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sur 1035 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ne vous laissez pas désarmer par la première partie un peu poussive, l'île des âmes est un excellent roman tellurique, de rituels et d'atmosphère où la Sardaigne, terre de croyance, semble immuable et ancrée dans des millénaires de traditions archaïques.
Le synopsis est assez simple : Eva et Mara, 2 inspectrices en charge du suivi des cold case, sont sollicitées par un enquêteur en fin de vie, pour résoudre une vieille affaire de meurtres rituels sur des jeunes filles datant de 1975 et 1986.
Leurs investigations vont les mener sur les traces du passé, dans une Sardaigne de rites ancestraux, et surtout bien plus loin qu'elles ne l'imaginaient…
J'ai aimé ce roman, son mysticisme envoûtant, ses paysages escarpés et sauvages, sa nature primitive, son duo d'enquêtrices improbable au passé chargé.
Et sa fin inattendue.
Que demander de plus ?
Une suite peut-être ?
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Il a surgi du temple lorsque le gamin et son chien se sont approchés du cadavre ensanglanté de cette femme. C'est un géant, une torche dans une main, un couteau à la lame recourbée et maculée de sang et d'eau dans l'autre. La victime est couverte de peaux de chèvres et a le visage caché par un masque carnavalesque en bois représentant une bête cornue. Sa gorge est tranchée comme pour un sacrifice païen. Elle n'est pas la première… Elle ne sera pas la dernière…
Cette série de meurtres sacrificiels qui s'étale sur près de quarante années fait partie des affaires classées jamais résolues de l'île sarde. Moreno Barrali, inspecteur en chef de la police d'état, a passé le plus gros de sa carrière à essayer d'élucider ce mystère. En phase terminale d'un cancer, il est soulagé lorsque sa hiérarchie crée le service des « gold cases » avec l'aide de deux inspectrices, Mara Rais et Eva Croce.
Piergiorgio Pulixi invente avec beaucoup d'imagination une série de faits divers à la limite du surnaturel. En rédigeant son roman avec de très courts chapitres il donne un rythme infernal à son histoire. Celle-ci, très bien documentée, mêle archéologie, anthropologie, civilisation nuragique basée sur le culte de la déesse mère (la vie), le dieu taureau (la fertilité) et le sacrifice d'une vierge dont le sang est censé ensemencer la terre. Si l'on rajoute l'atmosphère, celle d'une terre brulée sous les assauts d'un soleil caniculaire qui exhale les senteurs de thym, de romarin, de serpolet, sur fond de mer méditerranée dont le bleu azuréen inonde de petites criques où l'on rêve d'y passer des journées à lézarder, on rend grâce à l'auteur d'avoir eu ce talent de nous immerger dans ce véritable paradis terrestre qu'est la Sardaigne. de même il a su décrire parfaitement le caractère rustique de l'autochtone. Jusque-là, le dépliant touristique est parfait, on achète le séjour pension complète pour une durée indéterminée. le roman de Piergiorgio Pulixi réunit les principales qualités d'un « nature writing ».
En ce qui concerne le polar, l'auteur organise son roman comme un jeu d'échec, il avance chacun des pions qui vont être déterminant lors de cette intrigue policière. Mais il faut attendre la seconde partie du roman, soit après la présentation de tous les éléments de l'intrigue, pour que l'enquête démarre vraiment. Et quand elle démarre, c'est pour emporter le lecteur dans ses méandres les plus obscurs et pour son plus grand plaisir, ce qui sauve ce roman. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'histoire prend toute sa dimension dramatique et que l'intrigue atteint une tension paroxystique. Inutile d'essayer de trouver le ou les coupables, le dénouement est insoupçonnable.
Le texte est persillé de mots et expressions sardes, ce qui ne rend pas toujours la lecture fluide et casse le rythme imposé par la succession des brefs chapitres. Heureusement le plus souvent ils sont suivis de leur traduction en français, mais pas toujours.
Certains dialogues n'ont pas la maturité ni la vraisemblance pour donner un accent dramatique à cette histoire. Au contraire, ils tournent parfois à la digression et éloignent le lecteur de la noirceur de ce roman.
Concernant les personnages, l'auteur nous laisse deviner des caractères bien trempés, des natures brisées par des accidents de la vie, mais dans les faits, on ne remarque pas suffisamment tôt dans le récit que nos héros en soient particulièrement traumatisés. Ce n'est que par la suite que l'on découvre les blessures psychologiques qu'ils ont subies. Et elles ne sont pas des moindres.
« L'île des âmes » est certainement un très bon roman policier pour lequel il ne faut pas s'attarder sur la première partie mais foncer sur la suite qui est passionnante et addictive.
Concernant le choix éditorial, c'est une réelle bonne idée qu'ont eu les éditions Gallmeister que d'ouvrir leur offre à d'autres destinations que les états unis d'Amérique, d'arpenter le monde afin de dénicher l'Oeuvre.
« C'est pourquoi fault ouvrir le livre et soigneusement peser ce que y est déduict. [...] Puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l'os, et sugcer la substantificque moelle, [...]. » Rabelais (source Wikipédia).
Merci aux éditions Gallmeister et à masse critique babelio, pour la découverte de cet auteur en gestation et de son roman ethno-policier « L'île des âmes ». On attend une suite, bien évidemment…
Traduction de Anatole Pons-Reumaux.
Editions Gallmeister, 536 pages.
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Ayant vu de nombreux retours positifs du deuxième tome du duo d'enquêtrices façonné par P. Pulixi, "l'illusion du mal", la logique voulait, comme l'aurait suggéré monsieur de Lapalisse, de commencer par le premier, "L'île des âmes".
Des le début, l'originalité du lieu, la Sardaigne, intrigue et succite l'intérêt. L'entrée en matière sert à la mise en place de ce duo d'enquêtrices rebelles de caractères, présentées comme antagonistes, bref une base d'un classissisme pouvant induire une certaine méfiance pour la suite.
Elle ne dure pas ; les personnages, principaux et secondaires, sont complexes, fouillés, remplis de fêlures bien exposées et exploitées dans l'intérêt de l'intrigue. Au long du récit leurs histoires personnelles sont puissamment développées dans l'intérêt de cette oeuvre très noire. le personnage d'Eva est ainsi particulièrement prégnant mais non au détriment des autres, démarche importante pour l'appréciation globale de ce polar à connotation sociologique.
Sociologique par son immersion et dans un milieu sectaire, et surtout dans les racines d'une tribu réfractaire à toute modernité, ésotérique, autoreglée par des croyances ancestrales mises en exergue aux fins à la fois d'explications de la genèse de la société sarde et plus prosaïquement de celle de l'enquête.
Cette partie de l'intrigue, servant surtout de cours magistral quant à l'humanisation de la Sardaigne, n'est pas trop lourde. L'on s'instruit...c'est déjà ça.

