AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Des vies d'oiseaux (111)

Paloma et Vida sombrent toutes deux deux dans le silence, leurs cervelles cogitent à toute allure et dans des directions différentes, elles ne savent ni l'une ni l'autre comment rattraper la situation alors elles abandonnent, elles laissent cet énième dérapage prendre sa place dans leur placard à dérapages, un placard à la profondeur de gouffre et dont l'odeur nauséabonde leur chatouille par moments les narines.
Commenter  J’apprécie          20
En tout cas Paloma était tombée sur lui en descendant l'escalier et bienheureusement elle venait de brosser ses cheveux pour les rendre brillants comme du vinaigre, elle avais mis des boucles d'oreilles qui lançaient des éclats et elle avait enfilé son plus petit short, elle était un pot de miel au milieu d'un après-midi d'été.
Commenter  J’apprécie          20
Dire que vous veniez d'Irigoy équivalait à dire que vous veniez d'un territoire qui ressemblait à la banlieue du monde, un terrain vague entre deux échangeurs au milieu de rien. Le strapontin du monde.
Commenter  J’apprécie          20
Paloma lit tout le temps. Elle aimerait écrire. Elle le souhaite depuis toujours mais elle ne parvient pas à s’y atteler. Pas encore. Elle pense qu’il lui faudrait probablement lire des centaines de livres avant d’oser prendre la plume. C’est comme un apprentissage auquel elle s’astreint. Elle trouve des livres dans les maisons, il y a toujours des livres dans les maisons, parois ils sont relégués à la cave ou dans une chambre qui ne sert pas de chambre, mais le plus souvent, une pièce leur est réservée, personne ne les touche jamais, alors Paloma, dès qu’elle entre dans une maison où il existe une bibliothèque, s’enchante du programme à venir, elle songe que c’est la première fois de sa vie qu’elle est aussi heureuse et qu’elle ne pourra plus jamais l’être autant, elle goute chaque instant de cette existence, elle se dit, « Ne pensons pas à demain », elle ne veut pas vivre dans ce léger décalage, cette infime projection, qui a toujours empêché sa mère de vivre pleinement les événements les plus agréables. Paloma a des livres et son amour, elle pourrait vivre toute sa vie ainsi. Elle aime lire quand Adolfo est avec elle, elle fait « Mmmmh » quand il lui parle et de cette manière il sait qu’elle n’est pas vraiment là. Elle est quelque part dans ses pages, quelque part en Bolivie ou au Japon, Paloma a une prédilection pour les romans japonais, Adolfo ne peut pas lutter contre quelque chose comme ça, il s’assoit, il pose son pied abîmé sur un siège luxueux, il boit, il fume, et il regarde lire sa princesse. Il semble littéralement s’abreuver à sa contemplation, il dit, « Je suis impressionné par la beauté de tes cuisses », il scrute sa cambrure, et ne peut se lasser de voir ses cheveux, ses magnifiques cheveux qui créent d’infimes tornades sur les draps et dans son cœur.
Commenter  J’apprécie          20
Vida s’est dit que la première chose que l’on remarque chez quelqu’un qu’on voit nu pour la première fois, ou qu’on s’apprête à voir nu, c’est son odeur, vais-je m’habituer à cette odeur ? Et aurais-je d’ailleurs à m’y habituer ?
Taïbo sentait les cascades et les marécages, la mangrove et la roche rouge du désert, il sentait la selle des chevaux, il sentait Liberty Valance et la tristesse chilienne, il sentait les pays que l’on quitte et le cuir qui s’est patiné.
Il n’a pas paru surpris quand elle est arrivée dans sa chambre, la lumière était allumée, un abat-jour encore sous plastique posé sur la lampe de chevet et Vida s’est demandé si le plastique n’allait pas fondre, mais pourquoi avait-elle tant de pensées parasites à un moment aussi crucial, et lui il était en maillot de corps allongé sur le lit, il fumait, il était absent, ou alors il était vraiment là dans cette chambre de la maison culturelle d’ Irigoy, ce drôle d’endroit abandonné qui ne servait qu’à donner bonne conscience à qui voulait avoir bonne conscience, il y avait ces étranges tapis pendus au mur, des tapis qu’on ne met qu’au sol, mais ainsi pendus au mur on avait l’impression d’un chamboulement des volumes, et Vida a eu envie de les arracher en entrant dans la chambre de Taïbo, elle voulait qu’ils reprennent la place