Les chevaux du Pech Merle

“Aucune connaissance de soi ne peut se développer sans un détour par les symboles, et c'est en se racontant ces histoires sacrées, sur un mode personnel, que l'on en vient à savoir qui l'on est réellement. Ce processus où l'on se révèle à soi-même n'est autre que cultiver la subjectivité.” (p53 "Le souffle ardent de la dakini" de Judith Simmer-Brown)

Quelle qualité de subjectivité les peintres de la grotte du Pech Merle expérimentaient-ils ? Les peintures rupestres sont-elles le signe apparent de la naissance de cette vie intérieure qui caractérise l'être humain ? Joël Polomski s'essaye à entrer en résonance avec les parois de la grotte du Pech Merle et son voyage est habité d'une grande force d'évocation. Tracés et tons ocres ondulent sur les pages comme ils le font sur la pierre. Ses sens ont capté la portée chamanique de l'endroit et ses mains en rendent la vibration. L'histoire qui chemine dans les prairies herbeuses et tisse le fil des cases est très romanesque, elle est un peu passée au second plan dans mon expérience de lecture.

Cette BD en format (32cm x 25) est d'une haute qualité d'impression, et c'est un ouvrage bien particulier dans sa catégorie.
Présenté par un professeur en préhistoire*, ce qui est raconté ici et donné à voir sous la forme d'une “bande dessinée”, bien que relevant de la fiction, n'a absolument rien de fantaisiste ! En outre, Joël Polomski maîtrise fort bien l'art graphique de la préhistoire paléolithique.
La grotte du Pech Merle, non loin de Cahors, est elle-même une superbe réalité, dans une région très belle où j'ai vécu plusieurs années.
Le style graphique épuré et dépouillé renvoie un écho poignant et puissant de la vie nomade rude de nos ancêtres en ces contrées, d'environ 31 000 à 22 000 ans avant nos jours présents.
Ces temps de la vie des hommes étaient en cette région, plus ou moins comme ailleurs, une époque où l'humain avait tout juste “la permission de vivre”, et cette force transparaît dans cet ouvrage.
Au-delà de la narration des vicissitudes des personnages, dont le “héros” se nomme Gabir, le sujet héroïque est bien le Gravettien, faciès culturel préhistorique appartenant au Paléolithique supérieur européen. C'est cet art, la culture dont il est issu, qui transcende le cadre de cette BD ; elle en devient messagère de nos anciens, du monde dans lequel ils vivaient, de la façon dont ils le comprenaient et s'y intégraient pour y participer pleinement, dépassant les douleurs d'un vivre toujours aléatoire dans une signifiance profondément vécue !
En parcourant ces pages au fil des plans dessinés, se profile ce questionnement : quels liens privilégiés avaient nos ancêtres avec l'omniprésence d'une nature à l'état brut, avec cette beauté sauvage grandiose ? Quels langages secrets les animaient pour établir la juste communication avec cet environnent farouche, dont-ils dépendaient entièrement ?
Avez-vous jamais tenu une « goutte de roche »** dans la paume de votre main ? J'avoue humblement avoir dérogé “à la règle”, car certaines m'accompagnent toujours, où que j'aille, et je dors souvent avec ! En effet, partout où je vais, je veux rester en contact avec le sein de l'eau de la terre, notre origine matricielle … !
Que “l'esprit des fougueux” nous portent au loin vers la vastitude des profondeurs de notre humanité !
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* (Jacques Jaubert de l'Université de Bordeaux)
** (p. 55)
Lien : http://www.versautrechose.fr/