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Avant-propos - Je suis un fan inconditionnel de Jean Becker, cinéaste : « L'été meurtrier, La tête en friche, Les enfants du marais, Effroyables jardins »… sont les films que je préfère dans l'oeuvre de cet homme d'une grande sensibilité.
Néanmoins, il y a aussi « Elisa » et c'est ici ma référence pour vous attendrir, vous émouvoir comme j'ai été intensément troublé lorsque cette mère, accablée par la vie, va étouffer avec son oreiller, son enfant afin de lui éviter la misère.
Cette scène impromptue d'une violence rare m'a, en son temps fortement marqué.

Quelques films et livres plus tard…
Grèce, début du siècle dernier. La vieille Yannou veille sa petite fille et s'interroge : comment échapper à l'indigence, au dénuement à la souffrance ? Et puis des filles toujours des filles.
Elles ne manqueront à personne, elles ne pleureront plus, ne seront plus un fardeau…
On doit la comprendre, c'est pour leur bien, le bien de toutes et de tous, elle fait le bien !
« C'est toi qui nous as fait naître, qui nous as mises au monde.- Elle nous a mises… dans l'autre monde. »
La vieille assume, recommence encore, chez des voisins, chez des bergers. Elle les délivre. C'est irraisonné, ça devient incontrôlé, presque inconscient. Ses mains glissent et serrent.

Souvent les remords vous rattrapent bien avant la police, et les étoiles dans le ciel n'arrivent plus à calmer votre esprit, ni les odeurs du maquis, ni la beauté du bleu de la mer.
Les bleus sont à l'âme, même la fuite ultime ne suffit pas, la tête reste sur les épaules même si les jambes vous emporte dans de vierges territoires.

Moralité… c'est immoral ! C'est bien écrit, très bien écrit, si bien qu'on réfléchit, qu'on rumine, qu'on gamberge…
La compassion pour Yannou, tellement naturelle dans sa démarche m'effleure, mais ma gorge se noue et je sens très vite ses doigts qui me serrent.
« La mort devait être le meilleur des sommeils. » Qui peut dire…

Ferme le livre vite, mais après l'avoir lu.
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Pour les jeunes filles, la vie dans les îles grecques du 19e siècle était dure. Ça ressemblait presque à de l'esclavage, s'il faut en croire les mots d'Alexandros Papadiamandis :
« Jeune fille, elle avait été la domestique de ses parents. Une fois mariée, elle était devenue l'esclave de son mari - et pourtant, par l'effet de son propre caractère et de la faiblesse de l'autre, elle était en même temps sa tutrice. Quand ses enfants étaient nés, elle s'était faite leur servante ; et maintenant qu'ils avaient à leur tour des enfants, voici qu'elle se retrouvait asservie à ses petits-enfants. »

Après avoir menée une pareille vie, je peux comprendre la vieille Yannou de souhaiter un sort différent à sa petite-fille et même à d'autres fillettes. Mais passer de la parole à l'action… Surtout que ce n'est pas vraiment son choix. Si au moins elle avait commis l'irréparable dans un moment de folie passagère qu'elle regrettait ensuite. Mais non. C'est l'aïeule de Patrick Bateman !

Et, après l'avoir fait une fois, pourquoi ne pas « libérer » les petites voisines aussi… Brrr… À en donner des frissons. Deux, trois crimes plus tard, des soupçons commencent à peser sur la vieille Yannou, mais ils sont vite écartés. Je trouve assez ironique que ce soit l'enfant qui meurt réellement par accident, sans le concours de la vieille femme, qui apporte sa chute…

Les petites filles et la mort est l'ouvrage de Papadiamantis qui semble le plus apprécié et, étrangement, c'est celui qui m'a le moins plu. Je n'ai pas détesté, au contraire, mais il y manquait un petit quelque chose, selon moi. Oui, l'univers de ses nouvelles est aussi dur (des gens qui s'échinent sur leur terre rocailleuse et peu productrice, qui survivent de presque rien) mais les moments difficiles étaient entrecoupés de moments de plaisir. Que ce soit un jeune homme en quête d'une fiancée, d'une fête improvisée avec danses, musique et chansons, d'un repas partagé, de la naissance d'un enfant, le recueillement dans un monastère, etc. Ici, le lecteur n'a droit qu'à la misère et à une violence vicieuse.

