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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Brisé à son retour de la guerre du Viêt-Nam où il était brancardier, Doug Peacock fait la connaissance d'Edward Abbey, l'auteur de « Désert solitaire » et du « Gang de la clef à molette » (roman dans lequel Abbey s'inspire de Peacock pour créer son personnage emblématique de Hayducke). Ce dernier va lui faire découvrir l'immensité des déserts américains, la faune et la flore de ces espaces sauvages et surtout une philosophie naturaliste, le fondement de la véritable écologie. de cette rencontre va naître une amitié rare et profonde. Edward Abbey fera de Doug Peacock son exécuteur testamentaire.
« Une guerre dans la tête » raconte à travers les récits des périples de l'auteur au Népal, sur l'île Tiburon au Mexique, dans l'Utah ou dans le parc national de Glacier dans le Montana, sa reconstruction et sa vie qui reprend tout son sens.
Ce récit est une leçon et une immense bouffée d'oxygène. A découvrir tout comme « Désert solitaire » d'Edward Abbey.
Le roman prend le titre de « marcher vers l'horizon » dans la collection Totem des éditions Gallmeister (On se demande bien pourquoi).
Traduction de Camille Fort-Cantoni avec le concours du centre national du livre.
Editions Gallmeister, 240 pages.
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Doug revient de la guerre du Vietnam avec un stress post-traumatique. Il n'y a plus de frontières entre la vie et la mort. Il est socialement inadapté. Il se lie d'amitié avec Ed Abbey, plus âgé, écologiste engagé et activiste. Il veut vivre mais ne trouve plus sa place dans ce monde.

Alors, il accompagne Ed dans ses randonnées, en fait seul aussi. Marcher le reconnecte à son corps. Il découpe l'année entre vie de famille et randonnées dans le désert américain, l'ouest ou le Népal.

Il y a beaucoup d'alcool, des compagnons de route, la solitude malgré tout, la dépression, la colère et la violence mais aussi le chemin vers la résilience, des paysages à couper le souffle. Les pieds ancrés dans la terre, Doug avance.

Malheureusement comme dans toute vie, il y a la mort, il accompagne Ed en fin de vie, résolu à respecter les dernières volontés de son ami.. Son père meurt également. Ses névroses s'aggravent et malgré tout leur amour, sa femme et ses enfants le quittent. Cette solitude mentale qui le poursuivait depuis des années, devient également physique. Doug reprend la route à l'envers, une sorte de pèlerinage en faveur de son ami. Une dernière marche sur un terrain militaire où une sorte de guerre refait surface. le soir, dans son camp, il relit le livre écrit par Ed sur le gang de la clé à molette, dont il est un personnage central. Dans des gestes simples, des endroits rudes et sauvages, il comprend que toute vie va vers la mort, c'est le cycle de la vie.

C'était une si belle journée pour se sentir vivant.

Merci Onee pour ce cadeau, jolie découverte. J'ai peiné à lire ce récit passionnant pour plusieurs raisons : la canicule qui sévissait dans ma région, la lecture sur mon ordinateur portable qui chauffait dangereusement, les moustiques qui attaquaient à la moindre petite lumière, les incendies liés à la canicule et à la connerie humaine, puis les orages, le sauvetage des oiseaux et des animaux, victimes de ce dérèglement climatique.

J'ai aimé le combat de ces hommes, le parcours de Doug et ces paysages grandioses.


Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Le plus grand traumatisme de l'écrivain durant cette guerre du Vietnam sera d'avoir tenu dans ses bras des bébés criblés de balles. Pour tenter d'estomper ses peurs et cauchemars, il marche et fait des ascensions. Ce récit est aussi, pour mon plus grand bonheur, un hommage à Edward Abbey. C'est la première fois qu'une lecture me fait l'effet d'être en compagnie de connaissances communes. Il y parle aussi de Jim Harrison et de Terry Tempest Williams à qui l'on droit le sublime roman ‘Refuge'. L'émotion est à son comble quand il raconte l'enterrement illégal d'Abbey dans le désert et ses derniers jours. Suis surprise qu'il n'est jamais question de Rick Bass comme le fait ce dernier. Unique fois aussi où je lis quelqu'un qui est le héros dans deux livres lus précédemment. Doug Peacock dit, je cite : ‘La seule chose pire que de lire ses propres écrits est de devenir le personnage de fiction d'un autre.'
Une belle balade au coeur de la nature et de l'homme tout en pudeur. Un homme, un vrai !

