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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'époque à laquelle vécurent Socrate et Platon n'est peut-être pas si différente que ça de la nôtre. Déjà, Socrate se plaignait de la dégradation des moeurs, « tant est grande l'absence d'éducation et de culture où nous en sommes venus ! » Déjà, Socrate souffrait de l'incompréhension de ses pairs. Déjà, la politique se révélait dans ses formes les plus médiocres, asservie à la volonté de puissance des hommes les plus forts, vendue comme pitance de réconfort au peuple qu'il s'agissait de flatter. Cet aspect est encore parfaitement compréhensible pour le lecteur moderne qui comprendra la virulence avec laquelle Socrate combat la rhétorique considérée comme une partie de la flatterie –et si la flatterie fait parfois plaisir, elle n'est pas forcément bonne.


La partie de l'argumentation la plus difficile à saisir pour nos conceptions modernes sera peut-être celle qui consiste à faire comprendre que la flatterie, si elle fait parfois plaisir, n'est pas bonne en soi. Socrate part du principe que le seul bien est la justice, et que ce seul bien est aussi le bon et l'utile. Puisque la flatterie est agréable, ne peut-on pas dire qu'elle est également bonne ? Non, car l'agréable peut naître du mal, alors que le bon ne peut jamais naître du mal. Donc, le bon et l'agréable seraient incompatibles. L'articulation logique semble très claire mais le lecteur moderne doit faire un effort de contextualisation pour comprendre le sens de telles valeurs dans la société grecque antique. Celles-ci n'ont pas une portée immanente qui réduirait leur signification à la sphère des affaires humaines : elles ont aussi une portée transcendante, ainsi qu'elles le sous-entendent lorsque Socrate affirme qu'il est meilleur d'être puni injustement que de punir injustement :


« SOCRATE : L'homme qui se trouve puni subit donc quelque chose de bon.
POLOS : Il semble bien.
SOCRATE : La punition est donc quelque chose qui lui est utile. »


Visiblement, il n'est pas utile à un individu d'être puni pour mieux vivre parmi ses semblables, puisque des hommes déraisonnables peuvent être portés à la gloire et puisqu'il est possible de se disculper lors de procès (et c'est ici que la rhétorique se montre particulièrement venimeuse, lorsqu'elle prétend pouvoir rendre la justice). En revanche, c'est en raison de sa relation avec le divin qu'il lui est bon d'être puni :


« SOCRATE : […] Car personne n'a peur de la mort, si on la prend pour ce qu'elle est, ou alors il faut être incapable de faire le moindre raisonnement et ne pas être vraiment un homme –non, ce qui fait peur, c'est l'idée de n'avoir pas été juste. En effet, si l'âme arrive aux portes de l'Hadès, toute remplie d'injustices, elle se trouvera dans la pire des conditions et souffrira les maux les plus douloureux. »


Socrate critique donc un mauvais emploi de la rhétorique comme outil de flatterie sans aucun rapport avec la justice. Face au constat déplorable qu'il dresse de la situation politique, il lui propose une réforme philosophique. La philosophie est ici conçue non seulement comme discipline mais comme art de vie et fondement des valeurs morales. A terme, elle conduit sur une manière d'être et de penser dont les effets s'étendent au quotidien des hommes comme à l'éternel des dieux.


Si on ne cherche pas à résoudre l'aporie suivante : quelle est la connaissance apte à fonder l'action morale ? il faut reconnaître que l'argumentation du Gorgias est exigeante mais brillante. La pureté reposante du langage prend la forme d'une proposition politique qui calmerait à elle seule déjà bien des maux.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Il était une fois, dans une librairie de petite ville thermale, une pile de Gorgias en pleine dépression entre des piles de périodique de Closer et d'Entrevue. N'écoutant que mon coeur, je tendis ma main sur un exemplaire qui m'accompagne depuis quelque temps déjà. Depuis ce petit livre a parcouru bien du chemin avec moi, saupoudré de la poussière de quelques chemins de traverse.
Ce livre est également sous-titré « de la rhétorique ». C'est un dialogue entre Socrate et différents interlocuteurs successifs dont Gorgias, sophiste qui enseigne l'art de la rhétorique qui est l'art de bien parler et de convaincre. Socrate considère la rhétorique au mieux comme une simple technique du mensonge.
Je me suis particulièrement amusé à lire ce dialogue. En effet, Socrate est perçu comme un cuistre qui nous rabat les oreilles avec sa philosophie. Ses interlocuteurs, sûrs de leur force et de leur supériorité, lui concèdent des réponses avec morgue et condescendance. Socrate, fine mouche, emberlificote son propos de telle manière à ce que son interlocuteur s'accroche au seul fil qu'il trouve pour ne pas se noyer et réponde de plus en plus brièvement pour finalement susurrer un misérable oui ou apporter un triste non.
Tout à son art de la maïeutique, Socrate prouve magistralement son propos par les réponses de plus en plus embarrassées de son contradicteur. Quel bel ouvrage ! Presque aussi beau qu'un mécanisme horloger. Mais tout aussi froid … Et si le coeur n'y est pas, ma conviction s'effiloche …
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Qu'est-ce que la rhétorique? Oui, le dialogue va tourner autours de cette question, mais pas seulement. J'ai littéralement adoré. Les réflexions sont vives, le texte est entraînant, et on est réellement prit dans l'histoire. On s’imagine être à la place de Calliclès et débattre ou être à la place de Socrate. Nous parlons également ici, du beau et du laid, du juste et de l'injuste, de l'injustice, du pouvoir sous plusieurs formes et également de l'âme. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le choix des sujets est très varié.

