement iconoclaste rempli d'irrésistibles clins d'oeil à la culture pop' de Freddy Mercury à Apocalypse now, en passant par Céline Dion ( avec la réécriture hilarante de Pour que tu m'aimes encore, que Jehanne la Douzième dédie à Yolande dite Yo ). Il le fait avec une proposition d'écriture follement inventive : un langage hybride mêlant différents niveaux et registres, anglais et idiomes médiévaux réels ou néologismes à consonnance médiévale, à la fois scandée et surannée, grouillants de mots savoureux, explosant tous les carcans stylistiques avec une énergie punk décomplexée.

C'est forcément un pari de tenir tout un roman ainsi. Si cela fonctionne aussi bien, c'est sans doute parce que la voix de Yolande alterne avec celle de Jehanne la Douzième, celle qui sera choisie comme prophétesse, guérillère féroce bien loin de la représentation d'une jeune femme mystique jusqu'au ridicule. le lecteur découvre avec gourmandise cette nouvelle Jeanne d'Arc au comportement et à l'apparence bien surprenantes ( je préfère ne rien en dévoiler ). On adore la suivre, notamment dans la bataille d'Orléans, ou plutôt l'extraordinaire deuxième bataille d'Orléans qui fait basculer le récit dans une autre dimension à l'esthétique heroïc fantasy qui ravira les amateurs de Tolkien et de la geste d'Eowyn combattant le chef des Nazgul dans les Champs du Pelennor, sous le regard d'un oeil sauronique. Avec une touche de Princesse Mononoké.

Cerise sur le gâteau, Guillaume Lebrun réussit à injecter dans son récit iconoclaste des thématiques toutes contemporaines avec un naturel confondant, par touches, tout en subtilité maitrisée : autour du féminisme ( place des femmes dans une société patriarcale, sororité et invisibilisation des femmes dans l'Histoire entre autres, fierté LGBT+ assumée ) mais aussi fabrique du discours médiatique désinformant ou manipulant les masses ignorantes ou « façonnage du boniment à clampins ».

Bref, un premier roman génial et explosif qui fait un bien fou et détonne dans cette production littéraire de la rentrée !
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Quel escrit mes amis, j'ai bien des ries ! Cet escrit, un spectacle esbardaillant, je fus coite devant telle biauté…A dire le vrai, au début, promptement ahurie, j'étais dur de la comprenette. Wat's the f… ?? me suis-je récriée. J'avais besoin d'arguties supplémentaires pour comprendre cette histoire portant sur icelle Jehanne la Pourcelle, non encore percée par l'appendice mol, fiérote guérillère, prophétesse et harnacheuse de pimpantes, habile au trémouillage de la langue et à la Sainte Chope, experte en anéantissement des bullshiteux de toutes obédiences et surtout des englishes, spécialiste en façonnage de boniments à clampins…

Délirant pour ne pas dire cinglé, iconoclaste, drôle, féministe, ce livre est un régal d'inventivité. Quelle jubilation a dû ressentir Guillaume Lebrun, éleveur d'insectes dans le Sud de la France, conçu dans une éprouvette, étiquetée 876437 1-A en 1986, en revisitant l'histoire de Jeanne D'arc, de manière si insolente et caustique ! Et, nous le sentons, de manière totalement assumée. Il a pris un plaisir fou, bonheur d'écriture devenant par là même bonheur de lecture, comme une parenthèse de jouvence hallucinatoire en cette période de rentrée.

« Mon bel et bon plaisir fut d'arracher les oreilles englishoises à mains nues pour les conserver en besace, projetant de faire un collier de ces esgourdilles, telle une Amazone d'autrefois. Je goutai goulument à la chair des ennemis, mais elle était bien trop gélatineuse et mentholée à mon goût. du sang vérolé me perlait sur la face, se mélangeant à ma sueur en une matière goulinante qui rougeoyait sous un ciel illuminé d'étoiles dont la configuration n'était point de ce monde ».

