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EAN : 9782204128476
Le Cerf (23/08/2018)
4.41/5   16 notes
Résumé :
Bonheur, malheur, amour, espoir, succès, échec, « tout est prédit par le dictionnaire », disait Paul Valéry. Si c'est vrai, autant que notre dictionnaire soit le plus gros possible. Pourtant, il existe, ailleurs, des mots - et donc des idées, des pensées, des chemins de vies - qui n'existent pas en français. Et si l'on se privait ainsi, sans même le savoir, de mille possibilités ? Et si notre langue, en formatant nos phrases, avait formaté nos existences ? Refusant ... >Voir plus
Que lire après Il nous faudrait des mots nouveauxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Toute révolution devrait commencer par une réforme du dictionnaire", disait Victor Hugo.
Laurent Nunez l'a bien compris, qui nous propose là une révolution douce et indolore, une révolution linguistique, en semant simplement dans nos champs lexicaux des graines de mots nouveaux. Treize mots exactement, d'horizons divers, empruntés aux Russes, aux Espagnols et aux Allemands, mais aussi aux Inuits ou à certaines peuplades amérindiennes, et pratiquement intraduisibles en français.

Rassurez-vous, nul besoin d'être agrégé de lettres modernes ou grammérien émérite pour apprécier ce petit opuscule rafraichissant et savoureux.
Unique prérequis : savoir admettre qu'un mot est parfois plus qu'un mot, y voir plutôt un "réservoir philosophique", un outil extraordinaire de perception et d'appropriation du monde. Découvrir ces mots nouveaux, c'est ouvrir les yeux sur de nouveaux schémas de pensée, et concéder que notre belle langue nationale (la plus belle du monde, comme chacun sait) n'est pas exempte de petites lacunes.

Pourquoi n'existe-t-il dans notre bon vieux dictionnaire de mot pour nommer "la tension qui surgit en nous devant quelque chose d'insupportablement mignon" ('Gigi' en Philippin), "l'excitation qui nous pousse à sortir sur le pas de la porte pour vérifier si quelqu'un arrive" ('Iktsuarpok' chez les Inuits), ou encore ce "regard partagé par deux personnes, chacun souhaitant que l'autre initie quelque chose qu'ils désireint tous deux mais qu'aucun n'ose commencer" (répétez apres moi : 'Mamihlapinatapai' en Yaghan, un peuple indigène de la terre de Feu chilienne) ?

La plupart de ces notions sont transposables dans notre quotidien, et Laurent Nunez glisse en douceur dans ces pages quelques belles pistes de réflexion, comme de petites pastilles philosophiques effervescentes qui montent délicatement à la tête.
L'écriture est simple, les chapitres sont brefs, pleins d'une érudition très accessible, et emmaillés de nombreux proverbes, maximes et citations qui donnent à cogiter et qui m'ont véritablement enchantés* ! Vous m'excuserez je l'espère d'avoir moi-même eu recours au même procédé dans ce petit billet ;-)

Une fois encore, Babelio m'a donc gâté lors de masse critique "Littérature" du mois dernier ! Merci à vous, ainsi qu'aux éditions du Cerf, pour cette jolie réflexion sur les mots et leurs pouvoirs, qui m'a fait prendre conscience "qu'élargir son vocabulaire, c'est élargir sa vie".


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* : Mention spéciale au chapitre consacré à ce que les Allemands appellent le "stress du temps libre" (Freizeitstress), qui nous invite à réviser un peu notre conception occidentale binaire de l'existence (travail/loisir) et à reprendre goût à l'ennui dans ce qu'il a de plus noble (Faulkner : "c'est l'oisiveté qui engendre toutes nos vertus, nos qualités les plus supportables - contemplation, égalité d'humeur, paresse, laisser les gens tranquilles, bonne digestion mentale et physique : la sagesse de concentrer son attention sur les plaisirs de la chair - manger, évacuer, forniquer, lézarder au soleil. Il n'y a rien de mieux, rien qui puisse se comparer à cela, rien d'autre en ce monde que vivre le peu de temps qui nous est accordé, respirer, être vivant et le savoir")
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Avant toute chose, un grand merci à Babelio et aux éditions du Cerf pour m'avoir permis la découverte de ce livre.