qui était la leur, peut-être Taïbo était-il vraiment là, allongé sur ce lit, impossible de le certifier, cet homme avait la possibilité d’être tout près de vous et très loin à la fois, c’était une sorte de qualité mélancolique, de qualité tragique, son absence était palpable et douce, Vida aurait pu embrasser l’absence de cet homme, alors Taïbo s’est levé, il s’est levé pour l’accueillir, et c’était tout à fait cela, il l’accueillait et ce sont ses bras nus et secs et puissants qui l’ont accueillie, il est venu vers elle, il a fermé très posément la porte, et chacun de ses gestes étaient silencieux, Vida n’entendait que le bruissement de son sang à ses propres oreilles et elle était éblouie par la beauté de cet homme, par la justesse de cet homme, et il a parlé, mais ce devait être dans une langue qu’elle ne connaissait pas, elle n’a pas compris un mot de ce qu’il a prononcé, ça n’avait d’ailleurs aucune importance, dans ses rêves, elle ne comprend jamais ce qu’on lui dit et elle peine à trouver des repères, mais là elle avait accepté de marcher dans la tourbe avec lui, il l’a prise dans ses bras et il a passé la main sous son chemisier, et sentir la main de cet homme sur sa peau était une chose inconnaissable et inadmissible, jamais aucun homme depuis Gustavo n’avait posé la main sur sa peau, elle s’est souvenue de s’être dit un jour, disons qu’il y avait de cela cinq ans, qu’elle ne connaitrait plus un autre corps d’homme avant sa mort, elle y avait renoncé et elle s’était faite à cette idée parce qu’elle l’avait voulu ainsi, avait-elle toujours pensé, parce que c’était ainsi, il a chuchoté à son oreille et elle a compris qu’il disait qu’elle était très belle alors elle l’a laissé faire et il l’a soulevée, et elle était si pressée tout à coup de savoir à quoi il ressemblait nu, elle voulait voir son torse et son sexe et sa peau, et quelqu’un d’autre qu’elle, ou une certaine partie d’elle, celle qui se trouve toujours dans un coin du plafond et qui la regarde faire, ricanait et lui disait qu’elle ne serait pas fière le lendemain de tout cela, mais en attendant elle voulait juste ceci, la peau de cet homme, l’entièreté de sa peau, qu’aucun grain ne lui soit inconnu, il l’a soulevée et déposée sur le minuscule lit monacal et elle s’est dit, « Il ne faut pas qu’il me voit nue, il va me trouver si vieille », elle a voulu éteindre la lumière et il a retenu sa main, il a secoué la tête, il a dit, « Je veux te voir », il l’a déshabillé, et elle était incapable soudain de faire le moindre geste, elle était paralysée, elle ne voulait que la peau de cet homme dont elle ne savait rien, elle ne savait même pas s’il vivait avec une femme, il parlait si peu de lui, et sentir ses seins contre le torse de cet homme était déjà une chose magnifique et inquiétante et elle était presque prête à ce que cela fût suffisant pour cette soirée mais comme visiblement il n’avait aucune intention de s’arrêter là elle a fermé les yeux pour ne pas voir le démon dragon dans l’angle du plafond et depuis combien de temps n’avait-elle pas fait l’amour avec un homme, c’était une chose si simple, elle a rouvert les yeux et elle a cherché avidement sur le visage de l’homme sa propre nudité tandis qu’il cherchait la sienne ; cette avidité, cette maladresse ont fait place à l’étonnement de découvrir leur intimité dévoilée, ces gestes qu’on ne devinait pas, ces caresses amorcées qu’on ne soupçonnait pas chez l’autre, et il s’est remis à pleuvoir, elle a entendu la pluie qui tambourinait contre les volets et qui plicploquait au grenier pendant qu’elle était sous cet homme et que le sexe de cet homme dont elle était en train de devenir très amoureuse (ce sont ces histoires d’ ocytocine et d’on ne sait quoi qui la rendait si triste et aimante et tendre), pendant que le sexe de cet homme était en elle, elle se fichait de ce que le docteur Kuckart aurait dit (quelque chose comme, « Méfiez-vous de la passion amoureuse, cette maladie mentale »), elle voulait juste que cet homme la complétât et la soulevât, dramatiquement, qu’il pressât sa queue dans sa bouche, que sa nudité fût complète et augmentée, et depuis combien d’années n’avait-elle pas mis la queue d’un homme dans sa bouche, la peau si lisse et tendue, sa texture et son sel ?

