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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Illustrations de Rémi.

La quatrième de couverture nous met en garde : « N'achetez pas ce livre, vous le regretteriez. » Et si nous ne le regrettons pas, nous pouvons sans aucun doute douter de la bonté humaine.
Gog est un milliardaire excentrique convaincu de la médiocrité des hommes dans tous les domaines. Art, pensée, sentiment, idée, artisanat, tout lui est sujet de dégoût. Gogo voyage beaucoup et rencontre tout ce que le monde compte d'hommes illustres : Gandhi, Henry Ford, Lénine, H. G. Wells, Freud, Einstein et bien d'autres, en dépit de leurs mérites et de leur talent, aucun d'eux ne trouve grâce aux yeux du richissime misanthrope qui se pique de mécénat, mais à qui rien ne convient. « Je ne veux vraiment pas jeter mes dollars par la fenêtre. » (p. 25)

Gog est un atrabilaire amoureux de sa personne exclusive. le reste du monde l'ennuie et l'agace. Gog honnit tout ce qui n'est pas lui et son égo le pousse à haïr l'humanité tout entière. « Pour moi qui déteste les hommes en général, le simple aspect d'un anthropophage est réconfortant. » (p. 60) Cynique, sadique, machiavélique et mégalomaniaque, le milliardaire est également puissamment convaincu de ses droits et de sa supériorité. « Il y a trois semaines, avec ma Packard, j'ai embouti une vieille femme, et comme sa famille réclamait une indemnité effrontément disproportionnée à la perte – on sait bien quel est le prix moyen des femmes –, j'ai dû faire appel à un bon avocat pour me défendre contre ces exploiteurs de cadavres. » (p. 77) Charmant personnage, n'est-ce pas ? Bien qu'il rencontre des hommes aussi excentriques, aussi marginaux et aussi fous que lui, Gog ne reconnaît en aucun d'eux un égal et se mûre dans une solitude farouche et haineuse. « L'instinct de l'assassinat m'a toujours hanté puissamment depuis ma prime adolescence. » (p. 266)

Mais Gog n'est pas heureux. « Il est incroyable qu'un homme comme moi, pourvu de milliards et dépourvu de scrupules, puisse s'ennuyer. » (p. 103) Blaise Pascal disait qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Et Gog mesure l'atroce limite de sa richesse puisque celle-ci ne peut lui offrir d'amusement suffisant pour le sortir de sa torpeur, de son ennui et de son dégoût de la vie. Par certains aspects, cet insupportable héros m'a rappelé Des Esseintes, le personnage de Huysmans dans À rebours. Il accumule les collections les plus grotesques et tente les expériences les plus loufoques, mais rien ne le distrait jamais.

Les chapitres sont très courts, illustrés d'une miniature liminaire. Les pages sont encadrées d'un liseré noir qui leur donne un air de chronique. le lieu et la date de chaque chapitre sont clairs, mais le journal n'est pas chronologique. Ce labyrinthe de récits est assez déconcertant et impossible à situer. Je conseille ce texte à ceux que le monde navre sans cesse et qui ne croient pas en l'existence des qualités humaines. Les utopistes et les bienveillants feraient bien de se tenir loin de cet ouvrage à l'humour ravageur. Pour ma part, si j'ai apprécié le cynisme, j'ai fini par être lassée par l'accumulation. Et la dernière page m'a vraiment déçue. Envie de dire « Tout ça pour ça ? » Mais j'en connais à qui ce roman plairait !
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"Je suis honteux de dire où j'ai connu Gog : c'est dans une maison de fous."

Giovanni Papini fait bien de nous prévenir... libre à chacun ensuite de poursuivre le récit qu'il entame de cette manière. Sauf qu'après, faudra pas venir se plaindre !

Gog, la cinquantaine effrayante, pas un poil sur le corps - qu'il a gigantesque - et une déraison venue sur le tard, après la richesse accumulée rapidement et impossible à estimer, après les voyages à travers le monde, après l'usage abusif de toutes drogues imaginables. "Il faudra penser au dangereux assemblage qui était en lui : un demi-sauvage inquiet ayant à ses ordres les richesses d'un empereur, et un descendant de cannibales qui s'était emparé, sans perdre sa rudesse, du plus effroyable instrument de création et de destruction dont dispose le monde moderne."

Vous voulez plonger avec lui ? Comme Papini, je préviens, je refuse toutes responsabilités dans les desagréments de l'âme que provoquera cette lecture !

Gog, donc, est un être pervers et cynique, ayant dans ses mains suffisement de richesses pour s'acheter le monde, littéralement. Et c'est ce qu'il va s'employer à faire. Peu enclin à l'humanisme et au respect de ses valeurs, mais fortement impressioné par toutes les gesticulations de ses contemporains dès lors qu'ils parlent d'Arts, Gog tente de palier à son inculture ; en littérature d'abord, mais son jugement, après avoir consacré quelques mois à la lecture des chefs d'oeuvres fondateurs, est sans appel : "il est très probable que, d'ici un siècle, personne ne se consacrera plus à une industrie aussi arriérée et d'un aussi maigre rapport."
La musique ? même conclusion. le théâtre ? l'Architecture ? non, décidemment, rien ne trouve grâce à ses yeux... Alors, pour essayer d'y voir un peu plus clair, il va de rencontres en rencontres : Gandhi, Einstein, Henry Ford, dont la définition du travail à la chaine fait froid dans le dos, et rire à gorge déployé (en fait...), et ce moment où l'on apprend de la bouche de Freud lui-même qu'en réalité il n'est qu'un vieux frustré... qu'il n'avait que seule ambition de devenir écrivain.

