Ça béguine bien, ça finit mal
Allons, bon ! Encore un livre qui surfe sur le sujet à la mode de la domination du mâle blanc hétérosexuel qui opprime la planète à coups de barbecue tout en trucidant ses compagnes à coup de SUV…Me disais-je à la réception de ce «
Femme portant un fusil ».
Je reconnais que l'exploitation sans vergogne de la réellement triste condition féminine aux avancées trop lentes, par une meute d'opportunistes délivrant un prêchi-prêcha approximatif à coups de sorcières et d'éco-féminicide, me fatigue.
Je trouve qu'être passé de
Jean-Jacques (oui, on sait, ses enfants abandonnés…) à Sandrine, est un beau symbole et que l'intersection comme voie, ressemble plutôt à une impasse.
Mais j'avais tort et en dépit de ces préventions, j'ai beaucoup aimé ce livre.
Claude (le prénom n'est sans doute pas si neutre) connait une quarantaine difficile. Privée d'envie, assommée d'ennui. Elle est en crise.
La lecture de «
La Nuit des béguines » d'
Aline Kiner conjuguée à la découverte d'une annonce immobilière proposant un petit hameau en ruines dans le Tarn, va lui donner un but à nouveau.
La rencontre avec d'autres femmes séduites par le projet d'une communauté de femmes permettra sa réalisation.
Mais ces nouvelles béguines peineront elles aussi à trouver la paix et devront répondre à la violence qui leur est faite pour conserver leur liberté.
Après sa vision de l'invisibilité des femmes avec «
La femme périphérique », roman plutôt prometteur,
Sophie Pointurier évoque cette fois, la violence faite aux femmes et l'incompréhension d'une forme de résistance.
Le récit n'est pas aussi caricatural qu'on aurait pu le craindre tant la réflexion est conduite avec intelligence et oui, il faut le dire, avec humour !
Car, pour revenir à mon propos introductif, le personnage de Claude est loin d'être (trop) caricatural et ne tombe pas dans l'adoption béate de certains poncifs. Elle n'est pas forcément d'accord avec le verbiage « de cette littérature qui transforme les librairies en pharmacies ésotériques », mais elle essaye, apprend, cherche à ne blesser personne. Comme elle a eu un fils, elle s'oblige « à regarder de l'autre côté tout en ne perdant pas son angle ».
Mais cette tolérance benoite ne résiste pas à l'agression et Claude va courageusement choisir son camp, celui de la deuxième moitié du monde subissant tous les jours les assauts de la « misogynie décomplexée », et rendre les coups.
Le message passe, avec subtilité. le style de Sophie Tondurier est alerte, l'écriture est soignée. Dommage que comme 90% des romans aujourd'hui, la construction adopte le procédé du retour en arrière usé jusqu'à la corde…
Un roman que certains pourront trouver trop tiède dans son traitement, ne serait-ce qu'au regard de la scandaleuse inaction face aux féminicides. Mais parfois, le bruit et la fureur ne sont pas l'unique solution.
Merci à Babelio et Masse critique.