La Couleur des choses

En feuilletant cet épais ouvrage, j'ai été saisie par ce graphisme, plus proche des tableaux et graphiques de mes cours d'économie, que des planches classiques de BD. Et puis, j'ai pensé que Martin Panchaud avait peut-être été bercé, pendant son enfance, par l'excellent album de Petit bleu et petit jaune de Léo Lionni, là où les personnages sont remplacés par des taches de couleur, (ou ceux de Hervé Tullet, quoique trop récents). Curieuse, j'ai voulu découvrir ce nouveau genre adapté à de la BD adulte et ce livre a glissé de façon naturelle dans mon cabas.

Cette étrange bande-dessinée nous fait sortir de nos bulles de confort. Martin Panchaud déstructure les codes de la BD et le lecteur se faufile dans cet espace rénové avec son âme joueuse et relève le défi. Les personnages sont dessinés à l'économie, puisqu'ils sont représentés par des ronds de couleur. La lecture est fluide car le texte est riche de tout ce qui ne se voit pas dans les dessins, notamment l'obésité du jeune héros.

L'histoire de ce garçon de 14 ans, qui remporte le pactole en pariant sur un outsider dans une course de chevaux, n'est pas aussi extraordinaire que l'est sa mise en scène.

La couleur des choses, fera forcément référence dans l'édition de la bande dessinée. Sa créativité, sa transgression des codes et ses références à la littérature jeunesse sont ses atouts majeurs. Avis aux adultes qui ont gardé l'énergie joueuse et badine de leur enfance !

Je ne vais pas me joindre à l'engouement général autour de cette bande dessinée. Je ne pense pas qu'on puisse m'accuser d'être réfractaire à la création innovante et expérimentale, j'en suis même souvent un fervent défenseur, mais là, ça n'a pas fonctionné.

L'auteur propose un graphisme radical et original, les illustrations sont comme des plans, schématiques, vus du dessus, les personnages sont représentés comme des ronds, deux cercles concentriques avec deux couleurs différentes, chaque personnage à son code particulier. Les mises en page ne sont pas automatiquement en gaufrier, le statisme de l'aspect schématique est compensé par cette mise en page dynamique, laissant une grande place aux blancs pour la circulation du regard, cela tend un peu trop vers la plaquette commerciale de société contemporaine au goût du jour.

Mais le problème vient sans doute d'ailleurs. Je suis absolument réfractaire aux histoires où le personnage central est trop lourdement victime, le sort s'acharne sur ce pauvre garçon, il est gros, harcelé, se fait rouler, subit et vit tous les malheurs du monde, tout ce qu'on peut vivre d'insupportable est accumulé sur un seul personnages, et ça me met mal à l'aise jusqu'à la nausée, un fait divers trop sordide, on dirait que l'auteur se complait à accumuler ses malheurs. le graphisme avec sa neutralité compense cette ambiance malsaine, mais pour moi, l'harmonie ne se fait pas, au contraire, elle renforce la répulsion, la lecture devient vite fastidieuse, on passe le cap où on n'a plus envie de faire l'effort, parce qu'on regarde un plan alors qu'on lit une histoire dégueulasse, cela donne le sentiment d'être un voyeur et non plus un lecteur. Toutes les images finissent par se ressembler et l'ennui arrive vite.

Pour moi, il ne suffit pas de faire dans l'innovant et l'original pour ouvrir de nouvelles perspectives, la provocation n'est pas un argument artistique, c'est juste du marketing, et le nouveau concept devient juste un “truc” et je sais que je trouverai des gens d'un avis contraire.

Je n'ai pas aimé l'histoire, et l'argument innovant ne semble qu'un coup de marketing pour faire le buzz, vraisemblablement ça marche, mais pas pour moi.

La couleur des choses, premier roman graphique de Martin Panchaud, a reçu à la fois le prix du meilleur album au festival d'Angoulême 2023 et le grand prix de la critique ACBD 2023.

Le début de lecture est déstabilisant : les personnages sont des points de couleur et les lieux sont vus de haut, avec des extraits du cadastre et des dessins de la répartition des pièces comme vous l'auriez dans un programme de vente d'appartement sur plans. Les textes ne sont pas en bulle, mais un trait horizontal relie le personnage à ses propos. On se croirait presque plus dans du dessin technique avec des schémas et des couleurs agréables, que dans une bande dessinée.

Le récit ensuite est celui d'un adolescent, Simon, qui subit du harcèlement, vit dans un quartier populaire de banlieue avec sa mère et son père et décide de prendre les économies de son père pour parier dans la course hippique de la Royal Ascot suite aux prévisions d'une voyante pour le quinté gagnant. le ticket apporte la richesse, mais rien ne se passe comme prévu, avec un long périple, des rencontres, l'arrivée d'une baleine et des morts…

L'histoire pourrait être celle d'une course poursuite ou enquête policière classique, mais la particularité du graphisme donne vraiment une dimension supplémentaire à l'oeuvre. La performance de l'auteur peut être saluée tout comme son originalité ! A découvrir pour sortir des sentiers battus !