Sur un plan de l' écriture, je défini l'auteur comme "aimant s'écouter écrire " : de belles phrases avec beaucoup d'adjectifs "soyeux", dénotant le plaisir d'écriture littéraire, mais ne détonnant pas heureusement pas dans ce qui reste avant tout un polar.
Aucun personnage ne sort indemne de cette enquête sur des crimes paraissant rituels, catharsitique pour Eva, traumatisante à divers degrés pour d'autres. L'intrige est particulièrement bien menée, dévoilant petit à petit le passé et la vie des protagonistes, se révèlant particulièrement sombre, avec un lourd tribut payé à la vérité. le dénouement est particulièrement inattendu.

Une oeuvre qui commence doucement puis devient vite absorbante. Une réussite, en espérant que le deuxième tome soit issu du même tonneau.
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A Cagliari, deux jeunes policières sont engagées pour résoudre des cold cases, il s'agit de deux meurtres de jeunes filles dans les années 70 et 80, mis en scène selon les rites ancestraux, nuragiques. Quand une jeune fille disparaît et est retrouvée morte dans les mêmes conditions, la tension monte d'un cran au commissariat. Est ce le même meurtrier ou un copycat?.
L'auteur connaît très bien son sujet :les paysages sardes et les rites nuragiques qui remontent à la nuit des temps. J'ai néanmoins été légèrement déçue par ce roman qui ne m'a pas transportée autant que je l'espérais. Je pensais être complètement immergée dans la nature sarde et je suis restée trop longtemps dans les commissariats où toutes les discussions et joutes verbales des deux policières m'ont plutôt agacée et créent une disgression qui casse le rythme.
J'ai été attirée par ce roman par sa belle couverture et le sujet original et surtout parce que c'est un des premiers Gallmeister hors des États-Unis. Et que je suis fan de cet éditeur.
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« Des cinq policiers affectés à l'enquête sur le meurtre de Dolores Murgia, je suis la seule encore en vie. » Ainsi commence L'Île des âmes, roman policier de Piergiorgio Pulixi qui se déroule en Sardaigne. Dans ce prologue non daté, nous ne savons pas qui se confie à nous, mais elle nous parlera de nouveau dans l'épilogue daté de 2017. Tout le reste du roman se déroule en 2016, sauf le premier chapitre qui se passe en 1961. Des cinq policiers dont il est question, nous en suivrons particulièrement trois. Moreno Baralli, inspecteur en chef, se meurt d'un cancer. Son oncologue lui donne, au mieux six, huit mois à vivre. Ses collègues l'ont toujours considéré comme un emmerdeur et un illuminé. Il est en effet obsédé par deux sales affaires sur lesquelles il a travaillé par le passé et qui sont maintenant classées : deux jeunes femmes retrouvées égorgées sur des sites nuragiques (l'une en 1975 et l'autre 1989), dans une mise en scène qui laisse supposer un crime rituel. Or une jeune femme, Dolores Murgia, est portée disparue, et Moreno ne peut s'empêcher de penser au pire… Les deux autres policières sont des femmes : Mara Rais, originaire de l'île, toujours tirée à quatre épingles, grande gueule et mauvais caractère, mutée au tout nouveau bureau des affaires classées pour avoir indisposé un supérieur, et Eva Croce, milanaise, mutée à Cagliari et aux affaires classées on ne sait trop pourquoi. Moreno demande aux deux jeunes femmes de prendre sa suite pour enquêter sur les deux assassinats, affaires classées, mais non résolues. Et Dolores Murgia est retrouvée…
***
Je suis allée voir ce que signifiait « nuragique », bien sûr. L'article de Wikipédia donne de nombreuses explications qui sont autant de clés pour ce roman : les nuraghes, le culte de l'eau, les sources sacrées, une religion qui vient du plus profond des âges, etc. L'Île des âmes entraîne le lecteur dans un pays aux traditions vivaces, aux paysages magnifiques, mais un pays comme coupé en deux époques, deux peuples. Une partie de la Sardaigne présentée ici vit dans la modernité, dans l'autre partie, les Ladu, famille élargie en véritable tribu, semblent respecter des traditions ancestrales existant dans les montagnes reculées de Barbagia. le roman fait la part belle à ces deux aspects de l'île, qui