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Ce livre est parmi ceux qui m'ont le plus bouleversée.
Ce n'est pas le récit romancé d'une vie, ce n'est pas une biographie, ce serait plutôt le partage des réflexions les plus intimes avec Doug Peacock au terme d'une résilience.

Il invite le lecteur à cheminer en sa compagnie dans son passé (quand l'humeur s'obscurcit ), ou dans les déserts ou dans les montagnes...là où ses pas le mènent, on le suit.Et, chemin faisant, il parle au lecteur de son vécu, de ses deuils, de son ressenti,de ses doutes et ses désillusions, de ses émotions.
Le ton est juste, pudique mais derrière les mots se cache mal une sensibilité extrême, celle-là même qui a dressé un rempart entre les hommes et lui au retour de la guerre du Vietnam : " je n'étais plus sûr de rien ".
Il a souffert, douté, perdu pied, chuté,pour toujours se relever .
Sa force de survie, c'est à la nature qu'il la doit.
La nature et le monde animal, une force née de son extrême sensibilité, car,quel que soit l'état d'esprit du moment, il y a toujours une petite place pour l'espoir qui peut renaître face à la beauté ou à l'innocence.
Et cela,c'est la nature originelle qui va peu à peu contribuer le rééquilibrer.

Mais, arrive un moment où à nouveau il accepte l'autre, jusqu'à renouer avec l'amitié.
Le terrain est encore fragile, mais suffisamment fort pour que naisse une amitié indéfectible, jusqu'à la mort, celle de Edward Abbey...
"c'est avec Ed que j'ai vu la mort au plus près--en attendant mon tour...je me suis enfoncé dans ce qu'est la mort. J'ai vu dans ses yeux un autre monde: il a eu une si belle fin...son agonie fut le plus brave et le plus beau des dons qu'il m'ait faits ."
Car, cet homme qui fut brisé par l'horreur a permit à Abbey, son ami, de mourir dans la sérénité et la paix,en accord avec lui-même et les siens.
Ces funérailles font l'objet d'un chapitre du livre. .." je trouvai l'endroit idéal pour planter le corps de mon vieil ami. L'air du désert était lourd d'une pureté rare et vive.
Je me sentais bien...Nous portâmes le corps d'Ed au-dessus du sol accidenté et je fus choqué de constater combien il était léger, léger comme un nuage, comme la brume sur la colline. Comme s'il s'était envolé. "

Et son cheminement continue, la vie le rattrape.
Il reconstruit une famille Mais, jamais il n'oublie et reviendra quelques années plus tard se recueillir sur la pierre tombale de Abbey, (après avoir traversé à pied un champ de tir dans le désert, interdit au public bien sûr ! !)
" Eh bien Ed, me dis-je en m'allongeant près du feu... me voilà. Tu ne vas pas me croire dis-je à la fumée, mais je me suis plus ou moins calmé, je me suis remis dans une forme décente. J'ai canalisé mon appétit de vivre et j'essaie maintenant d'être un bon père. Et ma colère--le poing levé de Hayduke--Ed ? Eh bien , j'essaie de lâcher prise...en traversant le champ de tir, j'ai laissé derrière moi une grande partie de la guerre. "
Hayduke, personnage du "Gang de la clef à molette" est un anarchiste, écolo, un peu dingue,et Abbey dit que c'est Peacock qui lui aurait servi de modèle. Mais ,Peacock affirme que le véritable Hayduke, c'est bien Abbey himself !!!
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Pour moi, Doug Peacock était surtout l'homme qui a inspiré le savoureux Hayducke d'Edward Abbey dans le gang du clan à molette.
Mais Doug Peacock gagne a être encore mieux connu, et son livre Une guerre dans la tête, permet de comprendre et cerner un peu cet homme exceptionnel.
Peacock, après avoir été un infirmier chez les bérets verts au Vietnam, revient cabossé par les horreurs de la guerre. A l'époque, on ne parle pas encore de syndrome post-traumatique.
Dans son livre Peacock va relater sans concession, mais avec beaucoup d'honnêteté des moments clefs de sa vie . Ses habitudes à chercher à se ressourcer au coeur de la nature sauvage, son amitié avec Abbey. J'ai d'ailleurs trouvé toute cette partie du livre très émouvante et pleine d'émotion.
Ce livre permet vraiment de mesurer le cheminement de Peacock du Vietnam jusqu'au défenseur de la nature.
La partie consacrée aux grizzlis m'a donné envie de me plonger très vite dans Mes années grizzlis.
L'auteur a une très belle plume, et ses descriptions des lieux qu'il a traversé étaient très imagées et fort bien écrites. Je me suis d'ailleurs empressée de regarder sur le net certains endroits qu'il a cité, et c'est vrai que la nature sauvage, en particulier les déserts sont vraiment magnifiques.
Une magnifique ode à la nature sauvage...
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«Plus jamais je ne tuerai un inconnu, mais je donnerai ma vie pour préserver une terre sauvage.»
Excellente découverte, une aventure que je ne suis pas prête d'oublier.
Un regard empreint de douleur et de sincérité pour décrire ce qui hante l'âme et l'esprit d'un vétéran, un vétéran déglingué à la démence bien établie.