Laurent Nunez nous propose ici treize mots récoltés ci et là dans le monde et n'ayant pas d'équivalent dans notre langue.

Ce qu'il y a de fabuleux avec les mots, c'est qu'ils sont uniques. On a beau dire, parfois, pour faire vite, que les synonymes sont "des mots qui veulent dire la même chose", nous savons bien qu'il n'en est rien et que si deux mots existent, c'est qu'ils portent chacun leurs nuances.
Alors, quelle complexité ce doit être de se prêter à l'exercice de choisir un mot étranger, de parvenir à en saisir le sens et à le mettre en mots en français ! Laurent Nunez a, à mon sens, parfaitement réussi cet exercice pour ces treize mots.

Quel régal à chaque page !

Laissez-vous porter, acceptez d'ouvrir vos horizons en lisant ce livre très accessible. Peut-être même que, comme à moi, cela vous évoquera des choses que vous avez pu ressentir sans parvenir à y mettre de mots.

Je l'ai savouré, ce livre. Parce qu'il se lit vite mais que je ne voulais pas le terminer, je voulais qu'il dure. Alors, j'y suis allée un mot à la fois. J'ai saisi les petites portes laissées ouvertes pour pousser un peu plus loin ma réflexion.

Je ne vous en dis pas plus, j'ai déjà l'impression de vous en avoir dit un peu trop... peut-être parce que je ne savais pas du tout à quoi m'attendre lorsque j'ai reçu ce livre et que la surprise a été tellement agréable que je me dis que ce serait bien que vous l'ayez un peu vous aussi ?

PS : Mes coups de coeur vont aux mots "Freizeitstress" et "Iktsuarpok"
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Quel bonheur !

Laurent Nunez nous emmène à la découverte de mots étrangers dont la traduction serait bien difficile. Des concepts qui pourtant nous sont proches et pour lesquels le français ne propose pas d'entrées au dictionnaire.

Et ces mots terriblement humains nous renvoient à des miroirs qui n'ont, jusqu'à aujourd'hui, pas de nom de par chez nous.

Une sortie du cadre francophone délicieuse et cultivée comme un souffle de conscience venu d'autres contrées.

Preuve que dépaysement rime avec enrichissement.
Lien : https://www.noid.ch/il-nous-..
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Je tiens à remercier Babelio et les éditions du Cerf pour cet envoi, ô combien succulent de cet ouvrage "Il nous faudrait des mots nouveaux" de Laurent Nunez. Je n'écrirai point de critique longue et dithyrambique. Je soulignerai simplement l'originalité du sujet choisi, la finesse d'écriture et le ton délicieux de l'auteur, mêlant pointe d'humour et soupçon de philosophie, pour nous laisser, une fois notre lecture passée, sur notre île des mots nouveaux. A partager, à savourer.
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critiques presse (1)
Lexpress
27 août 2018
Un livre savoureux propose d'introduire dans la langue française treize mots intraduisibles mais nécessaires.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Nous avons d'ailleurs une vision binaire et bizarre de l'existence : le travail, et puis seulement le loisir. Comme si l'un était la conséquence de l'autre. Tout dans notre société dit cela :
- une semaine de travail, puis le week-end
- une année de travail, puis les congés payés
- une vie de travail, puis la retraite.
Décidemment, nous avons été bien éduqués. Nous voyons le temps libre comme la récompense après le temps occupé.
Ce n'était pas comme cela au début.
Ce n'était pas ainsi que vivaient les gens auparavant.
On le sait parce que les langues anciennes nous le disent : il y avait tout d'abord un mot pour dire le repos, les dîners entre amis, la journée à rêvasser, à réfléchir, à lire; et ce n'est qu'après - bien longtemps après ! - qu'on a inventé un autre mot pour contredire tout cela.
D'abord il y avait un mot latin pour dire le loisir, otium, puis on a inventé un autre mot pour nier le loisir, negotium.
Neg-otium, cela voulait dire : le temps qu'il faut malheureusement retrancher de l'otium. (Ce qui prouve bien que l'otium a été pensé avant le negotium, parce qu'on ne peut pas retrancher quelque chose de quelque chose qui n'existe pas).
Au fil des siècles, notre civilisation marchande s'est construite autour de ce mot : negotium. Elle l'a chanté, vénéré, glorifié : elle en a fait un mot magique - le négoce.
Et le mot otium ?
Non, trop dangereux.
Trop permissif.
Trop jouissif.
Poubelle.
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L'avenir, c'est ce qui est à venir, ce que vous avez prévu et qui devrait arriver. Le grand voyage au Japon (vous économisez depuis un an), le concert de Radiohead ou le spectacle de Blanche Gardin (vous avez pris vos places il y a six mois), la semaine de ski avec vos amis (vous en parlez depuis quinze jours). C'est beau et c'est bien, l'avenir, parce que c'est jalonné et puis très rassurant - mais j'éprouve toujours une préférence pour le futur.