cohabitent sans presque se fréquenter. L'intrigue est prétexte à visiter des sites très anciens, à connaître des pratiques quasi disparues, inacceptables et incompréhensibles dans le monde contemporain. Une grande importance est donnée à la langue sarde, facteur d'inclusion et de complicité, mais aussi d'exclusion : l'étranger n'y a pas accès, comme le lecteur n'en a pas toujours la traduction. Outre cet aspect parfois passionnant, parfois longuet, l'auteur exploite les relations entre les différents personnages et permet au lecteur de suivre leur évolution. Chacun se révèle avec ses forces et ses failles, avec les douleurs passées ou présentes, en représentation pour la galerie ou parfaitement sincère. Pour moi, l'exploration de nouvelles terres par les éditions Gallmeister est une belle réussite !
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Carrément sarde ! Ce roman haletant se déroule dans cette île voisine de la Corse, territoire italien insulaire qui entretient avec « son » continent les mêmes rapports compliqués que sa petite soeur « française ». La Sardaigne est d'ailleurs le personnage principal de ce livre, qui à l'instar de bien d'autres, est un moyen pratique et peu onéreux de voyager. le patrimoine historique et naturel de l'île donne lieu à des descriptions qui agrémentent l'intrigue et permettent aux lecteurs de respirer parce que cette enquête ferait passer Grangé pour un auteur de cosy mystery. Mon attachement à tout ce que la Méditerranée a pu apporter à l'humanité a favorisé ma tolérance à l'égard de cette variation sur le thème de la transmission de la violence. Violence atavique et rituélique, association que je goûte peu à la sauce anglo-saxonne ou orientale mais que j'ai savourée, aromatisée à la myrte et au ciste. Dans les montagnes de la Barbagia, île dans l'île, le clan Ladu perpétue des traditions sanglantes, écho exagéré des rudes et mystérieux peuples nuragiques qui inspirèrent peut-être les géants anthropophages d'Homère, le père du Polar. Mais, comme s'il voulait malgré tout s'affranchir d'un procès en ésotérisme patriarcal mal digéré, Piergiorgio Pulixi a eu la judicieuse idée d'imaginer un duo moderne féminin pour diriger cette affaire compliquée s'étalant sur plusieurs décennies. Tour à tour complices et rivales, le lecteur va découvrir les passés cabossés de Mara Rais, la régionale de l'étape et d'Eva Croce, la milanoceltique. Elles vont poursuivre le labeur entamé par deux vieux enquêteurs éreintés et finalement vaincus par les meurtres sauvages. La femme flic est l'avenir de l'homme policier ? L'auteur ne pouvait décemment pas nous laisser avec cette interrogation. Rendez-vous est pris pour la suite de leurs aventures… Un livre réussi, sarde mande confirmation…
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Attirée tout d'abord par la belle et intrigante couverture, c'est aussi le titre qui m'a titillée. L'île aux âmes, c'est la Sardaigne.
L'auteur nous plonge ici à la fois dans un roman policier avec le crime d'une jeune femme, qui fait d'ailleurs ressortir des oubliettes deux meurtres similaires non élucidés mais c'est aussi un bon moyen de nous conter l'histoire ancienne des sardes entre rites et mythologie de l'île.
Les chapitres sont courts, donnant du rythme au récit qui multiplie les personnages et entremêlements des points de vue et histoires.
J'ai beaucoup apprécié l'histoire, les personnages, l'ambiance, mais j'ai été légèrement déçue par la fin, malgré les rebondissements. Cependant je garderai un très bon souvenir de ce roman et suis bien tentée pour poursuivre ma découverte du 2e tome et donc des aventures des deux inspectrices, dont le duo ne fait que commencer.
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Maria et Eva, deux jeunes policières italiennes, n'ont pas choisi de se retrouver partenaires à la toute nouvelle Brigade des crimes non élucidées de Cagliari où elles ont toutes les deux été mutées pour de mauvaises raisons. Mais le meurtre sordide d'une jeune fille rappelle soudain de mauvais souvenirs à l'équipe : il semblerait bien que les mystérieux meurtres rituels qui ensanglantent l'île régulièrement soient à nouveau d'actualité...