Autre élément peu engageant : la protagoniste est une vieille femme aigrie, une faiseuse d'anges. Malgré cela (et c'est tout le génie de l'auteur), on ne la déteste pas. On comprend sa situation et on sympatise avec elle (jusqu'à un certain point, cela va de soi !). Toute sa vie n'était que noirceur. Mais toute cette noiceur et cette violence gratuite deviennent rébarbatif et m'ont tenu à distance…
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Ce roman , les Petites Filles et la Mort a été écrit en 1903 et a comme titre original La Meurtrière .

Dans la Grèce du début du vingtième siècle, rien n'a vraiment changé dans les moeurs , la pauvreté règne dans les campagnes et le sort des femmes y est peu enviable .

Yannou, une femme âgée , veille le dernier né de sa fille ainée, une petite fille de quelques jours qui est déjà entre la vie et la mort .
Ces heures passées dans l'obscurité d'une petite pièce entrainent chez Yannou des réflexions sur sa vie de servitude entre ses parents puis son mari et maintenant ses enfants et le peu d'espoir d'une vie heureuse quand on nait fille, sans compter la dot que devront fournir les parents et elle aboutit dans la demi conscience de ses nuits sans sommeil à l'opportunité d'abréger cette vie sans avenir de petite fille et la galère de la mère de mettre au monde des filles . le geste suit rapidement la pensée et elle étouffe le bébé.
Yannou qui connait bien les plantes sauvages , elle est guérisseuse et faiseuse d'anges, parcourt la montagne avec son panier , elle croise donc souvent des petites filles jouant devant les bergeries , l'occasion est facile alors de les faire tomber dans les puits et de poursuivre ainsi ce qu'elle pense être sa tâche, un devoir qui lui est imposé même si l'effroi de son geste l'obsède et si ses nuits sont hantées par les fillettes qui l'appellent .

Terrible constat d'impuissance devant le sort si ce n'est de donner la mort pour abréger des vies innocentes , la meurtrière devient une femme aux abois et le lecteur est tiraillé entre l'horreur de ses actions et l'empathie vers cette femme profondément malheureuse et qui croit faire son devoir .

Une magnifique description de la condition féminine dans cette Grèce au bord du changement .
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La Grèce c'est les îles.
Elles ont l'air simples et accessibles mais elles recèlent mille et un vallons, grottes, éboulis, collines, minuscules monastères, torrents, plages cachées, un milieu idéal pour les bergers et les rebelles,.
Si en plus on remonte dans le temps jusqu'au 19e siècle, alors nous sommes réellement transportés dans un autre monde.
C'est cette sensation de familiarité et d'étrangeté que l'on éprouve à la lecture de roman du grand écrivain grec Alexandre Papadiamantis.
Il est difficile d'imaginer les conditions de vie dans ces villages retirés. La misère, la lutte pour la survie et la rapacité qui en découle, et les traditions qui finissent de rendre la vie impossible. Il y a de quoi sombrer dans la folie. Et c'est ce qui arrive à la vieille Khadoula, appelée Francoyannou, à la fin d'une vie de privations et d'acharnement. Les conséquences en seront tragiques. Mais entretemps nous faisons connaissance avec divers personnages dont les histoires tracent un portrait de la communauté. Un roman prenant, qui explore l'âme humaine confrontée à l'extrême dureté.
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Je ne sais pourquoi, mais ce livre m'a fait penser d'un bout à l'autre à Accabadora de Michela Burgia. La même atmosphère d'un village perdu dans les campagnes méditerranéennes où la trop forte natalité, surtout lorsqu'il s'agit d'enfanter des filles, est un problème récurrent. Le même personnage de sorcière faiseuse d'anges. Sauf que ce livre-ci a été écrit bien avant et nous relate la difficulté d'être femme et mère dans des pays où les hommes sont ou absents parce que partis tenter leur chance et leur avenir ailleurs au loin, ou présents, mais clairement, on s'en passerait. Quel vide que ces vies !

