« La rapidité avec laquelle les médias russes ont repris le titre de la pièce de
Tchekhov pour parler des
trois soeurs Khatchatourian prouve que leur histoire dépasse de loin le fait divers: elle donne à voir la société russe du début du XXIe siècle, les failles de ses lois, de sa police, de son système juridique. L'affaire questionne la place des femmes et continuera, je l'espère, à la transformer. »
Trois soeurs,
Laura Poggioli @laurapoggioli_ @ed_iconoclaste
Ce roman relate l'histoire vraie de ces
trois soeurs russes qui ont assassiné leur père en 2018, après de trop nombreuses années de violence physique et psychologique, mais aussi d'abus sexuels…
« Dix ans de coups, quatorze ans de harcèlement… Quand il a expulsé maman, il y a trois ans, tout est devenu plus terrible encore, il nous donnait des ordres, il nous empêchait d'aller à l'école. Il prenait des comprimés psychotropes et il devenait de plus en plus agressif. Trois jours avant ce qui s'est passé, il était à l'hôpital psychiatrique, il était resté là-bas presque un mois. »
Au-delà de l'histoire terrible de ces jeunes filles, l'autrice aborde aussi son expérience personnelle à Moscou, la relation qu'elle y a vécue avec un jeune Russe lorsqu'elle était étudiante…
« Mitia me volait, me mentait, me tapait, et moi je restais. J'étais sûre qu'il allait changer, redevenir mon prince russe, mon ange blond, je ne pouvais pas m'être trompée. Ses insultes résonnaient, je les entendais, je les comprenais… »
Ce qui m'a le plus frappée, au-delà du sort tragique des
trois soeurs, c'est le traitement réservé aux femmes en Russie, respectées dans la sphère publique mais trop souvent maltraitées, bafouées, asservies dans la cellule familiale!
« Dans cette Russie où j'habitais alors, la sécurité que je ressentais dans l'espace public différait en tout point de la violence que je vivais de plus en plus souvent avec le garçon que j'aimais. On ne parlait pas de ce qui se passait au sein du foyer une fois les portes de l'appartement refermées, il existait une frontière étanche entre la sphère familiale, où les violences étaient communes, et l'espace public au sein duquel les femmes n'étaient que peu agressées. »
Bien sûr les différences d'une culture peuvent nous choquer à l'aune de nos références et des normes qui sont les nôtres, mais la normalisation d'une certaine forme de violence peut nous paraître à nous, Européennes, par trop déplacée!
« En Russie, il y avait ce proverbe qui disait « Biot - znatchit lioubit - s'il te bat, c'est qu'il t'aime. » et les proverbes, c'est comme le passé: quand on ne sait plus où on va, on s'y agrippe pour se persuader qu'on est du bon côté. »
Ce roman est bouleversant, tant au niveau du récit qu'au niveau de la mise en lumière d'une culture qui doit encore faire du chemin au niveaux du respect des femmes.
« « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l'est à sa façon. » Je connaissais la phrase liminaire d'Ana Karenine par coeur depuis l'adolescence mais j'en mesurais maintenant la portée. »