On les voudrait hideux les monstres.
Dans les villes , dans la foule , leurs démons sont invisibles. Leurs sourires ressemblent aux nôtres, on les côtoie, on les voisine , on les invite .Il nos charment ou nous indiffèrent , car ils sont bien normaux ,les monstres .Leur peau , leur voix, leurs gestes, tout en surface est identique à l'ordinaire. Mais quelque part ,une ombre s'est posée .Elle s'est nourrie silencieusement d'une blessure ,d'une humiliation, d'une violence, d'une anomalie, d'une malfaçon. Elle s'est posée sur une fine craquelure qu'à coups de bec et de griffes elle a transformé en faille .Un goufre ,un piège pour la raison ,et s'engendre la colère. La colère si jouissive à libérer, pour que sur d'autres se pose une partie de l'ombre .Pensant ainsi s'alléger ,le monstre s'enferme et nourrit son serpent ,toujours plus affamé.
L'adjoint s'inquiéta pour son commandant : combien de temps ça peut tenir, un flic qui ne vit que pour une enquête sans rémission qui le détruit comme un cancer ?
Le code pénal nous dit ce qu'il est juste de faire, mais parfois, ce qu'il est juste de faire n'est pas dans le code pénal, et en fonction des choix que vous ferez, vous saurez quel type de flic vous êtes.
C'est de vous ?
Non. C'est de Coste dans le texte. On prépare nos opérations avec notre cerveau et notre raison, mais il faut parfois les terminer avec ses tripes et son instinct.
Faut bien que tu te le dises. S’il y a des femmes battues, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles restent à la cuisine, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles ne gagnent pas le même salaire, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles doivent cacher leurs cheveux ou leur visage, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles sont agressées sexuellement, c’est que l’homme l’a décidé.
Les émotions sont des parasites qui détournent de la vérité. Quand les émotions bouillonnent, la raison s'efface et la réalité devient celle que l'on choisit de façonner.
L'histoire d'un flic est faite de ce que la vie propose de pire, et cette vie lui avait appris à lire ce que les mots étaient incapables de dire.
Là, dans ce sanatorium devenu refuge, posé au milieu de quatre-vingts hectare de verdure, des flics comme des maisons en ruine, hommes et femmes en lambeaux, étaient accueillis, le temps d'y sevrer une addiction, d'y apaiser une dépression, d'y oublier l'accumulation d'évènements traumatiques qui font une carrière, même courte.
- Puisque vous connaissez mon dossier, vous aurez remarqué que nos failles n'ont pas la même profondeur, relativisa Costes.
- Que l'on tombe de vingt mètres ou de deux cents... le résultat est identique. On se brise.
Russo s'était approché du trou et avait regardé le gars de l'identité judiciaire retirer à légers coups de pinceau brosse la terre qui salissait le visage de Salomé Acker, "Victime 8". Il n'avait pu s'empêcher de penser qu'elle était, malgré tout, toujours bien jolie. Elle était la première à avoir été retrouvée. Pas dans l'état où l'espérait Russo, mais retrouvée.
Plus tard, la légiste de l'IML de Paris, écœurée, ferait claquer ses gants en les retirant, et conclurait : "Elle a tout subi", et "tout" permettait de ne pas en faire le détail.
Assise dans la prairie du Refuge, Pauline finissait son café et sa cigarette dont les effluves attiraient irrémédiablement les mêmes deux vieux chats nicotinodépendants qui avaient vécu des années durant dans une maison de fumeurs avant de s'en faire évincer. Addicts, ils ronronnaient comme des moteurs de vieilles bagnoles, et disparurent une fois le mégot éteint.
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