Un écrivain grec reconnu dans son pays comme un tout grand. A découvrir certainement.
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Au club lecture de la médiathèque j'ai la chance d'avoir fait connaissance avec une lectrice férue de littérature grecque, traductrice en plus. C'est elle qui m'a soufflé le titre de ce roman.
Ce n'est pas du tout un livre récent, écrit en 1903 il n'a pas pris une ride.

Dans ce dix-neuvième siècle finissant en Grèce, naître fille était un grand malheur, une vie promise au travail incessant et parfois aux coups du père, du mari. Un drame pour la famille qui se devait de réunir une dot et par là sacrifier un champs, une oliveraie.
Trouver un époux avait un prix et plus la fille était laide plus le prix atteignait des sommets.
Voilà la famille de Yannou, sa fille s'est mariée à un homme dont il y aurait beaucoup à dire et elle va accoucher, deux de ses fils ont quitté le nid pour un avenir en Amérique. « A mesure que la famille s'était accrue, les amertumes s'étaient multipliées » l
Denier problème en date, la naissance d'une petite fille dont la santé est chancelante, Yannou la veille, les heures passent et Yannou se revoit jeune femme, elle prend conscience de n'avoir jamais vécu autre chose que la servitude « domestique de ses parents. Une fois mariée, elle est devenue l'esclave de son mari ».
Elle ne peut se résoudre à laisser cette enfant vivre la même chose, elle veut faire une bonne action, lui éviter de souffrir.
Elle qui sait soigner, qui connait les herbes qui font du bien, elle divague « Mon Dieu, pourquoi faut-il que celle-là soit venue au monde ? » elle s'interroge « Mon Dieu, pourquoi faut-il que celle-là soit venue au monde ? »
De machine à faire les enfants elle devient la force du destin.
La mort de petite fille passe pour un accident mais Yannou se laisse emporter par la violence, la frustration, et les actes de mort se multiplient finissant par alerter les autorités.
Une longue traque va commencer sur cette terre aride, la culpabilité ronge Yannou mais ne l'empêche pas d'être certaine que « le plus grand cadeau serait d'avoir à leur donner, pardon mon Dieu ! L'herbe à rendre stérile »
Elle apparait monstrueuse elle qui est sûre d'avoir agit par charité et qui se réjouit car la dot n'aura coûté qu'un linceul !! Elle est le bras armé de Dieu.
Un roman à la fois moderne par l'oeil qu'il porte sur la condition féminine mais un drame antique pas sa violence et son côté inéluctable. Faire le mal par devoir est ce encore faire le mal ? le roman flirte avec le questionnement de Dostoïevski dans les Frères Karamzov.
Court, dense, très réussi, c'est l'occasion de découvrir cet écrivain parfaitement ignoré en France.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Franco Yannou est au chevet de sa petite fille nouvelle-née souffreteuse. C'est une femme qui connaît les herbes qui guérissent. Pendant ses nuits de veille, elle se remémore sa vie, toujours au service des autres, ses parents, puis son mari, ses enfants maintenant ses petits-enfants. C'est le sort des femmes, aussi Franco Yannou s'interroge sur la valeur de la vie des femmes mais aussi sur la charge qu'elles représentent pour leur familles avec la dot qu'il faut rassembler pour leur mariage. Or selon elle, les familles pauvres font plus de filles que de garçons. La vieille femme pense donc qu'elle doit agir...

Bien mais sans plus.