Nous sommes au début du 15ème Siècle et tout est chaos au Royaume de France : les anglais imposent leur présence depuis près de cent ans, Armagnacs et Bourguignons ne cessent de s'affronter. Une prophétesse est attendue pour couronner le dernier Dauphin vivant. Yolande d'Aragon, Duchesse, n'y tient plus : puisqu'une prophétesse est attendue, elle décide de hâter le destin au lieu de rester passif et « de nous estropier en boissons, amours courtoises et querelles médiocres, réunissons nos fonds et nos forces pour lui offrir apprentissage. Seule notre cour saura la vérité : pour les gens, la petite sera issue de nulle part et donc de Dieu. Son savoir, improbable pour une pimprinotte de son âge et de sa condition, apparaitra assurément comme un don du Ciel ».
Elle va ainsi se convertir dans l'élevage et l'éducation de quinze petites Jehanne, en secret, dans une école retirée, avec l'aide de quelques soldats, dans le but de les former aux exigences militaires et intellectuelles de Guérillères accomplies. Un programme éducatif concocté aux petits oignons, complet et varié, comme en témoignent les cours prévus, par exemple dès le lundi : 8h à 10h Apprentissage de la lecture par le biais de textes d'auditrices de grande valeur antimâle (Marie de France, Christine de Pisan, etc.) / 10h à 12h30 L'invisibilisation des Femmes puissantes dans L Histoire par la diablerie des hommes. Etudes de cas / 12h30 à 13h Ripailles / 13h à 14h Entrainement à la décollation de Bourguignons…Jehanne la Douzième va s'avérer être la plus féroce, la plus puissante, la plus surprenante aussi de ces quinze élèves. Sera-t-elle la prophétesse promise ?

Nous retrouvons tous les éléments historiques connus de cette période : les voix entendues par la jeune fille, sa virginité qui sera vérifiée, La guerre de Cent ans, les Armagnacs contre les Bourguignons, la libération d'Orléans, le couronnement de Charles VII et enfin le célèbre bûcher. Voilà pour le squelette. Guillaume Lebrun met à l'honneur également le personnage quelque peu méconnu de Yolande d'Aragon qui fut conseillère de son beau-fils Charles VII et soutien financier et militaire de Jeanne D'arc.
Concernant la chair, ce qui entoure ce squelette historique véridique, l'auteur l'a en revanche totalement façonné, revisitant l'histoire. Il imagine ainsi l'enfance de Jehanne, son apparence physique, complètement disgracieux, telle « verrue sur peau de pêche », la façon dont elle sera prise à ses parents puis éduquée avec d'autres petites Jehanne, son attirance pour les femmes, sa sexualité homosexuelle débridée, son appétit insatiable jusqu'au cannibalisme. Partagée sur la fin en revanche, j'avoue avoir été un peu perdue par moment lors de la levée du siège d'Orléans, certes très beau et épique mais un peu alambiqué, raison de mes 4,5 étoiles malgré mon grand enthousiasme pour tout le reste du livre.

Si nous pouvons être, au début, quelque peu décontenancés par la langue inventée par Guillaume Lebrun, butant sur certaines tournures de phrases, tels des récifs heurtés empêchant une lecture fluide, nous nous coulons rapidement dans les méandres de cette langue fleuve, pour ne voir ensuite plus que l'histoire, pleine de péripéties parfois très cocasses, les multiples clins d'oeil dont le livre est truffé, et l'humour présent à chaque coin de page qui m'a souvent fait éclater de rire. le livre est rythmé car parole est donnée alternativement à Yolande d'Aragon et à Jehanne la Douzième, de sorte que l'écriture, du fait des façons de parler un peu différentes entre les deux femmes, ne lasse absolument pas le lecteur.

Violence, religion et sexe prennent une part non négligeable dans le récit et sont narrés avec intensité mais là encore tout est à prendre au second degré. Les scènes de guerre revêtent même des teintes gothiques, voire fantastiques, qui ne sont pas sans rappeler un certain Seigneur des Anneaux :

« Au fur et à mesure de leur approche, les silhouettes des Phonoi se dévoilèrent à nos mires. Au creux de leurs grands capuchons noirs étaient faces de peau sans yeux ni bouche, verdâtres de putrescence. Ils étaient d'une taille de cinq ou six hommes, vêtus de lèdres de ténèbres qui s'effilochaient dans la course effrénée qu'ils menaient pour nous atteindre. Leurs bras étaient tout autant chair en décomposition, laissant paraitre des os polis par le temps et couverts de signes gravés en lettres dorées dans la langue du Maître. Ils faisaient tournoyer des labrys, luisant de la haine immense contenue dans leur double lame ».

