[Chronique]
« S'il te bat, c'est qu'il t'aime » - Proverbe russe
C'est ainsi que s'ouvre « Trois soeurs » de
Laura Poggioli chez les éditions Iconoclaste
Ce proverbe donne le ton d'une réalité méconnue: le fléau des violences conjugales en Russie.
Un pays qui s'appuie sur ce proverbe ne peut évidemment pas faire face à cette réalité comme il le devrait.
Les violences conjugales ont récemment été dépénalisées là bas, passibles désormais d'une amende, au même titre qu'un excès de vitesse.
C'est dans ce contexte que s'inscrit l'histoire des trois soeurs Khatchatourian: Krestina, Angelina et Maria.
Jugées pour avoir tué leur père, Mikhaïl.
Ce père qui ne leur a imposé que violence. Violence verbale, physique, psychique, sexuelle.
Depuis leur enfance jusqu'au début de leur âge adulte. Une violence qui se limitait d'abord à leur mère, qui était omniprésente, constante, gratuite.
Puis qui s'est finalement déplacée sur elles.
Une affaire qui a fait le tour des médias, mettant sur la place publique ce que les foyers russes tentent de conserver chez eux. En Russie, on lave le linge sale chez soi, à l'abri des regards.
En parallèle de cette histoire, l'autrice nous partage son rapport à ce pays, sa culture, l'amour qu'elle lui porte. Son rapport à l'amour, aux hommes aussi.
Certains passages font écho à l'histoire des trois soeurs. A cette mentalité fermée, au rôle prédominant de l'homme, du patriarche qui a tous les droits et tous les pouvoirs. Certains sont plus personnels et m'ont hélas un peu éloignée du récit.
Récit glaçant, écoeurant, mais qui méritant d'exister. Pour dire, pour raconter, pour témoigner.
Pour libérer la parole, même dans ce pays où les libertés individuelles sont de plus en plus foulées aux pieds.
Aviez-vous entendu parler de cette histoire?
Ce livre vous donne-t-il envie de le découvrir?