Ça a l'odeur de Corto Maltese ;
mais ce n'est pas du Corto Maltese !
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Ouest-France a fait un remarquable travail biographique et d'analyse, à la fois sur Corto Maltese ( 12 albums entre 1967 et 1992 ), mais aussi sur son créateur,
Hugo Pratt.
L'inconvénient, c'est que, comme souvent dans les oeuvres collectives, ça part dans tous les sens ; et certains collaborateurs ont une écriture tellement pointue qu'elle en devient peu fluide.
Mais dans l'ensemble, ça donne envie...
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Corto Maltese, né à Antigua, Maltais, ayant une maison à Hong Kong, est un marin, vagabond des mers, dandy aventurier des années 1900 à 1930, si l'on en juge par ses vêtements, les bateaux sur lesquels il embarque, et les faits historiques qu'il côtoie.
Hugo Pratt, né dans la magnifique ville italienne de Rémini, semble être fait du même bois, et semble avoir fait son héros à son image.
La vie des aventuriers Pratt et Maltese se confondent...
Érudit d'ethnologie et d'histoire, il est fasciné par les Lapitas du Pacifique, les Samoa, l'île de Pâques, par
Stevenson ( il est allé voir sa tombe à Samoa ), Conrad, Verne, Defoë, Cooper, Scott, les révoltés du Bounty, et même
Marlène Dietrich ou John Wayne et
Burt Lancaster.
On n'oublie pas les épaves et trésors sous-marins ( il est curieux qu'il ne se soit pas intéressé à la Vierge du Cap, dont le trésor est estimé à 4 milliards d'euros ! ) , ... les légendes celtiques, le roi Arthur, l'eldorado de Raleigh, les mégalithes comme Stonehenge ou les statues Moaï.
Il y a aussi les ports mythiques comme Venise ou Buenos Aires qu'il connait très bien, mais aussi Rhodes, Malte, Hong Kong, et aussi la ville de Cordoue, fascinante de cultures juive-chrétienne-musulmane.
Dans ses 12 albums, il y a des pirogues et catamarans maoris, la marine de guerre allemande, des gondoles de Venise, des bateaux à roue, des jonques chinoises, remorqueurs, torpilleurs, yachts, cargos.
Comme Tintin, Corto descend explorer l'océan en scaphandrier. Fasciné par le casque de scaphandrier, Pratt en avait un chez lui.
Corto aime les femmes (comme Pratt ) de fort caractère, même si Pandora et lui sont parfois habillés "pattes d'Eph" comme en 1970 ! La duchesse Seminova est une Marlène Dietrich-femme-fatale...
Et on n'oublie pas son meilleur "ami-ennemi" : Raspoutine !
Il subit des tempêtes et naufrages, mais s'en sort, tel le héros qu'il est, cool, décontracté.
Toute cette culture, Pratt la distille subtilement , c'est très bien analysé.
Depuis que Pratt est parti, des fans ont créé des jeux, et deux Espagnols ont repris la série.
Moi qui préfère le graphisme de XIII, je suis prêt à me lancer dans un "Corto", non seulement après ce beau plaidoyer, mais aussi parce que Jonas ( Giona ), un de ses enfants, est pour nous un ami très cher : )