Au final une lecture drôle et décalée permettant de revisiter de façon très originale un pan de l'histoire de France mais également d'aborder avec férocité certains thèmes très actuels comme le féminisme ou encore la fabrique des fake news (le mythe de Jeanne d'Arc est, dans le récit, en effet totalement fabriqué de toutes pièces). le livre détonnant de la rentrée littéraire 2022, lu grâce à la formidable passeuse toujours au fait des dernières sorties : Kirzy !
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Après les voix, the Voice.
Je vous conseille d'assister au casting de la pucelle organisé par Yolande d'Aragon au 15 éme siècle. Pas de Big brother à l'époque ou de vidéos indiscrètes dans les jacuzzis, mais de l'English qui occupe le royaume de gaulois pas si réfractaires depuis pas loin d'un siècle. Comme les Armagnacs et les Bourguignons se disputent la couronne pour avoir la fève, il est temps qu'une prophétesse descendent du ciel ou de sa montagne pour remettre un peu d'ordre dans cette monarchie de droit divin et brexite l'occupant en le tirant par la Manche.
Nous sommes au Moyen âge, mais après quinze siècles d'attente, la Yolande, duchesse d'Anjou qui en assez de tendre la joue, a compris que Dieu procrastinait pas mal avant d'agir et que ses ambitions pour remporter le game of trône ne pouvait plus être remis au lendemain.
Elle décide d'enlever 15 jeune filles dans les campagnes, d'en faire 15 apprentis, les rebaptisant de Jehanne 1 à 15 (idée à retenir pour les portées nombreuses) et de les élever à la dure dans son domaine et dans le plus grand secret. Il ne pourra en rester qu'une. A l'époque, vu l'espérance de vie de libellule, la barbarie ambiante et la médecine raoultienne, inutile de faire appel au public pour en éliminer certaines : le destin s'en charge.
Problemo, la Jehanne qui se démarque, la douzième, n'a pas le profil. Elle a le physique ingrat et bien gras, elle est féroce, peu lettrée, lesbienne, et un peu cannibale. En résumé, elle n'a pas grand-chose à voir avec la mystique un peu tourmentée qui a fini sur un barbecue si l'on en croit nos manuels d'histoire.
La Jeanne d'Arc de Guillaume Lebrun mélange dans son style l'ancien français et un franglish pop d'aujourd'hui. D'ailleurs, je vous recommande en fin d'ouvrage, les versions médiévales des tubes de Jean-Jacques Goldman transformées par la troubarde star de l'époque, Marie-Claudette de Charlemagne, dépourvue de l'accent de caribou, mais qui reste quand même assez identifiable.
Je ne sais pas quelles voix a entendu le romancier pour raconter cette version hallucinée du mythe de la pucelle, j'ignore si l'illumination est venue alors qu'il comptait les moutons avant de s'endormir mais le résultat est assez extraordinaire. C'est très drôle, dopé de références actuelles et d'une originalité rare.
Passé l'effet de surprise face à ce cocktail de langages, je pensais ressentir un peu de lassitude au fil des pages et que cela finisse par desservir le récit. Ce fut tout le contraire. Tel un slip moulant, la forme épouse parfaitement le fond.
Le seul passage qui m'a un peu déçu concerne le siège d'Orléans que l'auteur a décidé de transformer en heroic fantasy féministe avec le renfort un peu halluciné de grandes guerrières du passé qui viennent aider Jehanne dans son combat. Les spécialistes du genre sauront peut-être apprécier davantage cette partie que j'ai trouvé difficile à suivre et un peu brouillonne.
Au final, une vraie curiosité et un joli moment de délire. A bien y réfléchir, est-ce que la version officielle est plus crédible ?



