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EAN : 9789463104043
215 pages
Pelckmans (18/05/2019)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :

Lorsque l'Allemagne nazie a envahi la Belgique en 1940, une partie des diamantaires anversois s'est sauvée à Cuba.
Dans cet ouvrage, Herman Portocarero, ambassadeur belge à Cuba de 1995 à 2000 et en 2012 représentant de l'Union européenne à La Havane, reconstruit l'histoire de cette diaspora juive du diamant. Leur départ, leur adaptation à une toute autre réalité et ce qu'ils sont finalement devenus.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

+++++++ LA DIASPORA DU DIAMANT +++++++

L'auteur, qui a résidé une dizaine d'années comme ambassadeur de Belgique et puis de l'Union européenne (le Service Européen pour l'Action extérieure - SEAE - de Federica Mogherini) à Cuba, connaît La Havane comme sa poche. Un beau jour de 2014, il décide d'aller visiter cependant le cimetière juif de la capitale cubaine et découvre une tombe où, après un texte en Yiddish, est marqué en caractères latins le nom de sa propre ville natale : Anvers ! du coup, Herman Portocarero s'est lancé dans la recherche d'une histoire peu connue : celle de la diaspora des Juifs anversois actifs dans le secteur des diamants.

La tombe est celle d'un dénommé Josef Schindelheim, mort à La Havane le 17 février 1943 et né à Sokolów Malopolski, 300 kilomètres au sud-est de Varsovie, en 1870. Entre ces 2 villes et dates, ll a vécu comme tailleur de diamant à Anvers.

Beaucoup de gens pensent que les Juifs et les diamants c'est une simple histoire de gros sous. En fait, comme l'explique l'auteur, le diamant, à cause de sa grande valeur, faible poids et dimensions minuscules, a constitué pour les Juifs persécutés et victimes des pogroms russes et polonais, une espèce d'assurance-vie. C'est en vendant leurs diamants, dans lesquels ils avaient investi leurs biens, qu'ils ont financé dans un premier temps leur voyage d'Europe de l'est chez nous et dans un deuxième temps, soit leur installation chez nous, soit leur ticket de bateau pour le nouveau monde. Comme but final de leur exil ou port d'escale et de passage, Anvers était fort apprécié par les "Ostjuden", les Juifs Ashkénazes de l'Est. C'est le parcours effectué, en somme, par les Schindelheim.

La fameuse compagnie de navigation maritime "Red Star Line" a transporté tellement des Juifs d'Anvers vers Ellis Island, la porte d'accès aux États-Unis, qu'il existe à Anvers un musée dédié à ces voyageurs, situé près de la rivière Escaut, au n° 3 de la Montevideostraat. D'ailleurs Herman Portocarero, lorsqu'il était consul belge à New York, a, ensemble avec la famille Griscom, propriétaire de la Red Star Line, assuré l'ouverture d'un musée similaire à Philadelphie.
Il y a un autre musée intéressant dans ce contexte, le Musée van Mieghem, à quelques pas de la cathédrale Notre-Dame (Ernest van Dijckkaai 9). Ce musée compte plus de 200 oeuvres du peintre impressionniste Eugeen van Mieghem (1875-1930), qui a consacré ses talents artistiques à ces pauvres migrants. le conservateur du Musée, Erwin Joos, en a publié un ouvrage richement illustré en 2009 et un petit livre avec le titre significatif "Antwerp New York" en 2006.

À fur et à mesure que les lois d'immigration tournaient de plus en plus restrictives aux États-Unis, Cuba devenait progressivement un port d'escale et d'attente de plus en plus recherché par les réfugiés. En Yiddish, l'île fut même baptisé "Akshanie Kuba" ou Hôtel Cuba. Les quotas américains d'immigration, introduits en 1926 et appliqués sur les Juifs, avaient comme effet que pour les réfugiés juifs la moyenne de durée d'attente d'un visa était de 7 ans.

Dans ma critique du livre de Yaël Hassan "J'ai fui l'Allemagne nazie" du 23 mai 2019, j'ai soulève le drame du paquebot Saint-Louis avec presque mille Juifs à bord, qui a été obligé, en 1939, de retourner en Europe avec ses réfugiés, sauf 30 qui ont réussi à s'établir à Cuba. Ni les États-Unis, ni le Canada, n'ont voulu les accepter !

