Citations sur Le Cimetière des bateaux sans nom (67)
De toute manière, les étoiles brillient désormais inutilement sur la mer, car les hommes n'ont plus besoin d'elles pour chercher leur route.
-C'est dommage?
-je ne sais pas si c'est dommage. je sais que c'est triste.
Dans ces conditions, dit-il, le vent apparent s'ajoutait au vent réel, et le brigantin et le chébec devaient voguer à sept ou huit nœuds ; le Dei Gloria avec la brigantine, la grand-voile, les focs et les huniers, les vergues bien brassées sous le vent ; le corsaire avec les voiles latines des mâts de misaine et d'artimon tendues comme des lames de couteau, remontant mieux le vent que sa proie. Tous les deux gîtant fort sur tribord, l'eau envahissant les dalots sous le vent, les timoniers concentrés sur leur barre, les capitaines surveillant sans relâche le vent et la toile, dans une course où le premier qui commettrait une erreur perdrait la partie.
Et les longs et rouges couchers de soleil méditerranéens quand l'eau ressemblait à un miroir, quand la paix du monde et la paix du cœur se rejoignaient, et que l'on comprenait alors qu'on n'était qu'une goutte minuscule dans trois mille ans de mer éternelle.
- Qu'est-ce que tu cherches, chez elle ?
- Je veux compter ses taches de rousseur, Pilote. Tu as vu ? Elle en a des milliers, et je veux les compter toutes, une à une, en les parcourant du doigt comme s'il s'agissait d'une carte marine. Je veux tracer sur elle des routes de bout en bout, jeter l'ancre dans ses anses, brasser sa peau… Tu comprends ?
- Je comprends surtout que tu veux coucher avec elle.
Il la vit là, sans l'avoir entendue arriver, immobile, muette, qui le regardait avec une expression mi-surprise mi-curieuse, aussi irréelle que la première fois. Aussi imprécise qu'une ombre qui aurait été enfermée dans la vitrine, et qui n'aurait pas été elle.
ce que rêve les autres, moi j'ai voulu le faire.
Il existe ainsi, depuis des milliers d'années, depuis avant même que les barques aux flancs ronds ne se lancent sur Troie, des hommes qui ont des plis autour de la bouche et des coeurs pluvieux de novembre – de ceux que leur nature décide tôt ou tard à regarder avec intérêt le trou noir d'un canon de pistolet – pour qui la mer signifie une solution et qui devinent toujours quand vient l'heure d'embarquer.
Peut être sourit-on à la vie de cette manière quand on a quatorze ans, et ensuite le temps se charge de vous figer les lèvres.
... le vent apparent s’ajoutait au vent réel, et le brigantin et le chébec devaient voguer à sept ou huit nœuds ; le Dei Gloria avec la brigantine, la grand-voile, les focs et les huniers, les vergues bien brassées sous le vent ; le corsaire avec les voiles latines des mâts de misaine et d’artimon tendues comme des lames de couteau, remontant mieux le vent que sa proie. Tous les deux gîtant fort sur tribord, l’eau envahissant les dalots sous le vent, les timoniers concentrés sur leur barre, les capitaines surveillant sans relâche le vent et la toile, dans une course où le premier qui commettrait une erreur perdrait la partie.
C'est comme un peintre, ajouta-t-elle, qui porterait un monde sur lui, et tout d'un coup une personne, une phrase, une image fugace, dessineraient tout un tableau dans sa tête.