Pour ce qui est de l'injustice, je n'étais pas d'accord avec Socrate. En effet, celui-ci est persuadé que commettre l'injustice est pire que de la subir. C'est évidemment un point de vue, mais que je trouve assez réducteur et qui aurait dût être plus approfondit. De plus, comme c'était de l'oral à la base que Platon aurait retranscrit par écrit, le dialogue comporte le défaut d'être répétitif. En effet, lors des récapitulations que faisaient Socrate il répétait plusieurs fois ce qui avait déjà été dit précédemment, et cela était gênant pour suivre le raisonnement. C'était comme si on avait été arrêtait en plein milieux pour le reprendre après cette récapitulation.

En conclusion, c'est un dialogue de Platon qui n'est pas parfait, mais qui est entraînant avec du suspens, très bien écrit et qui pourrait se lire en une après-midi. Malgré ses défauts il est absolument incroyable. A lire de toute urgence pour passer un bon moment!
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Les deux précédentes critiques expliquent bien ce livre que j'ai beaucoup aimé, et lu au lycée comme beaucoup d'entre nous. Je ne vais donc pas répéter à nouveau tout ce qui a été dit et vous conseille de les lire.
De mon côté, ce livre m'a vraiment marqué dans le sens où on peut replacer l'art de la rhétorique partout, dans tous les contextes. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallélisme avec la situation politique de l'époque (1996 en ce qui me concerne). Mais encore aujourd'hui, combien de personnes votent pour une personnalité politique qui parvient à les convaincre non pas par ses actions mais par son sens de persuasion, par son vocabulaire ?

Sortons de la politique. Lors d'un entretien, que demande-t-on aux postulants ? Et bien de convaincre le recruteur. Celui qui saura parfaitement se vendre, à convaincre qu'il est le meilleur aura le poste tandis que le timide sera écarté.

Je pense que cet art de la persuasion comme je l'appelle est partout ; dans la séduction, dans le travail, en politique, et souvent dans une salle de tribunal.. à nous de ne pas nous laisser aveugler par du charisme, du vocabulaire, de chasser le superflu pour ne garder que l'essentiel.