Commenter  J’apprécie          20
Irigoy était restée longtemps une ville sans loi. Les guerilleros s'y installaient, prenaient leurs marques dans les montagnes environnantes, négociaient des accords avec les successifs ministres de l'Intérieur, montraient les dents en exhibant leurs M-16 et se faisaient trucider par la police de l'Etat.
Le gouvernement, en 1990, avait rétabli la justice communautaire des Indiens, ce qui était bien entendu une belle idée, vu que l'autre justice laissait à désirer dans ce genre de pampa et qu'il fallait réhabiliter ceux qui avaient été floués.
Mais dans un endroit comme Irigoy les choses s'étaient emballées dans l'enthousiasme général et la nouvelle justice avait essentiellement donné lieu à des lynchages de voleurs et des tortures publiques.
Commenter  J’apprécie          20
Gustavo ce soir-là ne rentrerait pas. Il était parti en séminaire avec son équipe de représentants en instruments médicaux ou alors il préparait une future révolution avec des vendeurs d'armes, allez savoir, en Amérique latine, les patrons d'entreprises d'instruments médicaux peuvent tout à fait s'adonner à des activités aussi réjouissantes.
Commenter  J’apprécie          20
Ovaldé, je la connais. Enfin, je veux dire, j'ai lu tous ces romans, et même son album jeunesse, je l'ai interviewé à deux reprises pour la radio. Autant vous dire, que Des vies d'oiseaux, je l'attendais !
Et...Et quoi ? Un brin de déception. En même temps, il s'agit à mon sens de son livre le plus ancré dans la réalité, nos réalités. Ici point de Poisson Volants (Cf Ce que je sais de Vera Candida), point de meubles qui disparaissent (Cf Et mon coeur transparent)....
Mais plutôt, une adolescente réellement malade parmi les personnages secondaires, une banlieue écrasante de médiocrité et de misère.
Pour retracer en deux mots l'intrigue, l'inspecteur Taïbo est emmené à enquêter sur un étrange fait qui se répète en plus. Les gens des beaux quartiers lui téléphonent pour lui signaler que chez eux, il y a eu intrusion, mais pas de vol.
Il va constater et tombe sur Vida. Vida, une femme née dans la misère, mais ayant épousé un riche industriel. Vida dont la fille Paloma a disparue voilà déjà plusieurs mois, à la suite d'un conflit avec ses parents.
Tout part de là. Toujours cette distance dans l'écriture d'Ovaldé. Toujours cet humour, aussi tapi dans l'ombre. Toujours ce sens aïgu de la disgression, et pourtant quelque chose coince.
Sûrement le fait que l'adéquation écriture distante, mais réalité approchée....ne fonctionne pas. Ne tombe pas juste.
Aucun ennui pendant la lecture. Une écriture toujours aussi brillante, peut être un peu plus formatée....Mais les émotions restent en berne. En tous cas les miennes le sont restées.
Commenter  J’apprécie          20
L’étrange coucou que c’était. Qui avait choisi de se civiliser (jusqu’à un certain point), mû par le désir de séduire tout un chacun, de répondre à l’attente, de s’infiltrer partout, dans tous les milieux et de regarder le monde à travers les yeux de ceux qui n’avaient rien vu de ce que lui-même avait vu.
Commenter  J’apprécie          20
Quand il était gamin il voulait devenir professeur ou avocat ou ethnologue. Là d'où il vient, au village, personne ne sait ce que signifie le mot "ethnologue", alors il fanfaronnait en se croyant supérieur au reste du monde. Et finalement il est devenu flic. Ça tout le monde sait ce que ça veut dire.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (842) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé

    Qui est Rose Bustamente ?

    La mère de Vera Candida
    La tante de Vera Candida
    La grand-mère de Vera Candida

    10 questions
    166 lecteurs ont répondu
    Thème : Ce que je sais de Vera Candida de Véronique OvaldéCréer un quiz sur ce livre

    {* *}