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Désensablez-vous les esgourdes les cervelés de moitié !
L'histoire que je m'en va vous conter (enfin plutôt Guillaume Lebrun, je décline toute responsabilité dans l'affaire), c'est celle de Jehanne.
Attention, hein, pas n'importe quelle Jehanne, non, là je speake de l'Illuminée, l'Elue, celle de Domrémy et qui entend des voix (serait-ce en rapport avec un quelconque soupçon de schizophrénie ?)
J'ai entravé un nombre de trucs déments dans cette diablerie, car on ne nous dit pas tout, et surtout pas la vérité dans les bouquins d'Histoire figurez-vous concernant Jehanne d'Orléans !
First, Jehanne, quand elle est née, et bien nenni, icelle damoiselle n'était point nommée Jehanne. C'était une little kid d'une dizaine d'années qu'a pas de shampooing. C'est normal me direz-vous, pour les plus perspicaces, on est au début du XVe siècle. Elle s'en va au lac pour se décrasser. (Ah non, zut, j'ai confondu avec l'histoire d'une autre mitée de la calebasse).
Je reprends : Jehanne s'esbaudissait au bord du lac avec un pourceau, les deux s'enstrainant en jeux boueux, lorsqu'elle (Jehanne donc, ça va ? vous suivez toujours ?) tombe raide dingue in love d'Elissandre, une foutresse qu'a déjà 4 children. Tellement raide qu'elle en tombe dans le lac sous les yeux esbaubis d'Elissandre. Elissandre la ramène alors chez elle pour la réchauffer et lui donner substance.
Le gros blème, c'est que le husband d'Elissandre une brute épaisse, pas trop finaud du cervelet, ne l'esgourde pas de cette oreille, et ne compte pas ensouper un children supplémentaire, même pour un unique repas. Alors il tabasse comme il se doit sa vermine de foutresse.
Mais là c'est la révélation pour notre beloved Jehanne, elle se découvre une jalousie accompagnée d'une hargne féroce. Elle terrasse le sale nutjobé en quelques coups de coutelas. Alléluia, la messe est dite, icelle est prête pour se transformer en une seriale killeuse redoutable…
Pour ce faire, le divin Esprit s'en va aller toquer le heaume de Yolande d'Aragon, dont le Roi Louis II est le husband. Yo se met en tête de faire un élevage de jeunettes capables d'aller sauver Orleans des traitres d'Englishes.
Lorsque le troupeau de children est constitué, Yo décide de toutes les appeler Jehanne, avec un numéro, on a donc Jehanne 1, Jehanne 2, jusqu'à Johanne 14 (donc là oui, vous tapez 12 sur le clavier de votre téléphone). Pour ceux qui sont toujours là, celle qu'avait pas de shampooing au début de l'histoire et bien c'est Jehanne 12 (je crois que j'ai dû en perdre quelques-uns en cours de route …)
Que ceux qui n'ont rien escapité à mon histoire et me regardent les mires agrandies, ben c'est pas grave, ça veut dire que ce bouquin complètement déjanté n'est pas pour vous ! car ces expressions ne sont pas de mon crû mais de celui de l'auteur …
L'auteur est un certain Guillaume Lebrun, qui, si l'on en croit la 4ème de couverture, élève soi-disant des insectes dans le Sud de la France. Perso, je le soupçonne de réduire ses insectes en poudre et ensuite de les fumer pour obtenir un tel résultat. À mon avis c'est ça qu'il appelle herbe à folles (cf p.174)
Êtes-vous prêts pour une bien bielle chevauchée fantastique, débridée, mais ô combien jubilatoire, provoquant bien des ries ? Ici on swimme en plein délire, tout est savoureusement mélangé tant au niveau du langage que du fond (saut dans le temps, multiples références à la musique, au cinéma). Ça fuse dans tous les sens, quelle fantaisie, originalité, du grand délirium tremens. But WTF ! I liked it!
Je vous encourage à aller tout au bout de la lecture, car j'ai tout particulièrement enjoyé en annexe les portraits de guérillères faits par Yo. Guerillères a priori bien célèbres dont je n'avais jamais entendu les noms avant. Je les cite toutes ici, rien que pour le plaisir de ne pas les oublier : Artémise Ière, Ching Shih, Dihya, Hangaku Gozen, Seh-Dong-Hong-Beh, Timoclée, Tomoe Gozen, Veleda, Zénobie.
Je me suis régalée de la lecture de ces portraits hauts en couleur de femmes hors du commun, faisant la nique aux conventions de leur époque. Quel vent de liberté et de courage incroyadible ! Tous ces personnages sont venus alimenter la fresque délirante de Guillaume Lebrun, et j'ai trouvé fort urbain de sa part de nous partager ses inspirations.
Un bémol malgré tout concernant la grande bataille d'Orléans, là l'auteur a clairement abusé des pétards en versant dans l'heroic fantasy échevelée et m'a un peu perdue au passage. Dommage aussi qu'il ait laissé tomber sur la fin de l'histoire ses tournures langagières si inventives, peut-être de peur de lasser et de se répéter, mais j'en aurais bien voulu encore !
Avez-vous entendu les voix vous intimant de partir à l'attaque de Guerillères ? A moins que vous ayez fait un rêve ? ou alors c'est moi qui ai rêvé que vous faisiez un rêve ?
« -Tout à fait, j'ai fait un rêve où tu étais en train de rêver d'un lieu incertain, mais dont la lucifette était incontestable.
-Tu as rêvé que je rêvais ?
-Le Seigneur appelle cela une Inception, et ses voies sont impénétrables. »
(p.135)