Mais ces rencontres, qu'il décrit avec entrain, le laissent tout aussi démuni qu'au premier jour. C'est que fondamentalement, Gog n'a qu'un seul problème : il s'ennuie. Et rien ne le diverti de cet ennui. Et aucune de ses immenses richesses ne peuvent acheter un semblant d'âme. Voilà le problème de Gog, il n'est qu'une carcasse vide. Desoeuvré, totalement. Et conscient de ce désoeuvrement.

Alors, il tente de s'entourer ; va proposer un poste de secrétaire particulier, histoire d'avoir une compagnie divertissante. Il ira même jusqu'à louer les services d'un cannibale. Enfin, un peu de rêve et de sang ! Mais non, même pas. Il se résout à congédier ce cannibale, qui s'est repenti en vieillissant. Un cannibale molissant, quel intêret quand on recherche le frisson et le franchissement des barrières morales qui pourrait lui donner l'impression d'exister un peu ?

"Le vieux Nsoumbou, que j'ai pris pour me tenir compagnie, est trop mélancolique. Je ne croyais pas qu'un nègre pût, à ce point, se laisser vaincre par les remords. A force de repentir, il devient insupportable."
"Je crains que Nsoumbou ne soit retombé en enfance par l'effet de l'âge. Au plus grand étonnement de mon cuisinier, il ne mange désormais que des légumes et des fruits. La civilisation me l'a gâté ; elle l'a fait devenir humanitaire et végétarien. Je crois que je serai obligé de le congédier, au premier port où nous ferons escale."

Cynique, Gog ? Même pas. Pas vraiment. Pas plus que la société qu'il traverse et décrit. Inhumain ? oui sans doute, avec un haussement d'épaule... qui s'en soucie ?

Ce roman, écrit en 1931 par Giovanni Papini, et réédité par la (magistrale) maison d'édition Attila connait un sort particulier. Est-ce dû à la vie et la réputation sulfureuses de son auteur ? Sans doute. Papini a été de tous les retournements de veste, et rarement du bon côté... Et son ode au dictateur italien n'est sans doute pas étrangère à sa mise au ban de la littérature pendant plusieurs décénies.

Encore un qui démontre avec brio que l'on peut être une personne abject et un romancier qui frôle le génie !
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Le livre commence dans un hôpital psychiatrique où séjourne un homme affreux, un milliardaire misanthrope qui a parcouru le monde : Gog. Ses notes ont été retrouvées et elles sont livrées au lecteur, sans être chronologiques. Seront indiqués à chaque fois le lieu et la date (mais pas l'année).
On a donc une suite de textes courts qui s'apparentent à des nouvelles, souvent à chute. Gog raconte ses rencontres des personnages éminents (Shaw, Freud, Gandhi, etc.) Il fait la connaissance de gens bizarres, dont un vendeur qui lui donne l'idée de se constituer une thanatotèque (faite d'objets confectionnés à partir de corps humains, de squelettes, de reliques...), un savant qui prône le retour de l'homme à la bestialité, un autre qui lui expose ce qu'est la FOM, une organisation qui se propose de déblayer l'humanité... Chaque histoire est empreinte de choses fantastiques, incongrues, et surtout pas bien pensantes.
Gog expérimentera ce qu'est "nager dans l'or", mais c'est détestable, selon lui : on étouffe! Il visitera les palais d'un curieux noble Espagnol (dont l'un renferme les corps immuables des ancêtres) ; il tentera de collectionner les Géants, les sosies des grands hommes, pour se rabattre sur une collection de coeurs de cochons, qui lui rappellent ceux des hommes. Il livre les rêves de Cosmocrator, à qui le monde ne suffit pas ; il plaint le bourreau à la retraite qui n'a plus que quelques bêtes à égorger depuis qu'il est au service de Gog ; un médecin lui conseillera de se soigner par le mal, car la santé est toujours louche. Il déplore la pédocratie, c'est-à-dire que l'esprit enfantin se soit emparé de toutes choses, ainsi que l'impudeur qu'ont les hommes à manger en public quand ils se cachent pour faire leurs besoins (tiens, tiens, Bunuel n'est pas loin...).
Même si certaines nouvelles sont un peu trop techniques ou philosophiques, le livre de Papini est d'une grande originalité et très bien écrit. C'est un drôle de voyage, loin des conventions. Dommage que la dernière ligne soit d'un optimisme qui contredit l'ensemble... Je ne l'aurais pas gardé pour la fin. Maldoror aurait agi autrement.

Pour finir, l'édition parue chez Attila, illustrée par Rémi, est belle. Un petit dessin, à chaque fois, entame les histoires.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
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