L'île des âmes est un roman qui prend son temps pour nous plonger dans l'ambiance mystérieuse et envoûtante d'une Sardaigne restée sauvage, avec ses montagnes reculées, son dialecte incompréhensible aux étrangers et ses coutumes héritées des siècles passés. L'auteur entrelace subtilement plusieurs trames, l'histoire des deux jeunes policières, la fougueuse Maria native de Cagliari et prête à tenir tête à tout et tous et la mystérieuse Eva qui débarque de Milan, celle de ce vieux policier qui a consacré toute sa carrière à ces mystérieux meurtres rituels et celle d'une étrange famille des montagnes du centre de la Sardaigne. le tout sur une trame très imagée de vie du commissariat et moeurs politiques locales, de descriptions de paysages et de petites touches sur les civilisations passées, le tout saupoudré de nombreux dialogues en sarde, notamment dans la bouche de Maria spécialiste des répliques piquantes et des insultes locales. Même si ces descriptions sont plutôt réussies et nous font découvrir l'île de l'intérieur, j'ai trouvé le temps un peu long, l'intrigue avance à petits pas et j'ai parfois eu l'impression que cela s'éternisait.

Heureusement le rythme s'accélère franchement dans le dernier tiers où les deux jeunes femmes devenues complices peuvent enfin montrer leur talent avec notamment des scènes d'interrogatoire jubilatoires où on les voit cuisiner chacune son témoin pour obtenir une confession. de fausse piste en ramification, le suspens monte peu à peu et j'ai enfin été embarquée dans ce polar dont je tournais jusqu'ici les pages un peu au ralenti. L'auteur met brillamment en scène les relations entre les personnages, j'ai adoré la manière dont la relation entre Maria et Eva évoluait, de la franche hostilité à une forme de respect et une vraie équipe, le tout mêlé à la découverte des événements qui ont conduit la jeune femme à se réfugier en Sardaigne. L'auteur a bien tissé ses fils, son intrigue se tient et le dénouement est à la hauteur des attentes sans question laissée en suspens ni incohérence.

