Quatre-vint-dix-neuf pour cent des débutants refusent la phase d'apprentissage. La publication est considérée comme l'objectif. C'est aussi absurde que si l'oiseau envisageait le vol comme le moyen de participer à un meeting aérien. Combien d'entre eux ai-je entendu dire : "Mon manuscrit a été refusé. J'ai perdu mon temps". Un texte dont l'éditeur ne veut pas, je conçois que cela blesse. En conclure qu'on a perdu son temps, c'est lui donner raison.
Le privilège absolu, c'est d'écrire. Il n'y a pas de grâce plus élevée. La publication est parfois un plus, souvent une détérioration du plaisir initial. L'obtenir au prix d'un effort considérable, d'une angoisse maladive, d'une douloureuse obsession n'y change rien.
Il ne viendrait pas à l'esprit de l'alouette de stigmatiser les tourments que voler lui a causés. Son chant en vol n'est-il pas une expression de joie ? Aucun oiseau ne se pose en victime.
Je me demande quand a commencé l'habitude de rechigner chez l'écrivain. Orphée se plaignait-il de son rude labeur ? Je ne pense pas. Ne peut-on voir dans ce bougonnement une tendance humaine à vouloir le beurre et l'argent du beurre ? Ecrire est une grande liesse, mais le finaud se fit qu'il pourrait quand même espérer joindre à cette exaltation le plaisir de se victimiser. "Vous m'enviez d'être écrivain ? Vous ne vous rendez pas compte, c'est un travail de chien, je m'use la santé, etc".
De tous les animaux de la préhistoire, le dinosaure était celui que l'on s'attendait le moins à voir voler un jour.
Pour s'envoler, l'oiseau sait ce qu'il ne faut pas emporter: tout ce qui pèse.
Pouvoir différencier le détail qui compte de celui qui leste, le mot puissant du mot encombrant: un art qui prend des années.
Ecrire est le désir le plus haut, à l'égal de voler.
Chaque nuit, dans mon lit, je constatais que mon squelette gagnait en visibilité: je le sentais de mieux en mieux.
Entre la mort et la vie, le fossé n’a rien d’infranchissable.
Rejoindre la morte en moi. Comment procéder ? Elle était à la fois si lointaine que je ne la voyais plus et si proche que je ne la voyais pas.
La contemplation perpétuelle d’un être furtif m’enseigna l’art d’aimer l’insaisissable. On s’étonne de la fidélité amoureuse des oiseaux. Elle est pourtant très naturelle chez les individus à qui la notion de possession est étrangère.
Dira-t-on jamais assez la jouissance de l'engoulevent? Il se jette dans le vent comme dans la volupté; tour à tour il le contre puis lui obéit puis l'étonne puis s'offre, il est l'amant génial du courant d'air.