«On ne quitte jamais vraiment un champ de bataille.»

Vous m'avez embarqué Mr Peacock dans vos balades, j'ai marché avec vous dans la nature sauvage , dans les grands déserts de l'Ouest américain. Des marches salutaires, des exutoires pour libérer l'esprit et tenter d'oublier ces sombres et dures images de la guerre, pour ne plus penser aux horreurs des combats. Observer la nature, l'apprécier dans toute sa splendeur, savourer la magie des lieux, toucher de ses yeux les plaisirs que la nature sauvage nous offre, se faire quelques frayeurs au contact des grizzlis, les suivre dans leur quotidien, leur déplacement, se faire tout petit pour ne pas les déranger et se repaître, en silence, à leur contact, se délecter des parfums de la nature, se retrouver, se ressourcer, s'émouvoir, retrouver un équilibre, simplement ...y retrouver de belles raisons de VIVRE, un second souffle, à la recherche d'une sagesse intérieure, nourrir son âme, être de retour dans son humanité.
«Âgé d'une cinquantaine d'années, je suis venu ici recouvrer ma santé à marché forcée. Perdre à pas cadencés la graisse qui s'est installée, m'éloigner à pied de la guerre, marcher encore et toujours [...], pénétrer dans un monde qui m'apparaît obscurément meilleur, connaître un nouveau départ. Je voulais un supplément de vie, j'attendais plus de l'existence que je m'étais choisie.»
Merci, un grand merci pour cette belle leçon de vie, et toutes les fortes émotions ressenties à la lecture de votre histoire; des larmes naquirent à la lecture de certains passages saisissants.

Une belle histoire d'amitié, orageuse souvent, un bel hommage rendu à son ami Edward Abbey, à qui l'on doit Désert solitaire (livre qui changeait des vies et qui a inspiré une grande partie du mouvement écologiste moderne, qui traite de la puissance de la nature, du rapport de l'homme à la terre, d'une certaine idée de la liberté, un appel aux armes), ou encore «Le Gang de la Clef à Molette». le héros de ce dernier, George Whashington Hayduke n'est autre qu'un personnage inspiré de Doug Peacock.
«Cela dit, Abbey me rendit sans doute service en créant une caricature de moi-même dont je percevais la nature obtuse quand la mienne m'échappait. Il avait dépeint l'ex-Béret vert Hayduke par touches précises, comme un homme pris dans un marécage émotionnel, et il me donna l'envie d'en sortir. La seule chose pire que de lire ses propres écrits est de devenir le personnage de fiction d'un autre.»
Un ami qui lui a légué un formidable instrument de survie : les grandes marches.
«J'étais sorti du Vietnam dégoûté du combat, tournant à vide. Moins d'un an plus tard, je rencntrai Ed. Ce n'était sûrement pas un hasard. Même s'il me fallut des années pour le comprendre, cette sale petite guerre asiatique fut à l'origine d'une amitié de vingt ans. C'était elle qui, les brassant dans un même bouillon, faisait le lien entre la violence, Hayduke, Peacock, Abbey et le combat pour les espaces sauvages.»
L'enterrement de ce grand monsieur est un beau moment, empreint d'une vive émotion, raconté avec beaucoup de pudeur et d'humilité.
«Ed voulait nourrir les plantes.»
Doug Peacock parle aussi de ses amis, Jim Harrison et Rick Bass, et évoque de grands noms de la littérature du Sud-Ouest américain, William Eastlake, Peter Matthiessen, et du mouvement écologique : Rick Ridgeway, Yvon Chouinard.