Challenge ABC 2019-2020

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En 1903, A. Papadiamantis écrit un court roman, Les Petites Filles et la mort , dont la figure centrale est une vieille femme,Yannou, aussi fascinante que terrifiante.
Alors qu'elle veille sa petite-fille malade, Yannou –– réfléchit sur sa vie de misère : mariée de force , et acablée de grossesses non voulues, elle découvre ce soir-là qu'elle "n'avait jamais fait que vivre dans la servitude".
De réaliser à quel point, elle a vécu à la fois dans la misère et la soumission,; cela l'amène à réfléchir à sa condition de femme mais aussi à celle des futurs bébés-filles qu'elle imagine à leur tour souffrir, faisant le malheur de leurs parents, obligés de s'endetter pour constituer leurs dots..., puis de devenir l'esclave de leur futur mari

C'est ainsi que Yannou, afin d'épargner cette vie de misère et d'asservissement à l'enfant qu'elle en train de veiller, commet l'irréparable et bascule dans le meurtre . Yannou tue par charité, pour délivrer l'enfant et la préserver d'une souffrance inutile.

Tragique dilemme du bien et du mal ... dans un contexte intolérable pour les femmes... mais la réflexion du Mal est omniprésente: en dépit de tout cela, est-ce que Yannou, dont nous comprenons les souffrances subies et les sombres réflexions pour l'avenir de ces petites filles-nourrissons a le droit de les empêcher de vivre ?

Texte bouleversant et dérangeant que j'ai découvert grâce à l'une des 1ères éditions en français, réalisée par le célèbre éditeur François Maspéro, réédité depuis, avec bonheur, en 1995, par Actes Sud
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Alexandros Papadiamantis est un écrivain grec majeur du 19ème siècle très croyant, de religion orthodoxe, caractère que l'on retrouve dans "Les petites filles et la mort".

Ce roman raconte une histoire assez sordide, celle de Khadoula veuve de Yannis Francos, une sexagénaire grecque qui se sent investit d'une mission divine. Elle est poussée à supprimer les petites filles pour leur éviter de souffrir plus tard en raison de leur condition féminine.
Celle que l'on nomme Francoyannou a eu sept enfants, trois filles et quatre garçons, et elle voit la différence y compris par sa propre expérience. Elle s'indigne face à l'obligation de donner une dot au mariage d'une fille surtout dans les familles pauvres trop nombreuses.

Une nuit, elle étrangle sa propre petite fille, bébé qu'elle veillait pourtant consciencieusement. Puis elle supprime les deux petites de trois et cinq ans de Jean Périvolas dont la femme est malade.
La spirale est enclenchée malgré les dévotions de Francoyannou.
Recherchée par les gendarmes, elle fuit dans la montagne, sur le haut plateau des Kambia puis au Malvallon où se trouve la Grotte Noire.
Mais la vie de recluse est difficile et le chemin laborieux pour faire pénitence à l'ermitage de Saint-Sauveur.

C'est un texte un peu trop basé sur la religion à mon goût mais audacieux pour l'époque (il date de 1903) car il aborde la condition des femmes grecques à la campagne de façon tragique malheureusement.


Challenge Riquiqui 2023
Challenge XXème siècle 2023
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"Classique de la littérature néo-hellénique" nous annonce l'éditeur en quatrième de couverture, et pour cause, en 2018 ce roman résonne de manière extrêmement moderne. J'aurais pu le lire comme un bon roman noir si la finesse et la justesse des problématiques abordées n'en faisait pas un excellent roman sociologique. Une vieille femme au chevet de sa petit-fille nouvelle-née et malade se remémore sa vie de femme pauvre et considère le poids social de la naissance d'une fille dans une Grèce du XIXème siècle où la pratique de la dot est largement répandue. Il est difficile d'en dire plus sans trahir le livre. Les ambiances de huis-clos rendent le lecteur captif de situations angoissantes et économiquement inextricables, où l'amour ne semble plus avoir sa place, où la frontière entre bien et mal n'a plus rien de raisonnable, où folie meurtrière et extrême lucidité flirtent dangereusement.
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