Je suis inconditionnelle de Carol O'Connell. Il y a maintenant quelques années que ses romans ont été édités. A la faveur d'une virée en bouquinerie, je suis tombée sur
L'appât invisible, un one shot de l'auteur.
Rouge Kendall est flic dans un petit village tranquille, bien calme en cette période de fin d'année. La disparition de deux petites filles, dont l'une est la fille de la vice-gouverneur, vient rompre avec fracas ce calme apparent. de quoi rouvrir une vieille blessure jamais cicatrisée : la soeur jumelle de Rouge, Susan, a été enlevée puis tuée à la veille de Noël lorsqu'ils étaient enfants. Les coïncidences entre les deux affaires sont nombreuses, alors que le meurtrier de Susan purge sa peine en prison. Tandis que l'enquête se déploie pour retrouver au plus vite les fillettes, la question de la culpabilité du prisonnier est soulevée.
Ce pitch a un petit air de déjà-vu, avec un enquêteur très impliqué dans une course contre la montre, et pourtant ce roman est vraiment original.
Plus que Kendall, somme toute assez opaque, les autres personnages dessinent une communauté réaliste et attachante. Dans l'entourage du jeune policier évoluent Ali, jeune psychologue à la cicatrice mystérieuse et aux idées arrêtées, Arnie, un étrange enquêteur du FBI et le chef de la police Croft, bourru et protecteur vis-à-vis de Rouge, qui risque de voir se rouvrir d'anciennes et profondes blessures. Mais se sont surtout les victimes et leurs familles qui donnent à ce roman une tonalité particulière. Souvent, en effet, les victimes ne sont que prétextes pour mettre en avant un enquêteur et ses talents. Ici, elles sont beaucoup plus que cela : régulièrement la narration rejoint les petites prisonnières et nous donne à voir un aspect inhabituel de l'enquête. Surtout, l'auteur décrit de façon remarquable ce que vivent parents et proches : côté vice-gouverneur, avec la presse à l'affut de la moindre faiblesse, et surtout la famille de l'autre petite fille, plus anonyme mais aux personnalités très marquées.
Un bémol décevant : l'un des personnages, psychiatre, est supposé connaître l'identité du coupable qui se confie à lui. le secret professionnel le pousse à ne pas dénoncer son patient… Ces scènes, censées donner du piment, n'apportent pas grand-chose à une intrigue par ailleurs suffisamment bien ficelée. Car le dénouement est vraiment à la hauteur, avec une petite surprise finale poignante
qui rappelle le film Sixième sens . le dernier chapitre, dialogue entre un prêtre au passé douloureux et l'une des mamans impliquées est touchant, très émouvant, très inhabituel dans l'univers des romans policiers.