La mort s'insinue par petites touches au travers de ce récit, la mort : partie intégrante du cycle de la vie. Vivons pleinement, pour bien mourir, pour ne pas avoir peur de partir.
«Si tu as gâché ta vie, alors évidemment tu t'agrippes comme un noyé à la semi-existence que t'offre la technologie médicale. [...] La mort devrait toujours avoir un sens. Ceux qui redoutent le plus la mort sont ceux qui aiment le moins la vie. La mort est la critique ultime de chaque homme. Il faut avoir vécu courageusement pour bien mourir.»
Et protégeons notre nature, préservons la vie sauvage !

Ce roman est un petit chef d'oeuvre !
A savourer sans modération aucune.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Ayant fait la connaissance de Doug Peacock au travers du livre de Rick BassLes derniers Grizzlys”, et étant un ami d'Edward Abbey dont j'ai découvert les récits assez récemment, j'ai eu envie de faire plus ample connaissance.
Il s'agit donc ici d'un recueil de courts récits autobiographiques, avec en fil conducteur celui d'une expédition au Népal où l'auteur a bien cru voir les derniers jours de sa vie.
On retrouvera notamment dans ce recueil, pas mal de textes relatant son amitié avec Ed Abbey, avec le récit de la fin de vie de ce dernier en 1989, et de la virée épique où Doug et trois autres personnes se sont enfuis avec le corps de l'écrivain défenseur de la nature sauvage de l'ouest américain, pour l'enterrer illégalement au milieu du désert en Arizona afin de respecter ses dernières volontés.
Il parle aussi de la brouille qu'il y a eu entre lui et l'écrivain, quand celui-ci avoua s'être inspiré de lui pour le personnage de Hayduke, dans le Gang de la clé à molette, car évidemment, une autre partie de ses récits évoquent avec une certaine force, son expérience comme béret vert en 1967 et 1968 au Vietnam, période pleine de violence qui changera à jamais son avenir et sa vision du monde.
Parmi tant d'autres sujets, on y retrouvera bien sûr quelques rencontres avec les grizzlys, qu'il considérera comme son remède pour affronter le monde, et aussi divers témoignages de son amour pour la nature sauvage, à l'image d'Abbey, par la descente d'une rivière, ou sa traversée en solitaire d'un désert en Arizona servant aussi de champs de tir pour l'aviation américaine.
Au final, une lecture captivante de la vie de ce personnage entier menant une vie en quête de sens, et sur sa difficulté d'entretenir ses relations amoureuses et familiales, alors que le Vietnam déclenche encore une guerre dans sa tête 20 ou 30 ans après l'avoir vécue.
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Doug PEACOCK est une figure hors norme qui, après une expérience traumatisante à la guerre du Vietnam, est parti explorer les grands espaces – Etats-uniens surtout – méconnus de l'humain. Proche ami de Edward ABBEY, il fut son compagnon de randonnées longues et éprouvantes. Dans ce livre à multi facettes, il se dévoile sans fard.

Infirmier au Vietnam durant la guerre tristement célèbre, engagé volontaire dans les Bérets verts fin 1966 pour un an et demi (il restera écorché vif et hanté par cette période), il décide à son retour de se consacrer à la nature sauvage. En 1969, un an après son retour de l'enfer, il rencontre Edward ABBEY, militant éco-saboteur anarchiste lui aussi, de quinze ans son aîné, un ABBEY pour qui « Chacun de nous doit donner un sens à sa vie ».