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Sa replonger dd temps en temps en Grece antique ne fait pas de mal.Ici nous retrouvons le systeme de dialogue cher a l'auteur entre Socrate et Gorgozs et tous les sujets philosophiques sont abordes dans cette oeuvre.Une oeuvre plus facile a aborder que "la république ",plus longue et abstraite,et de vrais bons passages même si le style a forcément beaucoup vieilli.
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La traduction de Monique Canto Sperber autant que l'introduction sont exceptionnellement claires et instructives
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Le sous-titre « ou sur la rhétorique, ou réfutatif » fait penser que le dialogue va avoir pour but de combattre contre la rhétorique sophistique de Gorgias. En fait, Gorgias n'est pas combattu en lui-même. le sophiste s'efface une fois qu'il a posé ce qu'il appelle rhétorique et qu'il a reconnu le danger de la rhétorique – le mauvais usage qui peut en être fait. Socrate ne conteste ni l'essence de la rhétorique, ni son efficacité de persuasion. Ce qu'il conteste, c'est l'importance qu'on accorde à son usage. En usant de rhétorique, on lutte et on peut vaincre dans la discussion une personne qui aura la science et la raison de son côté. En s'impliquant ainsi dans la politique, on risque plutôt de commettre une injustice. le vrai engagement politique consiste donc à détourner les hommes des croyances et à les diriger vers les sources de savoir. Platon justifie donc le bien-fondé de l'enseignement socratique – la recherche de la connaissance de soi, du monde et du bien par l'échange et la discussion – contre l'enseignement sophistique qui ne se soucie ni du juste ni de l'injuste. On pourrait y voir au passage un signe de la future expulsion des poètes de la République – les poètes et faiseurs d'histoire étant du côté de la croyance (cf. Todorov et sa dichotomie discours de la vérité (sciences) Vs. discours de croyance (littérature), dans Critique de la critique). Toutefois n'y a-t-il pas contradiction quand Socrate use pour convaincre ses interlocuteurs d'histoires et d'images – celle de l'homme qui remplit continuellement un tonneau percé en tentant de satisfaire ses désirs toujours renouvelés ; et le mythe du jugement des âmes après la mort pour montrer qu'il vaut mieux ne pas commettre d'injustice ? Il use ainsi de paraboles poétiques, donc d'une rhétorique. de même que c'est bien par la maîtrise du discours, des exemples, des parallèles, qu'il mène et domine ses réfutateurs – quand bien même on peut dire que c'est la simple avancée de la logique.
On remarque aussi que Platon répond surtout ici à des accusations formulées contre l'enseignement socratique. Platon met ainsi dans la bouche de Calliclès ces reproches sur l'incapacité de Socrate à se défendre (dans un hypothétique procès - procès qui va effectivement condamner Socrate) et sur l'apparente futilité à continuer à philosopher comme un jeune faisant ses classes, à discuter indéfiniment de tout, au lieu d'agir, de chercher à avoir une influence sur la vie politique là où les décisions sont prises. N'est-ce pas une perte pour la démocratie que de voir Socrate ne pas s'être investi dans le combat politique ? Selon ces reproches, la philosophie socratique mène également au malheur puisque le maître se retrouve victime de l'injustice, d'un jugement imbécile.A ces reproches légitimes, Platon veut montrer tout d'abord que le bonheur ne se trouve pas dans la fuite des malheurs et injustices pouvant éventuellement survenir. Si le malheur et l'injustice doivent arriver, comme la mort, ils arriveront de toute façon. le bonheur se trouve davantage dans la satisfaction d'avoir fait le bien autour de soi, d'avoir rendu les hommes autour de soi meilleurs. Or la politique par le combat des rhétoriciens ne consiste pour Platon qu'à se conformer et plaire, à « flatter ». La rhétorique provoque donc des disputes stériles où celui qui gagne n'est pas celui qui a raison mais celui qui parle mieux.
La vraie politique n'est pas dans l'arène politique. Elle serait plutôt dans l'enseignement et dans l'apprentissage tout au long de la vie. Platon cherche donc à détourner les hommes de cette lutte futile. La vraie politique étant l'influence quotidienne qu'il exerce sur les hommes et femmes par le dialogue.
On pourra cependant rétorquer que si la rhétorique est qualifiée de flatterie inutile puisqu'elle ne traite pas du bien et du mal, elle est en réalité très importante et très utile, pas pour le combat politique, mais justement pour l'enseignement. Illustrer, bien parler, démonter les croyances et idées infondées et erronées qui se dissimulent dans les discours, se répètent et se présentent comme dogmes, c'est tout un art de manipulation de la parole, pas seulement une démonstration logique. Sinon, Platon ne mettrait pas dans la bouche de Socrate de belles métaphores qui ont pour but, non pas d'argumenter, mais bien d'illustrer, d'adoucir la violence de la démonstration sur les croyances de ses interlocuteurs. À l'instar de nombreux personnages d'interlocuteurs de Socrate, Polos et Calliclès sont écoeurés de l'avancée logique : ils se font amers, vexés, ne participent plus à la discussion. C'est là où la rhétorique entre en scène, pour soutenir la science qui ne suffit pas.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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J'ai commencé le livre, version édition classiques "livre de poche", traduit et commenté par : Jacques Cazeaux. Outre les notes de bas de page (déja copieuses), il y a un commentaire d'à peu prés 140 pages. Mais ces commentaires et notes sont compliquées, difficiles à lire (j'ai renoncé à finir le commentaire) . même la traduction a des fois, des formes difficiles à comprendre (sans mentionner des adaptations, surtout une "mise à jour" des expressions, quoique l'original est signalé en note).
Alors j'ai trouvé sur le site remacle.org, une traduction de Victor Cousin, qui a l'avantage d'être plus facile à lire; plus compacte, quoiqu' il n'y a pas assez de notes explicatives. le commentaire de Cousin est plus accessible et moins pédant.

Je pense qu'il est assez difficile d'évaluer ce livre, cela nécessite plusieurs autres lectures, une méditation approfondie de chacune des idées. Il est vrai que des fois nous avons l'impression que Socrate lui-même s'adonne à de la rhétorique, et à des approximations. Mais il reste que Socrate (et Platon) a une vision individualiste de la moralité, où la conscience tient lieu de jury, et où la justice est absolue et non relative, ce qui retire aux procédés rhétoriques de persuasion toute utilité.
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