Costumbres de aquella era
caballeresca y feroz,
en que degollando moros
se glorificaba a Dios.
Mas tal es la historia nuestra:
no es culpa mía si es bárbara;
yo cumplo con advertírselo
a mi pueblo al relatársela.”
José Zorrila, La leyenda del Cid.
Por necesidad batallo
y una vez puesto en la silla
se va ensanchando Castilla
delante de mi caballo.
Mais dans le métier des armes, et pour parer à toute éventualité, le doute doit être considéré comme une certitude.
La voie, construite en grandes dalles,de pierre encore en bon état, avait été foulée au cours des huit ou dix derniers siècles par les légions romaines, les hordes barbares, les armées gothes et les envahisseurs islamiques. Avec son tracé rationnel et droit, ses quelques bornes milliaires encore visibles, c'était là, se dit Ruy Diaz, l'une des artères par lesquelles passait l'histoire des peuples ; même si cela laissait indifférents les hommes poussiéreux et fatigués qui chevauchaient derrière lui, et lui-même. On y progressait plus commodément qu'en pleine campagne, et ils ne cherchaient pas plus loin. C'était tout et, par le Ciel, ce n'était pas rien.
Une bataille perdue, se rappela-t-il, n'était qu'une bataille que l'on croyait perdue.
Du haut de la colline, main en visière sur le bord du heaume, le cavalier fatigué regarda au loin. Le soleil, d'aplomb à cette heure, semblait faire onduler l'air à grande distance, en l'épaississant jusqu'à lui donner une consistance quasi physique.La petite tache sombre de San Hernân ressortait au milieu de la plaine calcinée couleur de paille, et de là montait vers le ciel une colonne de fumée. Elle ne provenait pas de l'enceinte fortifiée, mais de quelque chose situé tout près, sans doute le grenier à grain ou l'étable du monastère.
Peut-être les frères étaient-ils encore en train de se battre, pensa le cavalier.
Il tira sur la bride pour faire tourner son cheval et descendit le flanc du coteau. Les frères de San Hernân, songeait-il en surveillant où l'animal posait les sabots, étaient des hommes vigoureux, habitués à défendre leur peau. Ils n'auraient pas survécu autrement, près de l'unique puits d'eau saine de la région, sur le chemin habituel des incursions de Maures venus du Sud, qui traversaient la rivière en quête de butin, de bétail, d'esclaves et de femmes.
Qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, conclut le cavalier, quand nous arriverons, tout sera fini.
(INCIPIT)
C'est ce qu'avait dit Mutaman avant de sourire et, en fait tout se résumait à cela: vaincre en toute circonstance, parce que pour le chevalier, être défait signifiait être anéanti. Pour lui et ses hommes, compagnie dont l'enseigne était à gages, sans terre et sans souverain prêts à les accueillir, il n'y avait plus d'autre issie que de continuer à aller de l'avant, sans défaillance ni retraite possibles, comme il en avait été de ces Grecs au service d'un roi perse, dont on lui avait raconté l'histoire quand il était enfant. Pour survivre en attendant qu'arrive un jour de Castille le pardon du roi Alphonse, une unique voie s'offrait à lui: passer par les champs de bataille à venir. Prendre des butins sur l'ennemi, tuer pour ne pas mourir. S'il ne mourait pas en tuant.
C’est ainsi que certains ne se trahissent jamais, même si le monde s’effondre autour d’eux. Même au plus noir de la nuit, quand nul ne les voit… Il n’est de loyauté plus indéfectible.
Dans un combat, ce n’est pas tant ce que l’on va faire qui compte, c’est de le faire avec audace et détermination.
Parfois, quand Dieu est d'humeur taquine, il nous châtie en nous accordant ce que nous désirons.