Et puis la vague est revenue, cette fois d'une étrange douceur
Un peu triste, chaleureuse et bienveillante.
Tout à coup une envie d'embrasser ces gens.
Marcher dans le sable, au milieu des poissons qui étouffent.
Écouter les mères de famille, les cris de dégoût et d'excitation des enfants.
C'était comme si je connaissais ces badauds, ces pêcheurs...
Le poids de leur charge, la fatigue de leurs bras.
Mes amis...
Mes frères.
J'étais fasciné et heureux.
Un vrai crétin.
Ben... Je suis à la retraite depuis deux ans... Mes 70 ans se rapprochent sérieusement... Et je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est un âge que mon père n'a jamais eu. En fait... ...je ne sais pas ce que c'est de devenir vieux.
La vie est grise. Simon Muchat, auteur de bandes dessinées, est en panne d'inspiration et son existence est en perte de sens.
Invité à passer quelques jours au Portugal, il retrouve par hasard ce qu'il n'était pas venu chercher : les odeurs de l'enfance, le chant des rires de vacances, la chaleur lumineuse d'une famille oubliée- peut-être abandonnée.
Quel est le mystère des Muchat? Pourquoi Simon se sent-il nulle part?
Et pourquoi, sans rien comprendre à cette langue étrangère, vibre-t-il à ses accents?
- Les emigrantes, iis ont travaillé, personne ne les a sauvés...
- Je...
- Sim ! Ils ont travaillé ! Des fois comme des chiens ! Ce sont eux qui ont sauvé leurs vies tout seuls comme tous les travailleurs. C'est pas la France. Ils ne doivent rien à la France. Rien.
- Je ne suis pas d'accord. C'est un communiste !
- Quoi communiste ?
- Haha !!
« J'ai écrit à Alessandro, le fils de Teresa... pour qu'il fasse les démarches pour moi auprès de la mairie de Marinha da Costa...
_ C'est qui, "Teresa" ?
_ La nièce de Pépé...
_ Il m'a répondu en m'envoyant des vieilles photos de famille... Je vous les montrerai demain... Mais surtout... il m'a fait une copie du livret de famille des parents de Pépé... Eh bien là-dessus, mes enfants... le nom du père de Pépé est écrit "Mucha", mais sans le "t" à la fin !
_ Ah bon ?? Fais voir ! Ah ouais... Putain, c'est dingue...
_ Visiblement, c'est en arrivant en France qu'un "t" a été ajouté à notre nom. J'imagine que c'est un employé de mairie qui s'est trompé en recopiant le nom de Pépé...
_ Oui, c'est sûrement aussi con que ça... En même temps, ça change pas grand chose...
_ Ben... Je sais pas... Moi, ça m'a toujours fait bizarre d'avoir des parents portugais qui s'appellent "Abel et Maria Muchat"... Là, sans le "t", je sais pas... C'est pas pareil...
_ Moui... Si tu veux... »
« _ Je me demandais si vous étiez de la famille du peintre... ?
_ Malheureusement non. Moi c'est "Muchat" avec un t. »
« Olà !! Ça va mon cousin ??
_ Euh... Salut Alessandro !
_ Peut-être je te réveille ? Je suis désolé, Simon...
_ C'est pas grave... Quelle heure il est ?
_ Sept heures et demie... Ça va ? Tout se passe bien ? Le travail ?
_ Oui... Le travail ça va... À peu près... Sept heures et demie ?? Putain, c'est super tôt...
_ J'avais un rendez-vous ce matin, à 6 heures, pour une Benzedura contre les douleurs de la tête...
_ Une "Benzedura" ?? Ah oui... Le truc des prières... Euh... Tu veux un café ?
_ Não, je fais juste passer... Pour le rendez-vous, j'étais pas loin, 20 kilomètres... Alors je viens ici juste prendre des patates et embrasser mon cousin...
_ Tu as fait 20 kilomètres pour prendre deux kilos de patates ?? »