L'île des âmes fut finalement un chouette voyage dans une île assez méconnue et qu'il me donne envie de découvrir (quoi que... il faudra rester loin de certaines montagnes !). Un policier original et qui n'est pas juste une énième énigme meurtrière à résoudre, le tout dans un style très plaisant à lire. Je poursuivrai avec plaisir le voyage avec Eva et Maria, ne serait que pour savoir comment ce duo fort en étincelles va évoluer, le tome suivant est déjà dans ma PAL.
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Quand les éditions Gallmeister délaissent les rivages de l'Amérique pour les paysages de l'Italie, elles se trompent rarement et les histoires qu'elles nous offrent ne nous font pas regretter une seconde le changement de cap, de langue et de continent! J'avais ainsi été éblouie par "Un jour viendra" de Giulia Caminito et je sors presque transie et hébétée de "Lîle des âmes" qui me fait l'effet de constituer un petit (mais sanglant!) miracle, comme si "True Detective" (saison 1) avait rencontré Fred Vargas et le commissaire Adamsberg.
"L'île des âmes" est un roman dense, nerveux, tellurique et dont l'intrigue vertigineuse répand une odeur de soufre et de mystère comme je les aime, convoquant au passage les fantômes et les échecs du passé autant que d'ancestrales croyances aux contours flous et passablement inquiétants. Un délice quasi-horrifique, une enquête sous tension trempée de mysticisme, teintée de mort et de folie. le genre de roman qu'on peine à lâcher et qui vous fait apprécier le confort moelleux et presque sans surprise du quotidien!
La plume de Piergiorgio Pulixi convoque pour nous la Sardaigne et plus particulièrement la Barbagia, région reculée et montagneuse de l'île. On y retrouve un jour, sur les ruines d'un lieu de culte paléolithique, le corps supplicié d'une jeune fille dont on a tranché la gorge, qu'on a mise à genoux et recouverte d'une peau de mouton. Elle porte un masque, étrange et imposant, figure zoomorphe sculptée dans le bois. Ce meurtre glaçant aux forts accents rituels réveille pour les hommes chargés de l'enquête les fantômes d'affaires d'autrefois. Autres temps, autres jeunes filles mais même mode opératoire, même absence d'identification des victimes... Il y eut même un inspecteur pour y perdre la raison, un homme presque mort de ne pas avoir su, de ne pas avoir pu.
La découverte du corps maque le point de départ d'une intrigue en forme de chute libre et de catabase où la folie et le sang mettent à mal la lucidité et les certitudes de policiers aguerris qui s'écorchent et s'égratignent sur les épines de cette histoire, éthnopolar virtuose, habité, possédé même, aux accents déchirants et quasi surnaturels.
Pulixi a su doser à merveille les différentes constituantes de son récit: ambiance mythologique très solidement documentée en ce qui concerne le culte nuragique de la Déesse-Mère et ses rituels; inquiétante étrangeté de certains personnages dont il dit trop peu pour dire beaucoup; description sensuelle et vibrante de la Sardaigne, de ses odeurs, de ses couleurs, présentation et construction de personnages complexes et bien campés avec une mention spéciale pour le duo d'enquêtrices aussi tourmentées qu'attachantes... Par ailleurs, il a soigné la construction de son texte: rythme implacable et saccadé jusqu'à la suffocation, alternance de passages d'une poésie qui frôle le sublime, le lyrisme et d'autres beaucoup plus crus, montée progressive de la tension jusqu'à l'éclatement final en mode crescendo et coeur battant. Sang qui cogne et frénésie épileptique.
Et cette intrigue complexe, fouillée qui voit plus loin que le simple thriller, qui se dévoile progressivement et de plus en plus intensément, ce final lourd et oppressant, cette rudesse qui bouscule et qui blesse, qui interroge l'âme humaine et toute la noirceur dont elle est capable...!
Singulière et envoutante île des âmes! J'espère y retrouver un jour Croce et Rais... et cette atmosphère si particulière.


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Les éditions Gallmeister sont réputées à juste titre pour leur introspection sans concession d'une Amérique déclassée où la nature, sauvage, s'accapare la part belle. Mais avec "L'île des Âmes", elles s'exilent en terre sarde.
C'est donc en Sardaigne que nous convie Piergiorgio Pulixi, écrivain italien cagliaritain, qui fut d'abord libraire, puis, déçu de l'absence de polars qui se dérouleraient sur sa terre natale, a pris la plume pour nous livrer cette Île des Âmes. Et c'est effectivement une écriture qui dépeint avec attachement et presque fascination une île aux paysages bruts, écrasés de chaleur, aux senteurs puissantes du maquis; une île encore très ancrée dans ses traditions, où malgré la modernité d'un 21ème siècle qui s'infiltre partout, perdurent des racines profondes.

Et c'est sûrement la grande force de ce roman que de se placer sous les auspices d'une culture ancestrale, conférant à ce récit une teinte envoûtante, presque sépulcrale.

