D'abord, un grand merci à l'équipe Babelio et aux éditions Calmann Levy pour leur confiance à l'occasion de la masse critique Non Fiction. Je ne connaissais pas
L Histoire des Niveleurs ni la démocratie qu'ils avaient imaginés. Une démocratie basée sur le tirage au sort parmi les citoyens ainsi qu'une évolution des moeurs vers une société horizontale (coopérative, plus solidaire) avait de quoi attiser ma curiosité.
Les projets de renouvellement de la démocratie sont aussi nombreux que difficiles à mettre en place. Les points abordés vont de la démocratie participative, au tirage au sort, à la reconquête de la confiance bafouée des citoyens, à un nouveau système éducatif horizontal (au lieu du dominant vertical actuel), des assemblées citoyennes régionales, nationales et européennes, à la création de nouvelles institutions internationales pour remplacer les obsolètes face aux défis de la fin de la mondialisation (et prions pour que cela ne soit pas l'excuse toute faites d'une nouvelle guerre), sans oublier l'élaboration de nouvelles lois et d'institutions neutres pour superviser et veiller à leur bonne application… Bref, on n'est pas sorti de l'auberge.
L'Histoire des Niveleurs était très intéressante. Leur origine, les principes qu'ils défendaient, les trahisons et fourberies qui ont empêché cet « Accord du peuple » vers une véritable démocratie, déjouée par l'élite dont nous héritons les vestiges moisis.
Il ressort de ce livre un fort parfum de nationalisme. La France a un grand rôle à jouer dans cette nouvelle démocratie. Elle devra être l'exemple, la pionnière, la sauveuse de cette Europe qui se meurt sous les conséquences d'une mondialisation débridée et des endettements qui en découlent et n'en finissent point.
Si les auteurs reconnaissent que la mondialisation n'est pas sans défaut, il ne semble pas être question d'arrêter de commercer et d'échanger à travers le monde, et surtout pas entre membres européens ! L'Europe au contraire doit se relever de ces épreuves et rivaliser avec les autres puissances mondiales. Une approche très verticale prônée par des réformes horizontales…
Ainsi, l'avenir ne devrait plus être ce monde mondialisé dirigé par les entreprises multinationales, les consommateurs et les marchés, mais un monde multipolaire où les lois, réformes et consensus devraient venir du bas de la pyramide, en d'autres termes, du peuple.
Le principe est honorable, inspirant même, et je rejoins la plupart des arguments développés. La démocratie élective est révolue depuis longtemps. Cependant une question demeure : Quel poids auront nos valeurs, nos délibérations, nos projets portés à nos gouvernements quand ils feront face aux intérêts et profits insatiables de ceux qui dominent les marchés, nos institutions, nos États et nos lois ?
Les changements évoqués semblent superficiels et bien trop tournés sur l'hypothèse qu'il suffirait au peuple de participer aux décisions politiques pour que sa confiance s'intègre d'elle-même. La confiance n'est pas perdue parce que l'on ne nous donne pas la parole, mais parce qu'elle n'est pas prise en compte.
Ce problème de verticalité est le noeud du problème (sans compter la mauvaise répartition des richesses qui exacerbe les inégalités, entre autres joyeuses discussions). J'aimerais voir de mon vivant une telle démocratie… cependant je doute qu'elle voit le jour ou ne survive longtemps tant que la question des inégalités ne sera pas résolue.
Si j'ai trouvé les approches et les solutions intéressantes sur le papier, des points autrement gênants dans leur concrétisation ont été omis, ce qui renforce ce sentiment de naïveté acquise. Cette démocratie délibérative et participative se veut par le peuple, pour le peuple. Il s'agit de l'impliquer dans les décisions du pays qui concernent son avenir. Je respecte ce principe. Mais ce serait oublier que donner voix au peuple ne signifie pas pouvoir au peuple, s'il n'a pas le dernier mot. Tant que l'argent prévaudra sur la vie humaine, cette démocratie du peuple restera une promesse qui n'engage que ceux y croient.
Si l'une des solutions consiste à créer de nouvelles institutions budgétaires indépendantes (Voyez-vous déjà le souci de mettre budget et indépendance l'un à côté de l'autre ?) qui collaboreront avec les États-nations, les villes mondiales intelligentes et les grandes entreprises, je ne vois pas en quoi nous ne nous déchargeons pas à nouveau de notre pouvoir d'agir aux élites, exactement comme nos prédécesseurs.
On ne peut ni collaborer, ni faire entendre raison ou nos droits, à ceux qui nous asservissent.
Voilà ma première ligne de ce nouvel Accord du Peuple.