Quel escrit mes amis, j'ai bien des ries ! Cet escrit, un spectacle esbardaillant, je fus coite devant telle biauté…A dire le vrai, au début, promptement ahurie, j'étais dur de la comprenette. Wat's the f… ?? me suis-je récriée. J'avais besoin d'arguties supplémentaires pour comprendre cette histoire portant sur icelle Jehanne la Pourcelle, non encore percée par l'appendice mol, fiérote guérillère, prophétesse et harnacheuse de pimpantes, habile au trémouillage de la langue et à la Sainte Chope, experte en anéantissement des bullshiteux de toutes obédiences et surtout des englishes, spécialiste en façonnage de boniments à clampins…
Délirant pour ne pas dire cinglé, iconoclaste, drôle, féministe, ce livre est un régal d'inventivité. Quelle jubilation a dû ressentir
Guillaume Lebrun, éleveur d'insectes dans le Sud de la France, conçu dans une éprouvette, étiquetée 876437 1-A en 1986, en revisitant l'histoire de Jeanne D'arc, de manière si insolente et caustique ! Et, nous le sentons, de manière totalement assumée. Il a pris un plaisir fou, bonheur d'écriture devenant par là même bonheur de lecture, comme une parenthèse de jouvence hallucinatoire en cette période de rentrée.
« Mon bel et bon plaisir fut d'arracher les oreilles englishoises à mains nues pour les conserver en besace, projetant de faire un collier de ces esgourdilles, telle une Amazone d'autrefois. Je goutai goulument à la chair des ennemis, mais elle était bien trop gélatineuse et mentholée à mon goût. du sang vérolé me perlait sur la face, se mélangeant à ma sueur en une matière goulinante qui rougeoyait sous un ciel illuminé d'étoiles dont la configuration n'était point de ce monde ».
Nous sommes au début du 15ème Siècle et tout est chaos au Royaume de France : les anglais imposent leur présence depuis près de cent ans, Armagnacs et Bourguignons ne cessent de s'affronter. Une prophétesse est attendue pour couronner le dernier Dauphin vivant. Yolande d'
Aragon, Duchesse, n'y tient plus : puisqu'une prophétesse est attendue, elle décide de hâter le destin au lieu de rester passif et « de nous estropier en boissons, amours courtoises et querelles médiocres, réunissons nos fonds et nos forces pour lui offrir apprentissage. Seule notre cour saura la vérité : pour les gens, la petite sera issue de nulle part et donc de Dieu. Son savoir, improbable pour une pimprinotte de son âge et de sa condition, apparaitra assurément comme un don du Ciel ».
Elle va ainsi se convertir dans l'élevage et l'éducation de quinze petites Jehanne, en secret, dans une école retirée, avec l'aide de quelques soldats, dans le but de les former aux exigences militaires et intellectuelles de Guérillères accomplies. Un programme éducatif concocté aux petits oignons, complet et varié, comme en témoignent les cours prévus, par exemple dès le lundi : 8h à 10h Apprentissage de la lecture par le biais de textes d'auditrices de grande valeur antimâle (
Marie de France,
Christine de Pisan, etc.) / 10h à 12h30 L'invisibilisation des Femmes puissantes dans
L Histoire par la diablerie des hommes. Etudes de cas / 12h30 à 13h Ripailles / 13h à 14h Entrainement à la décollation de Bourguignons…Jehanne la Douzième va s'avérer être la plus féroce, la plus puissante, la plus surprenante aussi de ces quinze élèves. Sera-t-elle la prophétesse promise ?
Nous retrouvons tous les éléments historiques connus de cette période : les voix entendues par la jeune fille, sa virginité qui sera vérifiée, La guerre de Cent ans, les Armagnacs contre les Bourguignons, la libération d'Orléans, le couronnement de Charles VII et enfin le célèbre bûcher. Voilà pour le squelette.
Guillaume Lebrun met à l'honneur également le personnage quelque peu méconnu de Yolande d'
Aragon qui fut conseillère de son beau-fils Charles VII et soutien financier et militaire de Jeanne D'arc.
Concernant la chair, ce qui entoure ce squelette historique véridique, l'auteur l'a en revanche totalement façonné, revisitant l'histoire. Il imagine ainsi l'enfance de Jehanne, son apparence physique, complètement disgracieux, telle « verrue sur peau de pêche », la façon dont elle sera prise à ses parents puis éduquée avec d'autres petites Jehanne, son attirance pour les femmes, sa sexualité homosexuelle débridée, son appétit insatiable jusqu'au cannibalisme. Partagée sur la fin en revanche, j'avoue avoir été un peu perdue par moment lors de la levée du siège d'Orléans, certes très beau et épique mais un peu alambiqué, raison de mes 4,5 étoiles malgré mon grand enthousiasme pour tout le reste du livre.
Si nous pouvons être, au début, quelque peu décontenancés par la langue inventée par
Guillaume Lebrun, butant sur certaines tournures de phrases, tels des récifs heurtés empêchant une lecture fluide, nous nous coulons rapidement dans les méandres de cette langue fleuve, pour ne voir ensuite plus que l'histoire, pleine de péripéties parfois très cocasses, les multiples clins d'oeil dont le livre est truffé, et l'humour présent à chaque coin de page qui m'a souvent fait éclater de rire. le livre est rythmé car parole est donnée alternativement à Yolande d'
Aragon et à Jehanne la Douzième, de sorte que l'écriture, du fait des façons de parler un peu différentes entre les deux femmes, ne lasse absolument pas le lecteur.
Violence, religion et sexe prennent une part non négligeable dans le récit et sont narrés avec intensité mais là encore tout est à prendre au second degré. Les scènes de guerre revêtent même des teintes gothiques, voire fantastiques, qui ne sont pas sans rappeler un certain Seigneur des Anneaux :
« Au fur et à mesure de leur approche, les silhouettes des Phonoi se dévoilèrent à nos mires. Au creux de leurs grands capuchons noirs étaient faces de peau sans yeux ni bouche, verdâtres de putrescence. Ils étaient d'une taille de cinq ou six hommes, vêtus de lèdres de ténèbres qui s'effilochaient dans la course effrénée qu'ils menaient pour nous atteindre. Leurs bras étaient tout autant chair en décomposition, laissant paraitre des os polis par le temps et couverts de signes gravés en lettres dorées dans la langue du Maître. Ils faisaient tournoyer des labrys, luisant de la haine immense contenue dans leur double lame ».
Au final une lecture drôle et décalée permettant de revisiter de façon très originale un pan de l'histoire de France mais également d'aborder avec férocité certains thèmes très actuels comme le féminisme ou encore la fabrique des fake news (le mythe de Jeanne d'Arc est, dans le récit, en effet totalement fabriqué de toutes pièces). le livre détonnant de la rentrée littéraire 2022, lu grâce à la formidable passeuse toujours au fait des dernières sorties : Kirzy !