Voilà pour la toile de fond. Il ne faudrait pas pour autant se leurrer, car il ne s'agit pas d'un voyage d'agrément.
Piergiorgio Pulixi confie avoir puisé son inspiration dans la série "True Détective", ainsi qu'auprès d'auteurs comme Joe Lansdale et Cormac Mac Carthy, virtuoses du roman noir et plus spécifiquement pour Mac Carthy, du "Southern Gothic". On retrouve tout à fait dans "L'île des Âmes" cette veine littéraire américaine qui valorise des particularismes typiques d'une région, comme leurs paysages, leurs coutumes ou croyances, mais en se focalisant sur le côté sombre, instillant une ambiance pesante et glauque.

Et le pari est réussi pour ce roman car c'est certainement l'aspect qui m'a le plus séduite. Cette île, sous l'écriture de Pulixi, se nimbe, loin des côtes de sable fin, d'une ambiance macabre et lugubre. L'auteur utilise la culture ancestrale sarde nuragique comme vecteur de cette atmosphère et convertit les nuraghes et les sources sacrées nuragiques en scène de crime.

Dans la région de Barbagia sont retrouvées à des périodes différentes des corps de femmes, sur des sites nuragiques, dans des mises en scène de rituels funèbres similaires. Les enquêteurs qui se seront succédés sur les investigations ne parviendront pas à les résoudre, jusqu'à ce que deux inspectrices, "mises au placard" par leur hiérarchie, ne soient affectées sur ces "cold case". Eva Croce et Mara Rais doivent collaborer dans le cadre de ces affaires non- résolues, mais aussi suite à la disparition d'une jeune fille.
Piergiorgio Pulixi manie avec dextérité l'alternance des points de vue et de narration, grâce à des chapitres courts, dédiés aux différents protagonistes : les enquêteurs à tour de rôle, les membres d'une famille sarde ancrée dans le respect des traditions; jusqu'à donner habilement la parole à la jeune fille disparue, ce qui procure un ton saisissant au récit. le rythme reste ainsi très soutenu, tout en "habillant" d'émotions tangibles tous les personnages.

L'auteur réussit un tour de maître en sondant les âmes des enquêteurs. Non seulement en s'attachant à décrire les blessures intimes de ces deux femmes enquêtrices, très dissemblables et pourtant si proches dans leur résilience. Mais également (et c'est selon moi la réussite majeure de ce roman), en "dépeçant jusqu'à l'os" l'essence même de ce qu'est un enquêteur. Oui, son âme, ce qui fait sa fibre la plus profonde, ce qui resterait de lui lorsqu'il est réduit à sa part congrue, par l'âge, la maladie, la mise au ban par sa hiérarchie. le crime résolu ou non, ne pervertit pas seulement celui qui le commet, mais aussi celui qui pour retrouver le coupable doit plonger dans la noirceur en apnée. Qui dès lors, d'un meurtrier, d'une victime ou d'un détective perd son âme ?
Plusieurs passages saisissants traduisent le lourd tribut que paye l'enquêteur dans sa quête obsessionnelle, cette seconde peau qui finit par le recouvrir, comme après une brûlure un tissu ferait corps avec la chair.

"Toutes les affaires d'homicide ne sont pas identiques. Certaines te collent à la peau pour toujours. Tu les portes en toi comme des cicatrices. Au bout de quelques années, elles cessent de te faire mal et tu n'y prêtes plus attention. Elles deviennent une partie de toi. le tissu cicatriciel s'atténue au point que tu finis par ignorer sa présence. Mais il suffit d'un détail, d'une odeur, d'un regard ou d'un mot pour réinfecter la plaie, pour rouvrir la boîte de Pandore que tous les enquêteurs ou presque gardent en eux, laissant libre cours à des souvenirs corrosifs et à une culpabilité aussi sournoise que des parasites intestinaux".

J'ai été très séduite par cette atmosphère mystique et l'autopsie de ces âmes précipitées dans l'obscurité.
J'ai par contre trouvé plus laborieux et lassant la rencontre entre ces deux policières sur le mode trop répétitif "chien-chat", réduisant leur relation à un dialogue simpliste et primaire. Heureusement l'auteur semble s'en être lui-même lassé, leur offrant enfin un visage authentique lorsqu'il dévoile leur parcours et leur blessure.

Malgré quelques petites incohérences, notamment de ton entre celui, tragique, annoncé en début de roman puis celui final, ouvrant sur une envolée d'espoir, "L'île des Âmes" reste un récit très prégnant, car gorgé d'un climat sombre et funeste, du fait d'une plongée en ces terres d'âmes perdues.
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