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Citations sur Travailler fatigue. La mort viendra et elle aura tes .. (81)

Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force.
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Marc en septembre
  
  
  
  
Les matins passent clairs et déserts
sur les rives du fleuve qui à l’aube s’embrume
et se charge d’un vert sombre, dans l’attente du soleil.
Le tabac que l’on vend dans la dernière maison
encore tout humide, en lisière des prés, est presque noir
et d’un goût savoureux : sa fumée est bleuâtre.
Ils ont aussi du marc qui a la couleur de l’eau.

Le moment est venu où tout s’immobilise
et mûrit. Les arbres, au loin, restent calmes :
ils paraissent plus sombres, et ils cachent des fruits
qui à la moindre secousse tomberaient. Les nuages épars
ont une pulpe mûre. Au loin, sur les boulevards,
chaque maison mûrit sous la tiédeur du ciel.

À cette heure, on ne voit que des femmes. Les femmes ne fument pas
ni ne boivent, elles savent simplement s’arrêter au soleil
et recevoir sur elles sa tiédeur, comme des fruits.
Froid de brume, l’air se boit par gorgées
comme du marc, chaque chose y exhale une saveur.
L’eau du fleuve elle aussi a bu ses rivages
et les macère au fond, dans le ciel. Les rues
sont pareilles aux femmes, elles mûrissent immobiles.

Il faudrait que chacun, à cette heure, s’arrête
dans la rue et regarde comment tout mûrit.
Il y a même une brise, qui n’ébranle pas les nuages,
mais suffit à diriger la fumée
bleuâtre, sans la rompre : saveur nouvelle qui passe.
Et le tabac doit être trempé dans du marc. Les femmes alors
ne seront plus les seules à jouir du matin.


/Traduit de l’italien par Gilles de Van
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IN THE MORNING YOU ALWAYS COME BACK

Le soupirail de l’aube
respire par ta bouche
au fond des rues désertes.
Lumière grise tes yeux,
douces gouttes de l’aube
sur les collines sombres.
Ton pas et ton haleine
comme le vent de l’aube
submergent les maisons.
La ville frissonne,
les pierres embaument —
tu es la vie, tu es l’éveil.

Étoile perdue,
dans la lumière de l’aube,
grincement de la brise,
tiédeur et haleine —
la nuit est finie.

Tu es la lumière et le matin.

20 mars 1950
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" [...]
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l'espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d'aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d'un ancien tremblement.

Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s'est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l'attente de toi.
C'est le matin, l'aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.

L'espérance se tord,
et t'attend et t'appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger."


25 mars 1950.
(extrait de " La mort viendra et elle aura tes yeux " - pp. 209-210).

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MATIN

La fenêtre entrouverte enferme un visage
sur la plaine marine. Ses cheveux vagabonds accompagnent la tendre cadence de la mer.

Il n'y a pas de souvenirs sur ce visage.
Rien qu'une ombre fugace, comme celle d'un nuage. L'ombre est humide et douce comme le sable
d'une caverne intacte, quand vient le crépuscule.
Il n'y a pas de souvenirs. Rien qu'un chuchotement qui est la voix de la mer devenue souvenir.

Au crépuscule, l'eau moelleuse de l'aube
s'abreuve de lumière, éclairant le visage.
Chaque jour sous le soleil, c'est un miracle
sans âge : une lumière saline l'imprègne
et une saveur de vivant fruit marin.

Aucun souvenir ne vit sur ce visage.
Aucune parole ne peut le contenir
ou le lier aux choses du passé. Hier,
par l'étroite fenêtre il s'est évanoui
comme il s'évanouira tout à l'heure, sans tristesse, sans paroles humaines, sur la plaine marine.


(extrait de " Travailler fatigue " - p. 56)

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LA NUIT

Mais la nuit houleuse, la nuit transparente,
que le souvenir ne faisait qu'effleurer, est bien loin,
c'est un souvenir. Un calme persiste stupéfait,
fait aussi de feuilles et de néant. Seule reste,
de ce temps au-delà des souvenirs, une quête
incertaine du souvenir.

Parfois revient au jour
dans la lumière immobile du jour d'été cette stupeur lointaine.

Par la fenêtre vide
l'enfant regardait la nuit sur les collines
fraîches et noires, stupéfait de les voir amassées :
immobilité vague et limpide. Au milieu du feuillage
qui bruissait dans le noir, se montraient les collines
où les choses du jour, versants, arbres et vignes,
étaient nettes et mortes, et la vie était autre
faite de vent, de ciel, de feuilles et de néant.

Parfois
dans le calme immobile du jour revient le souvenir
de cette vie pensive, dans la lumière stupéfaite.


(extrait de " Travailler fatigue " - p. 49)


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“Les deux hommes fument sur la rive. La femme qui nage
sans briser la surface, n’aperçoit que le vert
de son bref horizon. Cernée d’arbres et de ciel
s’étend l’eau où la femme glisse
sans corps. Dans le ciel les nuages se posent
et paraissent immobiles. La fumée se fige dans l’air.”
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Je désire des couleurs et c'est tout. Les couleurs ne pleurent pas,
elles sont comme un éveil : dès demain les couleurs reviendront.

(AGONIE)
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Manie de solitude



extrait 2

Chaque chose se détache devant mes sens
qui l’acceptent sans trouble : bruissement de silence.
Chaque chose, je peux la savoir dans le noir,
comme je sais que le sang coule dans mes veines.
La plaine, c’est de l’eau qui s’écoule sans trêve dans l’herbe,
un dîner de toutes choses. Chaque plante, chaque pierre,
vivent sans bouger. J’écoute mes aliments qui nourrissent mes veines
de chaque chose vivant sur cette plaine.

                      Peu importe la nuit :
le rectangle de ciel me parle en susurrant
de tous les grondements et une étoile menue
se débat dans le vide, loin de la nourriture
des maisons, étrangère. Elle ne suffit pas,
il lui faut trop de compagnes. Ici dans le noir, solitaire,
mon corps est tranquille et se sent souverain.


/ Traduit de l’italien par Gilles de Van
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Manie de solitude



extrait 1

Je dîne légèrement à la claire fenêtre.
Il fait déjà noir dans la chambre et l’on voit dans le ciel.
Dehors, les rues tranquilles mènent en pleine campagne
au bout de peu de temps. Je mange et je regarde le ciel
- qui sait combien de femmes sont en train de manger
à cette heure – et mon corps est tranquille ;
le travail étourdit chaque femme et mon corps.

Dehors, après le dîner, les étoiles viendront et toucheront la terre,
sur la plaine sans fin. Les étoiles sont vivantes
mais elles ne valent pas ces cerises que je mange solitaire.
Je regarde le ciel, mais je sais qu’entre les toits de rouille
brillent déjà les lumières et qu’au-dessous, il y a des bruits.
Une longue gorgée et mon corps savoure la vie
des plantes et des fleurs et se sent détaché de tout.
Un peu de silence suffit et les choses s’immobilisent
à leur place réelle, pareilles à mon corps immobile.



/ Traduit de l’italien par Gilles de Van
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