Pour tout étudiant en littérature, ou prof, ou simple amoureux des livres, un ouvrage infiniment précieux : il décortique mot à mot avec patience, avec finesse, mais en s'appuyant sur beaucoup d'érudition, quelques uns des ‘ incipit ‘ les plus célèbres de notre littérature dans leurs sous-entendus, leurs parti- pris théoriques, et ce qu'ils annoncent de l'oeuvre.
Un ouvrage que pour ma part j'ai lu avec passion.
J'ai pourtant deux reproches ( mineurs) à faire à M. Nunez: d'abord un abus de mots savants, vraiment très très savants. Empruntés à tour de bras à la rhétorique, la linguistique, la sémantique, la pragmatique , et autres branches et branchettes hyper- spécialisées des sciences du langage. Mais on avouera que ce n'est très grave: les dictionnaires existent, Wikipedia aussi. Et puisque ces mots existent, autant les utiliser. Pour le lecteur, en outre, ce n'est pas plus mal de se frotter à des concepts oubliés, parfois même jamais rencontrés,
Ce pouvait être également un reproche ( affectueux), et finalement ce n'en sera pas un: je m'étais habituée à retrouver, au début de chaque nouvelle étude, une petite formulette rituelle amusante (‘'Prenons notre temps, c'est la pause-cigarette.... Prenons notre temps, le jardin est en fleurs ‘').
Or ce petit clin d'oeil au lecteur, manque en deux endroits: au début du chapitre
Aragon (consacré au poème La Halte de Collioure) et au début du chapitre Barthes ( Vita Nova, qui est un non-roman , sans incipit puisqu'on n'en connaît que les plans préparatoires).
Dans un premier temps , je dois l'avouer, je me suis sentie un peu frustrée.
Il me semblait que c'était comme un défaut d'attention , un trébuchement dans la composition de l'ouvrage. Une rupture du pacte.... rythmique. Puis j'ai subodoré que tout au contraire l'absence de cette formulette devait être là pour signaler quelque chose: ainsi, pas de petite phrase magique pour Vita Nova puisqu'y a pas, n' y a jamais eu d'incipit. Et pas non plus pour La Halte de Collioure puisque tout l'objet du chapitre est de démontrer l'existence d'un vers faux, voulu et maintenu par le poète, et bien sûr particulièrement signifiant.Et donc, précisément, la rupture d'un pacte rythmique.
De sorte que le simili -reproche se transforme en satisfecit: monsieur Nunez, quel sens du détail. Vous êtes vraiment très fort!
Mais quand même...quand même...À la page 182, un ‘'ils ne s'écrirent même plus ‘' qui m'a fait lever un sourcil ( Moi je connais que ‘'écrivent'' et/ou ‘ écrivirent ‘).