C'est avec un véritable talent de conteuse que
Téa Obreht nous emmène avec
Inland dans l'Ouest américain en cette fin de XIXème, et, avec la force de ses mots, nous plonge dans deux aventures parallèles, nous dressant une galerie de personnages pittoresques, attachants et mystérieux, jusqu'au climax final qui assèche la gorge du lecteur comme s'il se retrouvait physiquement dans ces territoires de l'Arizona.
Obreht nous trace deux trajectoires parallèles, déchirant d'ailleurs le lecteur lorsque l'une des routes est momentanément délaissée par l'auteur pour se porter sur l'autre !
Lurie est un orphelin au passé trouble, qui va se retrouver embarqué dans cette aventure réelle et historique, mais néanmoins rocambolesque du United States Camel Corps, lorsque l'armée étatsunienne tentera d'incorporer des chameaux comme bêtes de somme ! L'
inland, cet arrière-pays à explorer, se fait ici en compagnie d'hommes aux origines orientales et de bêtes peu communes à la Terre de l'Oncle Sam. Dépaysement double et total pour le lecteur, et aussi pour ces territoires traversés par Lurie et son étrange caravane. L'Autre est ici multiple, mystérieux, parfois menaçant, mais aussi attachant. C'est un déraciné en quête d'un territoire où il pourra se poser, s'établir, ou rester, attaquant une nouvelle vie et mettant un trait sur un passé parfois peu glorieux ou tout du moins mouvementé.
Nora défriche un autre front pionnier, en Arizona, à Amargo, localité où l'eau est plus que rare, et où l'on tente de survivre. Et cela se complique lorsque le mari ne revient pas, et que les drames de la vie s'accumulent pour cette femme forte qui ne baisse pas la tête face à ces hommes qui tentent de faire valoir leurs droits à la propriété à coups de barbelés et de colts !
Obreht distille ses mystères, et ils sont nombreux, tout au long du récit. Elle réussit à nous transporter dans cet
inland bien loin du rêve américain et d'une Conquête de l'Ouest parfois idéalisée.
Par ses mots, elle arrive à nous faire ressentir la chaleur, la soif et la mort qui marquent ces espaces. Pas de ficelles grossières agrémentées de rebondissements artificiels pour accrocher le lecteur. Ce sont les mots et le talent qui font d'
Inland un grand roman sur cette frontière américaine mouvante et sur ces espaces sauvages qui sont encore loin d'être réellement conquis à la fin du XIXème siècle.
La longueur des jours passant à Amargo est comparable au plaisir que prend le lecteur à parcourir ce véritable récit de voyage, dans une Amérique moderne qui se construit sous nos yeux.
Merci à Babelio – Masse critique t Calmann Lévty pour l'envoi du livre !