A première vue, on doute du qualificatif de bande dessinée tant ce livre ressemble plus à des plans « vue du ciel » pour une étude de sol ou à des planches illustrant un cours d'économie ou bien encore de SVT !
Sans nul doute, ce livre interpelle par son graphisme novateur et déroutant. C'est un jeune élève de 4eme qui me le fait découvrir avec un profil très scientifique mais pourtant lecteur assidu, il a adoré ce côté cartésien et rigoureux. Me voilà invitée à partager son enthousiasme. Intriguée, j'accepte ! Je découvre des personnages qui se résument à des ronds de couleur, des scènes tracées à la règle, quasi millimétrées et toujours surplombées par le lecteur, une trame minimaliste avec des dialogues au lance-pierres et malgré toute cette aridité narrative, on plonge assez facilement je dois dire dans l'univers de Simon, jeune anglais de 14 ans, boulimique, malmené par son père et harcelé par les jeunes du quartier. Un après-midi, perturbé par les prédictions que lui a faites la diseuse de bonne aventure du coin et pour laquelle il a fait quelques courses, Simon dérobe les économies de son père pour les jouer au champ de courses sur un seul cheval gagnant lors de la prestigieuse course du Royal Ascot. Contre toute attente, il gagne le pactole soit 16 millions de livres mais ne peut empocher ses gains qu'avec la présence d'un adulte. Revenu chez lui, c'est le drame : sa mère est retrouvée dans le coma après avoir perdu beaucoup de sang et son père est introuvable. Incapable de toucher son gain, abattu par le souci et la peine, Simon est placé dans un foyer sous tutelle. Naïf, inapte à gérer la situation, crédule, Simon se heurte à toute la faune administrative et sociétale qui veut lui extorquer infos croustillantes ou somme trébuchante. le jeune adolescent devra grandir très vite pour faire face aux tragédies successives qui vont s'abattre sur lui. Paradoxalement au titre de la BD, « La Couleur des choses », l'histoire est ici des plus noires, seulement atténuée par la couleur rouge des blessures et du sang versé. le récit, porté par les graphismes changeants et parfois déconcertants, est très dynamique et emporte facilement le lecteur vers le dénouement. C'est toutefois pour moi un livre à réserver aux grands adolescents car ils sauront gérer le malaise qui se distille de plus en plus au fur et à mesure que l'histoire avance. Simon perdra beaucoup dans cette aventure qui s'étale sur une dizaine d'années. La fin m'a laissée songeuse et troublée et j'ai passé depuis longtemps le cap de l'adolescence ! Quoiqu'il en soit d'un point de vue de lecteur adulte, je suis ressortie enthousiaste de cette incursion dans la création originale et déconcertante de Martin Panchaud. Pas sûre toutefois de replonger dans cet univers aseptisé, aride et plutôt glauque pour un prochain opus.

J'entends parler de cet album pour la première fois à la radio : Roar d'or au dernier festival d'Angoulême. Pour moi qui lis régulièrement de la BD, difficile de passer au travers. Je le feuillette chez mon libraire, et ne me peux pas m'empêcher de m'exclamer en postillonnant : what the fuck?! (vite, vite, mon mouchoir, nettoyer tout ça avant qu'il ne s'en rende compte...). C'est quoi ces pastilles de couleur reliées par des traits, façon plateau de jeu de société type Cluedo ? Oh là là il a dû bien se prendre la tête l'auteur... Mais bon, la vague réminiscence des Chapi Chapo de ma prime jeunesse que m'inspirent les planches emportent le morceau, OK on va s'y plonger dans ta couleur des choses, Martin Panchaud (ah, les émotions d'enfance, on peut pas se battre contre).
Débuts poussifs. Alors quoi, M. Panchaud, vous avez trouvé une idée originale et vous l'avez plaquée sur une histoire qui vous tient certainement à coeur, sans souci de lier la forme et le fond ? C'était quoi l'intention ? Se faire remarquer en faisant rien comme tout le monde ? Irrité et ronchon, j'étais : "encore un prix de snobinard..."
Et puis la sauce a pris petit à petit : la fraîcheur des dessins, l'humour parsemé de-ci de-là, les changements de rythme, le soin apporté aux détails. Bref, j'en ressors en me disant que, OK, ça n'a peut-être pas nourri mon âme ni soigné mes blessures, mais ça valait vraiment le coup d'oeil, c'est bien torché, c'est malin, rendons hommage au boulot du bonhomme. Par contre c'est un gun à une seule cartouche, hein, Martin ? Tu nous rejoues pas le même coup dans un an...