PEACOCK va voir mourir ABBEY, il va même l'aider en ce sens, il fera partie de l'équipe de très proches qui l'enterreront, illégalement, en plein désert. Il pousse la pudeur jusqu'à ne pas dévoiler le lieu exact de l'inhumation, un voeu de son ami. ABBEY est en quelque sorte le héros malheureux de ce récit de vie, par ailleurs riche en thèmes et en réflexions. ABBEY a marqué PEACOCK à tout jamais, aussi ce dernier lui rend un hommage appuyé, en esquissant une biographie militante de l'écrivain révolutionnaire.

L'intelligence de PEACKOCK l'amène à ne pas tourner en rond, il glisse d'habiles et nombreux éléments autobiographiques. En outre, il connaît parfaitement la Nature, alors autant nous en faire profiter : longues tirades sur la faune, la flore, les espèces d'oiseaux qu'il observe, seul ou avec Edward, lors de ses longs périples, le voyage vire à l'encyclopédie, nécessaire pour comprendre le comportement humain. Comme ABBEY, PEACOCK se sent anarchiste, mais pas de cette image appartenant à l'imaginaire collectif. Lui, il est anar par son individualisme, son isolement, sa volonté de solitude, par son refus du progrès à tout prix, par son autonomie, par sa fusion avec la nature sauvage, à laquelle il s'identifie en la respectant au-delà du possible.

L'Histoire des Etats-Unis est abordée, notamment par le biais d'ancestrales tribus « indiennes », car PEACOCK est passionné par le mode de vie des Autochtones, il en dresse ici un portrait tendre, documenté. Et puis ce roman d'ABBEY, le premier, qu'il voit d'un mauvais oeil, ce « Gang de la clé à molette », où le héros, Hayduke, est le double un poil maladroit et naïf d'un certain PEACOCK Doug jeune. Par ce livre, il découvre des traits de sa personnalité qu'il ignorait, même s'il sait pertinemment que ABBEY l'a volontairement forci, ce trait. Hayduke représente d'ailleurs pour PEACOCK le parfait crétin.

Miné par la vie, désillusionné, PEACOCK entreprend de longues marches pour combattre cet « état de stress post-traumatique officiellement reconnu, syndrome du vétéran, syndrome de déficit d'attention, syndrome de la Tourette marginal, tendance à la dépression, trouble de la personnalité borderline, plus un lourd passé d'alcoolique. Les types dans mon genre ne deviennent pas des maîtres zen ». Pour s'en persuader, il se rend au Népal. Plusieurs chapitres disséminés ici et là en font foi.

ABBEY, malade, et PEACOCK, le camarade à l'oreille attentive mais pas toujours en harmonie, dissertent sur le suicide. Bref moment intense : « Songer au suicide n'est pas la même chose que s'apprêter à le commettre. Ed avait les idées claires sur la question : il approuvait le suicide, même s'il déplorait les dommages collatéraux infligés au survivants ». C'est lorsqu'il se sent au plus mal que PEACOCK convoque la mémoire de ABBEY dans son esprit, c'est ABBEY qui, par sa force colossale, le fait avancer.

Descriptions des animaux (PEACOCK est un spécialiste hors compétition des grizzlys, voir son oeuvre « Mes années grizzly »), des paysages à couper le souffle dans tous les sens du terme, de la flore, détails minéralogiques, point archéologiques (car PEACOCK, en athlète complet, est aussi archéologue à ses heures perdues). Ce bouquin est d'une variété et d'une force redoutables. Retour aux atrocités de la guerre, celles qui ont construit un PEACOCK à la fois combatif et fébrile, radical et sombre, qui ne parvient pas toujours à assumer sa vie de famille (dans ce livre, il revient sur son divorce). C'est un homme cabossé qui se présente devant les paysages majestueux de l'Utah, de l'Arizona, les canyons prodigieux, la terre non souillée par la présence humaine. Mieux que quiconque, il sait décrire ces paysages, une autre immense qualité de ce récit. Nous nous surprenons à chercher sur la toile les photos des montagnes, des canyons dont il nous entretient. Arrêt aux Roches rouges de l'Utah (alors qu'il est recherché par la police), à l'endroit même où ABBEY a rédigé « Désert solitaire ».

