Les femmes d’Ulysse
Ô reste, ne me quitte pas, toi que j’ai quitté.
p.92
Ma mère, cette inconnue.
Entre elle et moi, le premier malentendu, le premier de mes rendez-vous manqués, à l'origine de tous les autres.
"C'est vrai, je suis un polygame, mais un polygame fidèle" sans qu'on sache trop s'il se considérait comme fidèle à lui-même ou à sa femme.
On y tient à son identité, fût-elle pour une part factice. On peut bien rêver de devenir un autre mais à condition de demeurer soi !
Il ne se reconnaissait pas : "Qu'est-ce qui m'arrive ? Ce n'est pas moi, ça ! "
Je ne le reconnaissais pas davantage : "Ça ne lui ressemble pas, ce n'est plus lui. C'est un autre homme." Suivait l'interrogation : "À moins que ce ne soit lui, enfin ?"
À moins que le secret ne réside dans la femme elle-même. Un secret inaccessible qui ne cesse de se dérober.
La Nature ignore le bavardage insipide des humains, mais elle parle à qui consent à l'entendre.
S'éloigner, se retrouver. Rompre, se chercher, se perdre, rompre à nouveau. Fuir pour respirer, souffrir de l'absence. Toute leur histoire tient dans ces alternances [...]. Ils sont deux. L'unité est impossible. [...] Ils souffrent de ne pouvoir ni s'admettre ni s'oublier.
[L]a passion n'est pas un amour exacerbé [...]. Elle exige la possession de l'autre tout en la sachant impossible et elle ignore qu'en retour elle fait de vous un possédé.
Pas besoin d'avoir été effectivement abandonné pour sentir qu'une mère, même attentive, peut être absente, ailleurs, [...ou] absente à elle-même.