PS : pour les poor nutjobés qui n'ont rien entravé à la réponse, rassurez-vous, il vous suffira de dire quarante-deux !
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Excellent ! Un gros coup de coeur ! Voilà un roman jubilatoire, inventif et totalement déjanté !

Vous croyez connaître l'histoire de Jeanne la pucelle, qui proposa son aide à Charles VII pour bouter les anglais hors de France ? Je le croyais aussi ! Merci à Guillaume Lebrun de m'avoir ouvert les yeux sur ce qui s'est vraiment passé…

Au quatorzième siècle, le pays file un mauvais coton, les Anglais et les Bourguignons noyautent notre territoire. Yolande d'Aragon élabore une stratégie pour nous sortir de ce mauvais pas. Il faut une figure mystique qui motivera les troupes. Elle recrute donc une quinzaine de demoiselles, négociées auprès de familles plutôt satisfaites de se débarrasser de fardeaux à marier contre espèces sonnantes et trébuchantes. Un programme rigoureux, des formateurs exigeants, et les aléas de la vie contribuent à sélectionner peu à peu les candidates pour distinguer l'élue.
La suite on la connaît partiellement, car il est dans cette histoire des épisodes quelque peu surnaturels que les manuels d'histoire nous ont tus …

La fin prend des allures de roman gothique hallucinatoire !

L'aspect historique revisité ne manque pas d'audace, mais ce qui saute aux yeux dès les premières lignes, c'est la langue ! Une merveille de français ancien décliné et caviardé d'expressions qui ne sont apparues que quelques siècles plus tard, et un humour diffus, parfois bien noir, réjouissant.

En prime, reconnaitrez vous les originaux des chansons supposées composées par les troubadours de l'époque ?

Il y a longtemps que je n'avais été aussi happée ! Un premier roman, drôle, inventif et réjouissant