Dans les impressionnantes archives du YIVO ("Yiddischer Visnschaftlikher Institut" ou institut scientifique juif) créé en 1925 à Wilno (l'actuel Vilnius en Lituanie), aujourd'hui à Manhattan, New York, l'archiviste Leizer Ran avait établi une liste des réfugiés ashkénazes arrivés à La Havane en 1941-1942. Cette liste a conduit l'auteur à des Juifs anversois, comme par exemple Felicia Rosshandler, née en 1930 à Berlin, réfugiée à Anvers et débarqué du paquebot Magallanes en juillet 1941 à La Havane avec sa famille. Pour la petite Felicia l'arrivée au port cubain signifiait une "explosion de couleurs" comparable à "la modification brutale d'une production noire et blanche en technicolor". Son père, par contre, avait un moment de doutes lorsqu'il voyait les pauvres mômes nus plonger dans l'eau sale de la baie et le grand nombre de "Habaneros" à la peau foncée assurer les besognes ingrates, parlant une langue incompréhensible, le "Chavacano" ou l'Espagnol cubain de rue.

Felicia Rosshandler, qui vit avec l'auteur cubain, Edmundo Desnoes, a écrit en 1983 un roman autobiographique "Passing Through Havana : A Novel of a Wartime Girlhood in the Caribbean" (ou : en passant par La Havane, roman du temps de guerre d'une jeune fille dans les Caraïbes).

Un personnage fort renommé est sûrement Maurice Tempelsman, né en 1929 dans une famille juive orthodoxe d'Anvers, qui a émigré avec sa famille aux États-Unis en 1940 et qui est maintenant probablement le plus grand négociant en diamants du monde. de 1980 jusqu'à sa mort en 1994, il a vécu avec Jacqueline Kennedy-Onassis.

Sur initiative et sous contrôle des États-Unis, jusqu'à 20 entreprises de diamant furent créées durant la 2e guerre mondiale à Cuba, employant jusqu'à 2000 travailleurs. le Président (dictateur), Fulgencio Batista (1901-1973) qui sera chassé par Fidel Castro en 1959, exigeait que la moitié des jobs fussent occupés par des citoyens cubains.
La toute première compagnie cubaine de diamants ("Primera Industria Cubana de Diamantes S.A.") fut créé par les Juifs anversois Rechtsschaffen, Krakowski et Frankenthal.

Guidé par la liste de Ran, qui comptait 1200 noms et adresses, Herman Portocarero a pu repérer ainsi un dixième des à-peu-près 12.000 réfugiés juifs qui ont débarqué sur l'île durant la période concernée. Les noms de famille ne laissent pas planer de doutes sur leur origine : Eisenberger, Spiegel, Kohn, Schweitzer, Freriks, etc. C'est fascinant de lire ce que ces exilés et leurs rejetons sont devenus sous les tropiques.

Ce n'était évidemment pas si simple pour s'intégrer à la population de la capitale cubaine, où très pauvres et très riches vivaient largement dans des communautés séparées. En effet, la distance entre un nouveau riche baron du sucre, appartenant à la "sacharocrácia" - après l'explosion du prix mondial du sucre à cause de la guerre - et un intellectuel hassidique était assez considérable.

L'auteur mentionne les 3 routes principales d'évasion : 1) en passant par Istanbul pour aller à Jérusalem et aidés en cela par le nonce apostolique dans cette ville, Monseigneur Roncali (le futur pape Jean XXIII), c'était essentiellement des Juifs séfarades, surnommés "los Turcos" ; 2) à travers la Suisse - de Genève 1563 Juifs ont réussi à joindre Marseille et 3) en traversant l'Atlantique, munis de papiers fournis par le consul portugais à Bordeaux, Aristide de Sousa Mendes (1885-1954), qui a délivré plusieurs milliers de visas.

Le tout premier livre que j'ai lu de cet auteur, né en 1952 à Anvers, a été en 1985 son chef d'oeuvre littéraire "Het anagram van de wereld" (l'anagramme du monde), un haut fait dans l'histoire de la littérature néerlandophone.

J'espère que son excellence Portocarero utilisera sa grande influence pour assurer une version française de cet ouvrage à la fois instructif et captivant, qui m'a extraordinairement plu. En attendant chers amis, essayez de ce millepatte culturel, qui crée aussi de la musique et des scénarios de films, ses mémoires immédiates "Nuits cubaines" de 2000 en Français ou en Anglais son remarquable "Havana Without Makeup : Inside the Soul of the City" (La Havane sans maquillage/à l'intérieur de l'âme de la ville) de 2017.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
" Le diamant était une assurance-vie pour des gens en fuite. "

(page 29).

C'est ce qui explique l'essor de la ville et du port d'Anvers après les pogroms russes et polonais qui ont incité de nombreux Juifs de l'Est de soit s'y établir, soit d'y acheter un passage en bateau aux États-Unis.
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