Le futur, c'est ce qui viendra sans que vous l'ayez vu venir. C'est ce visage que vous croiserez à une fête où vous ne vouliez pourtant pas vous rendre. C'est ce coup de fil qui vous proposera un travail bien plus intéressant que celui que vous avez. Le futur c'est partir en Espagne pour écrire un livre sur la Movida, et revenir avec un livre sur la poésie française du XIXème siècle (ça je l'ai vécu avec "Si je m'écorchais vif"). Quel bonheur : le futur c'est l'imprévisible [...], ce que vous n'auriez jamais imaginé, mais qu'il fut bon pourtant d'attendre et d'espérer. Bien sûr, le futur regorge de dangers [...]. Mais à n'avoir l'oeil fixé que sur l'avenir, nous aurions tous des vies très sages et automatisées ; alors que c'est la confrontation avec le futur qui nous rend humains - plus exactement : qui nous remplit d'humanité.
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Peut-être faudrait-il reprendre goût à l'ennui. Voyons : est-ce donc si terrible de ne rien faire ? Qu'avez-vous donc à craindre à l'intérieur de vous que vous vouliez constamment regarder à l'extérieur ? De quoi voulez-vous donc toujours qu'on vous divertisse ?

Et puis, ne rien faire ce n'est pas ne rien faire. C'est laisser monter en soi le désir et l'attente. C'est même vivre comme un dieu, puisque c'est voir passer devant soi ce Temps qu'on vient de créer : "Pendant l'insomnie, je me dis, en guise de consolation, que ces heures dont je prends conscience, je les arrache au néant, et que si je les dormais, elles ne m'auraient jamais appartenu, elles n'auraient jamais existé" - Emil Cioran...
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Freizeitstress (allemand)

Décidément, nous avons été bien éduqués. Nous voyons le temps libre comme la récompense après le temps occupé.

Seul Faulkner peut s'opposer à l'Ecclésiaste : « j'ai compris, il y a quelques temps, que c'est l'oisiveté qui engendre toutes nos vertus, nos qualités vertus, nos qualités les plus supportables - contemplations, égalité d'humeur, paresse, laisser les gens tranquilles, bonne digestion mentale et physique : la sagesse de concentrer son attention sur les plaisirs de la chair - manger, évacuer, forniquer, lézarder au soleil. Il n'y a rien de mieux, rien qui puisse se comparer à cela, rien d'autre en ce monde que vivre le peu de temps qui nous est accordé - respirer, être vivant et le savoir ».
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A croire que le seul véritable scandale dans nos sociétés modernes, la seule chose que plus personne ne comprend, la seule chose que plus personne ne pardonne, c'est d'avoir une vie intérieure.
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Videos de Laurent Nunez (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Laurent Nunez
A l'occasion des Correspondances de Manosque, Laurent Nunez vous présente son ouvrage "Le mode avion" aux éditions Actes Sud. Rentrée littéraire automne 2021.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2549854/laurent-nunez-le-mode-avion
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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