Citations sur Spinoza encule Hegel (24)
Nous entendîmes alors le ronflement du moteur du Canadair, au loin. Il rasait les arrondissements. Momo riait nerveusement. L'avion passa au-dessus de nous en vrombissant, et largua ses trois mille litres de peinture rose sur le Sacré-Cœur. Le plan du siècle. Quelle jouissance! L'appareil tourna une fois autour de l'église réactionnaire et disparut vers l'ouest. Momo et moi passâmes deux heures extra-humaines à voir le soleil couchant éclairer de ses feux de plus en plus maigres la meringue maléfique qui trônait au-dessus de Paris.
Le Salariat revenait à grands pas. L'homme était une poule pour l'homme. Je me suis alors remis au travail. A la Radio. J'ai réécrit les informations diverses et les papiers que l'on me donnait. Après, c'était diffusé et déclamé, avec une voix qui en disait long, par un ancien spécialiste du doublage des films d'horreur. (...) J'ai donc travaillé dans l'adverbe conséquent et l'adjectif terrifiant. A chacun son boulot. Il n'y a pas de sots métiers, il n'y a que des sautes d'humeur. Proverbe.
(p. 26)
Je ne veux plus avoir à me trouver une couverture, un travail ou une occupation. Je ne veux plus quémander, je ne veux plus attendre des remerciements de fin de mois, de fin de carrière, de fin de vie. Être con trois cent soixante jours par an et être remercié de l'avoir été.
Le soleil s'est levé, lentement, rosifiant la campagne. Je ne trouvai pas cela beau et émouvant. Cet astre de merde réchauffait tout, alors que le monde ressemblait à une énorme clinique. Le petit matin glacial était plus approprié et évoquait nettement mieux tout ce côté carreau de faïence surgelée qu'était devenue la vie. Cet été était un faux été, empli de morts sourdes, de maladies incurables, de haine et de suspicion.
Moi, j'étais bien, mon maigre pouvoir me suffisait, mon parti pris esthétique me conduisait tout droit vers une mort définitive mais acceptée en tant que telle. Dieu mourrait effectivement avec moi.
La descente dans le Sud a toujours connoté le voyage vers le plaisir et l'éclatement ; la remontée vers le Nord, elle, a toujours signifié l'ascèse et le recherche de la solitude mystique.
Je ne vais pas revenir à Paris, pour être complice de la reprise. Je ne veux plus avoir à me trouver une couverture, un travail ou une occupation. Je ne veux plus quémander, je ne veux plus attendre des remerciements de fin de mois, de fin de carrière, de fin de vie. Être con trois cent soixante jours par an et être remercié de l'avoir été.
P. 111
Sur la chaussée, le va-nu-pieds me dit : — La poésie est la plus grande des stratégies !
Au bout de quelques années, le mois de Mai et ses mythes récurrents étaient devenus un terrain de jeu assez similaire à celui où devait évoluer Mad Max, au même instant concocté dans le bush australien. Le film est sorti avant que ce texte ne soit publié, ce qui a motivé quelques commentaires acerbes de la part de mon directeur de collection (il aurait fallu, d’après lui, que je sodomisasse tout être m’accusant de plagiat)
Le monde est, à présent, un garage. Des mécanos attitrés remettent tout en marche. Tout. La bêtise, l'avidité, le travail, la violence des forts, l'esthétique, Dieu, Marx ou Baudrillard. Conneries que tout ça. Conneries qui nous remettent au bord du gouffre.
P. 110-111
Nous avons attaché Momo sur sa moto, pantin grisâtre, car sa vie le quittait, personnage puissamment évocateur, car il voyait la mort et vivait avec elle. Une fois sanglé, il devenait également érotique, dans une sorte d'attirail sado-maso, prêt à l'acte, dans son aura de pulsion de mort. Prêt pour le grand éclatement.