320 pages Août 2022 Belfond
Jury FNAC 2022
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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critiques presse (3)
LeMonde
27 décembre 2022
L’écriture de Guillaume ­Lebrun est un mélange bizarroïde, et pourtant à chacun familier, d’ancien français fantaisiste et de franglais, mâtiné de trésors argotiques, de québécismes pour le plaisir et de régionalismes que l’on serait bien en peine de tous ­situer. Précisément : chez Guillaume Lebrun, chantre époustouflant de la liberté créative, il n’y a point de frontières que la littérature ne peut outrepasser.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
21 novembre 2022
Un premier roman qui revisite l?histoire de Jeanne d?Arc, écrit dans une langue d?une folle inventivité.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
06 septembre 2022
Avec ce premier roman déjanté, Guillaume Lebrun réécrit la vie de la Pucelle d’Orléans dans un style à dévisser les heaumes. Iconoclaste et follement drôle.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Depuis toutes petites, on nous a expliqué qu'il fallait prier, se marier, pondre nombre children, sourire à s'en sécher les dents, éventuellement crever dans d'atroces douleurs gynécobstétriques afin que notre husband puisse se remarier avec sa nièce de douze ans. De tous temps, avons dû livrer bastailles, surmonter rumeurs absurdes et grandes humiliations pour acquérir une certaine indépendance et liberté de cervelle. Mais c'étaient là combats d'alcôve, de chambre au soir, de femmes entre elles et d'hommes discrètement poussés dans l'escalier ; non point d'esgorgements en ruelles ni d'explorations de pays outremarins.
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J'étais fiérote de les voir toutes si aptes à la joliesse. Toutes sauf une : dans le fond du rang, Jehanne la douzième faisait tache huileuse et gâtait par son allure l'ambiance générale. Elle se tenait bancalisée contre un mur, plus souillée que le trône de France, le cheveu fol et l’œil louche. Elle portait les mêmes penailles qu'hier, trouées et marronnasses ; une odeur infernale, de merdre, pisse et sueur émanait de sienne peau. Et avec ça, grasse comme un capitaine de gens d'armes, les os mal faits, la teste large surmontée d'une chevelure corbeau ébouriffamment gélifiée. Je n'avais point noté la veille à quel point celle-ci dans le lot paraissait différente, mais elle se révélait au jour d'hui verrue sur peau de pêche.
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Ching Shih : Piratesse issue de l'empire de Chine, Ching Shih naquit en l'année 1775 et mourut en 1844. […] A l'apogée de sienne gloire, elle dirigeait mille huit cents navires et avait sous ses ordres quatre-vingt mille marins, constituant ainsi la plus grande assemblée piratesque de tous les siècles confondus. Surnommée par clampins et nobliaux « l'assemblée au drapeau rouge », icelle n'aura de cesse de mettre en échec l'empire de la dynastie Qing, tout comme les empires portugais et britannique. Ching Shih appliquait des règles strictes à son équipage : il était interdit de piller un village déjà venu en aide aux pirates d'une quelconque manière. Tout marin qui viendrait à voler le butin pour lui seul était condamné à mort. Tout pirate qui oserait déshonorer de son appendice mol une prisonnière était décapité. (p.300)
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Laisse-moi me présenter comme il se doit :
my name is Yolande,
and I am front Aragon,
née sur les terres du royaume de France quatorze siècles après Jésus-en-Christ, répandue au sortir du ventre par des hurlements de joie, déjà bien esbardaillée des choses du monde, instruite en diableries, quatre fois reine, deux fois comtesse, dame de Guise, duchesse et maîtresse incontestée de mes sujets hérités de mienne épopée angevine, mariée à Louis, dit Loulou, belle-mère et liée par le sang au Grand Bastard de France, je me montre si douce avec lui qu'il me nomme tantine.
(incipit)
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Ah oui, précision importante : afin de dissimuler mes activités herbageuses et d’éviter ainsi que les gens d’armes et autres prêtres dépressifs ne viennent vermiller dans mes malles, j’avais fait croire à tout le monde que j’étais devineresse. Mais attention, pas comme ces sorcières qui se mettent nues dans la forêt pour dallasser autour d’un feu de bois les soirs de solstice, non, une bonnaventureuse bien chrétienne qui, de temps à autre, a une révélation importante issue de Jésus-en-Christ ou de sa Mère ou de son Père ou des saints : y a trois mille saints, c’est simple, il suffit de donner un prénom au hasard pour décrocher la queue du miqué au tourniquet de la nutjoberie.
Bon c’était bullshiterie, mais dans la mesure où tout était misère et nulle splendeur, je m’étais dit que je pouvais peut-être gagner quelques deniers en conseillant les cocues et, par ricochet, acquérir un statut spécial au sein de la basse-cour, encore un peu plus au-dessus du lot des simplets.
Il arrivait donc qu’on vienne me voir certains soirs avec troubles incertitudes sur son devenir, ou sur la fidélité de son husband, ou sur la cuisson de la dinde de Noël, et je répondais toujours par des phrases vagues et adaptables à n’importe quelle situation. Les ménagères étaient ravies et je gagnais de quoi me payer des robes sans avoir à ouvrir une ligne de crédit auprès de Loulou. Mais depuis que nous étions devenus pré-beaux-parents du Dauphin, tout en continuant bien entendu de nous faire laminer par les Englishes et évincer par les Bourguignons, çuici avait décidé de me mettre au service du royaume et considérait que tous mes supposés talents divinatoires permettraient d’en savoir plus sur le couronnement du prince.
Je gérais tant bien que mal cette pournillade qu’il s’était ardemment implantée en cervelle, mais le harcèlement devenait chaque fois plus précis et j’allais bientôt me retrouver à court de phrases toutes faites. Et mon Loulou, il est crétinant mais pas à ce point-là : si je continuais comme ça et que rien n’arrivait, il me conduirait au bûcher sans ciller. Il est comme ça, mon husband, il aime brûler les gens. Et les sorcières en particulier. Comme il a une certaine autorité sur les égrotants de l’axone, il suffirait qu’il jure m’avoir vu me diaboliser pour que la Cour tout entière parte couper de la boisellerie et ravive les braises sans poser plus de questions.
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Vidéo de Guillaume Lebrun
Guillaume Lebrun nous présente son livre « Fantaisies guérillères » chez Christian Bourgois éditeur. En librairie le 18 août 2022
#RentréeLittéraire2022
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