Je suis une fidèle de l'émission littéraire « Sous couverture » que j'enregistre et regarde quand je peux. Dernièrement, j'ai vu l'épisode consacré à
Gilles Paris.
Oui, comme tout le monde, j'avais entendu parler de son best seller «
Autobiographie d'une courgette ». Cela fait d'ailleurs des années qu'il patiente dans ma PAL, dont la hauteur fait au moins la distance de la Terre à la Lune et retour.
En présentant le nouvel ouvrage de l'auteur,
Thierry Bellefroid parle de «
Certains coeurs lâchent pour trois fois rien » dans lequel
Gilles Paris va livrer sa vie. Et il insiste sur la nécessité de lire ce récit.
Car il s'agit d'un récit. Je ne sais pas si, dans un roman, on oserait relater les épisodes affreux qu'a vécus l'auteur.
Le titre vient d'une phrase que lui a dite un médecin après une tentative de suicide. Mais le sien, de coeur, après la lecture, on se demande comment il a tenu.
Au début figure un avertissement : « Ce livre n'est pas une autobiographie, mais des éclats de vie ». Comment mieux le formuler ? Au fil des pages, l'auteur parle de lui, de certains moments clefs, mais il ne les déroule pas dans un ordre chronologique.
Parfois, dans un chapitre, il aborde un aspect qui sera développé plus loin. Parfois, il retourne dans le passé. Il termine son prologue par : « Entrez dans ma vie comme on entre dans une danse ». Mais je peux vous assurer que, dans cette gigue infernale, personne n'aurait envie de se lancer.
Quelqu'un conseille à Gilles d'écrire une lettre à son père, sans quoi, toute la rancoeur qu'il a accumulée en lui risque de l'étouffer.
C'est sur cette missive que s'ouvre le volume. Une épître que le lecteur prend en pleine face d'entrée de jeu, comme lui, Gilles, a subi l'incroyable et inexplicable violence de cet homme qu'on a peine à considérer comme un père. le fils a beau lui trouver des circonstances atténuantes, prétendant qu'il n'est pas violent, nous, lecteurs, n'en croyons pas moins le contraire. Tout est fait pour blesser : les paroles « sautant de la bouche comme des balles qui ne m'ont pas tué ». le moment où il a quitté sa famille pour s'installer avec une femme plus jeune. Celui où il a frappé, non, plutôt tabassé son fils de vingt ans de manière si bestiale que, si un bon samaritain ne l'avait pas transporté à l'hôpital voisin, il serait mort. L'appartement qu'il a dévasté, arrachant les meubles, brisant miroirs, chaises et fauteuils, pulvérisant les fenêtres. Et surtout, la phrase qu'il lui a lancée : « Tu ne vaux rien. Tu ne feras jamais rien de ta vie. Tu es une merde. » Est-ce qu'un père dit des choses pareilles à son enfant ?
Au long des pages s'égrènent ces moments dont « Rien n'existe tant qu'on ne l'a pas écrit » comme nous l'apprend l'épigraphe de
Virginia Woolf. Car, tout ce que Gilles a vécu, on a peine à croire qu'il ait pu y survivre.
En trente ans, il affronte huit dépressions ! Quand on a connu un seul épisode dépressif, on se rend compte à quel point c'est terrible. Alors, huit ? Des tentatives de suicide, comme autant d'appels au secours, en effet, il le précise : « ceux qui veulent vraiment mettre un point final à leur vie ne se ratent pas, en général. »
Il luttera en se détruisant encore davantage par l'alcool, la drogue. Il se jettera à corps perdu dans le travail. Il raconte ce moment où il doit rencontrer des jeunes pour leur parler de son roman, des séances de dédicaces. Tout en lui dit non. Il a l'impression qu'il va imploser. Mais il se lève, s'habille, se colle un sourire sur le visage, et il y va.
Il décrit la maladie très grave de sa soeur, qui affronte la souffrance avec stoïcisme et une force de caractère telle qu'elle arrivera à remonter la pente.
Dans tout ce noir, heureusement, deux lumières : l'amour de Laurent, son compagnon, qui l'a soutenu et accompagné au long de ses hospitalisations. Auquel je tire mon chapeau : supporter un dépressif, cela n'a rien d'évident.
La deuxième, c'est l'écriture. Quand des jeunes lui demandent s'il a des enfants, il répond : « Oui, mes livres. »
Il va aussi abandonner la cocaïne et la remplacer par du sport intensif.
Il aime beaucoup la musique et y fait souvent allusion. Parfois, pour illustrer ses propos, il cite l'un ou l'autre extrait de chanson. Et de même pour le cinéma, pour lequel il a instauré un rituel : ne jamais manquer telle ou t
elle séance. La littérature. Il a travaillé comme attaché de presse et nomme plusieurs auteurs qu'il apprécie, qui sont parfois devenus des amis.
Heureusement, il termine son livre par quelque chose de positif : une liste de tout ce qu'il aime. Ce sont parfois des choses importantes, comme des rencontres, des discussions avec des proches. Parfois, des détails insignifiants ; « Sentir la tiédeur du sable sous mon pied nu » ou « les herbes dans la vinaigrette ». Mais ce qui, je pense, est le plus important pour lui, puisqu'il le répète plusieurs fois, c'est : « Écrire ».
Un texte qui m'a vraiment marquée.