Après
L'île des âmes, un nouveau volume de la série des enquêtes sardes " que nous devons à la plume de Pulixi.
Mais malgré les points communs (la Sardaigne, bien sûr, et le duo d'enquêtrices mal assorties et cependant tellement proches l'une de l'autre, ce topos de la littérature policière), les différences l'emportent sans doute sur les ressemblances. Si Eva et Maria restent égales à elles même (et toujours affligées du secret douloureux qui (les) fait languir" comme tout enquêteur qui se respecte (il en est de même pour leur nouveau partenaire, le vice -questeur Strega d'aujourd'hui, tout bon policier de fiction se doit d'avoir un passé douloureux (rupture amoureuse, parents dysfonctionnels, deuil tragique (un enfant de préférence, mais un conjoint fera l'affaire , tout cela pouvant se combiner), qui, outre la profondeur psychologique que cela lui confère, est bien utile pour l'auteur dans les moments de baisse de la tension dramatique - où est le bon temps du commissaire Maigret, qui n'avait pas de pire préoccupation existentielle que de rentrer à temps pour le dîner afin de ne pas faire attendre la blanquette que son épouse lui avait amoureusement préparée ? Mais ça c'était avant...) -ouf, je ne me suis pas trompé dans la concordance de mes parenthèse -, la Sardaigne, elle,, n'est "ni tout à fait la même ni tout à fait une autre" ( encore une citation, j'ai dû abuser de
Baudelaire ces temps ci)
Donc la Sardaigne. Si elle n'a rien perdu de son charme, il est moins sensible que dans
L'île des âmes, où il été merveilleusement peint dans une prose inspirée digne des Georgiques,on il est moins sensible ici. L'action nous transporte de la Barbagia, cette quintessence de de la Sardaigne encore plongée dans la magie des origines, à Cagliari, la capitale de l'île, qui, malgré ses beautés et sa lumière, est plus proche de l'Italie ordinaire, et aussi à Milan que l'auteur nous présente comme une collection de tableaux de Hooper (je n'ai pas le plaisir n'avoir visité cette ville, mais la comparaison ne m'en laisse pas moins perplexe)
Quant au sujet -oui, j'y arrive !), il est profondément différent, et en bien, dirais-je, de celui de
L'île des âmes, qui mettait en scène une série de meurtres liée à la survivance bien improbable de de croyances néolithiques, à laquelle j'ai été incapable de croire une seconde (il ne faut quand-même pas trop demander au pacte de crédulité ).
Ici l'intrigue s'articule autour d'un "justicier" désireux de remédier aux insuffisances et défaillances du système judiciaires italien, et peut-être d'en provoquer la réforme grâce à une série de meurtres à grand spectacle perpétrés sur la personne de criminels épouvantables , dont la culpabilité ne peut être mise en doute, et qui ont échappé à la justice grâce aux imperfections du système. Ces meurtres sont organisées grâce aux failles de sécurité du système informatique et à la complaisance des chaînes et émissions de télévision basées sur le sadisme et le scandale ( j'ai failli écrire que sur ce point nous n'étions sans doute pas parvenus à égaler les résultats de nos cousins transalpins, mais finalement..et après t, je ne regarde pas beaucoup la télévision)
Je reprocherais bien à l'auteur de faire preuve d'un sadisme inutile dans certaines descriptions, mais peut-être être nécessaire pour peindre les procédés de la télé poubelle, et peut-être aussi hélas de retenir l'intérêt des hypocrites lecteurs que nous sommes.
Pour éviter toute "spoiliation", il est préférable de ne pas s'étendre plus avant sur les détails et rebondissements de l'intrigue.
Mais il convient maintenant de se poser une question essentielle. Que pensons-nous réellement ( je m'inclus naturellement dans le "nous") des assassinats perpétrés par les coupables ? En notre fors intérieur, comment aurions -nous voté ? L'auteur essaie de nous faire conclure dans un sens sans doute souhaitable en amenant ses justiciers à s'en prendre à un personnage positif et innocent, pour une question de principe.Alors, bien sûr, nous nous les reprouvons sans hésitation Mais cela est un peu artificiel.
Je ne réponds pas à la question. A vous de le faire, comme dit le personnage appelé "le dentiste".
PS. Très accessoirement
L'emploi répétitif du patois sarde est lassant pour le lecteur francophone. A la décharge de l'auteur, l'usage des dialectes est beaucoup plus répandu que chez nous
Il faut plutôt incriminer un mauvais travail de traduction. Si l'on pense à ce que
Quadruppani a fait pour Camilleri, il était certainement possible de faire mieux.