Il est évident que, pour la partie biographique de ABBEY, PEACOCK a voulu affiner particulièrement les derniers jours de son pote. Il les évoque avec tendresse et émotion, lui qui l'a suivi jusqu'à son dernier souffle, avant de l'enterrer (avec la dernière lettre qu'il lui a adressé). PEACOCK réalise l'amitié débordante et inestimable qu'il avait pour ABBEY une fois ce dernier mort. Dur avec lui-même, PEACOCK se veut lucide, sans violons ni guimauve. Il ne passe pas sous silence la maladie de son cher Ed, qui se savait condamné à court terme, et qui est allé jusqu'au bout de ses forces, dans un combat inégal et ô combien acharné, avant de s'éteindre au milieu du désert en 1989.

« le gang de la clé à molette » de ABBEY (1975) fut un tournant dans la littérature engagée, se vendant à des dizaines de milliers d'exemplaires et influençant grandement la pensée écologiste (toujours vivante et active aujourd'hui), à la base de la création de l'association Earth First !

Ce texte époustouflant, vrai, est teinté de spiritualité, notamment lorsque PEACOCK découvre les pétroglyphes laissés par de lointains Autochtones, doté d'une puissante introspective et mâtiné de philosophie de vie centrée sur l'essentiel, totalement débarrassée du superflu. L'humilité tient une place prépondérante dans ce texte : « On est ici au coeur des terres sauvages et de la nature, on y est de tout son être. On n'a pas d'autre choix, en ce royaume, que de se fondre dans le flux ancestral de la vie. Ce n'est pas le genre d'endroit où l'on tient à loisir le journal de ses aventures et de son retour aux sources ».

En fin d'ouvrage, PEACOCK entreprend une longue marche en guise d'hommage, une randonnée que ABBEY n'a jadis jamais pu terminer. Il se remémore une fois de plus leur amitié indéfectible, ces deux rebelles évoluant presque main dans la main, ABBEY divorcé trois fois et grognon, ronchon, parvenu au bout du voyage. PEACOCK tourne les pages des carnets d'un ABBEY en fin de vie. Séquence émotion. Car son ami se dévoile, évoque la souffrance physique et la mort prochaine, plusieurs années avant qu'elle le terrasse.

Parallèlement, PEACOCK entreprend la lecture du dernier roman écrit par son vieil ami : « le retour du gang », dans lequel réapparaît Hayduke, son double détesté. Il n'en confie pas un mot, comme pour pudiquement faire comprendre qu'il n'adhère pas à ce personnage.

Publié originellement chez Gallmeister en 2008 dans la somptueuse et malheureusement défunte collection « Nature writing » (à coup sûr l'une des plus belles et savoureuses collections jamais parues en France), ce récit s'intitulait « Une guerre dans la tête », titre peut-être pas si judicieux, vu que la guerre n'est pas si présente en ses pages, n'étant là que pour expliquer la suite, les troubles de la personnalité notamment. Cette réédition, en poche cette fois-ci dans la collection Totem, fraîchement sortie des presses, se nomme plus justement « Marcher vers l'horizon ». Inspiration directe à aller chercher du côté des carnets d'un certain Edward ABBEY qui écrivait : « TRISTE… CONDAMNÉ. Consumé dans l'autoflagellation. Amertume. Dégoût face au monde littéraire, politique, artistique. Ça me donne envie de marcher jusqu'à l'horizon, de trouver un canyon confortable, de m'allonger, de me recroqueviller, de disparaître… ».

À 80 ans, Doug PEACOCK continue à célébrer le souvenir de son vieux pote, son frangin. Deux personnages incontournables du nature writing Etats-Unien, deux esprits libres de cette nature. Ce témoignage possède une force quasi surhumaine, fait partie de ces récits de vie puissants et inoubliables, il est le porte-parole de deux vies de combats, parallèles et complémentaires. Et il nous fait regretter amèrement une fois de plus la disparition de cette collection incontournable de chez Gallmeister. Il est traduit par Camille FORT-CANTONI et se révèle un chef d'oeuvre du genre. À découvrir entre deux livres de Edward ABBEY par exemple, par souci de complémentarité, il est à coup sûr l'une des rééditions fleuve de 2022.

https://deslivresrances.blogspot.com/

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