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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai découvert L'Arc-en-ciel de la gravité en lisant l'autobiographie de Salman Rushdie, Joseph Anton. Cet auteur fameux, parmi mes favoris, le citait comme un chef d'oeuvre de la littérature américaine contemporaine, aussi m'empressai-je de le commander. Venant d'un écrivain produisant essentiellement des pavés, je n'ai pas vraiment été surprise d'en découvrir un de cette taille, et je me suis lancée sans attendre dans les mille cent pages d'un livre dont j'ignorais l'intrigue.

Il va me falloir maintenant un petit moment pour m'en remettre.

M. Rushdie a bien raison de le dénommer chef d'oeuvre. Peut-être aurait-il pu prévenir ses lecteurs qu'il est de ceux dont on ne sort pas indemne...

La suite sur mon blog :
Lien : http://tagrawlaineqqiqi.word..
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Note liminaire : Pynchon, celui-ci en particulier, ne se lit pas n'importe comment, mais pas de la manière dont on croit. Prendre des notes serait la chose la plus bête à faire. Il y a 2500 personnages nommés environ. Une bonne quinzaine ont leur importance, et 7-8 sont indispensables. Se laisser emmener par le rythme, se laisser "couler" dans Pynchon en n'y voyant qu'un largage de chapitres aussi, pas très malin finalement. Que faire alors ? Comme énoncé dans V. : "Keep cool, but care".

Deuxième lecture, pour être sûr.
Pourquoi, après un V. plutôt clair même si non linéaire, et un The Crying of Lot 49 plutôt sombre mais condensé, pourquoi donc, Pynchon a-t-il fait ça ? C'est un merdier permanent. Ça couche, ça pleure, ça mange des excréments, ça court dans toute l'Europe, le héros lui-même se désagrège totalement, pour n'être qu'une somme exponentielle de personnages bidons, de chansons paillardes, etc.
Parce que le monde est complexe. Parce que le temps, l'espace et le hasard ont cette méchante manie de laisser s'accumuler les informations. Surcharge cognitive permanente, à devenir fou.

Ça donne envie hein ? High-concept : Un jeune G.I. Américain a des érections aux endroits précis où tombent les V-2 nazis pendant le Blitz, à Londres donc. Il les note sur une carte. C'est là où il couche en fait. Tyrone Slothtrop (pour les noms, faut pas chercher : Enthropy ? Sloth-rope ?) plait bien aux petites Anglaises (le bol). Ça coïncide avec la carte de Roger Mexico, qui bosse au même bureau ! La carte des points de chute des V-2 !

Puis l'Afrique. Les Héréros de von Throta. Leurs descendants. La Hollande. La France (le Casino Herman Göring de Monaco). Enfin l'Allemagne, à la recherche du missile 000000. Et l'Allemagne à nouveau, Los Angeles quelques années plus tard... Et qui c'est qui débarque ? Ce serait pas Pirate Prentice, découvert dans V. ?

Ça tombe plutôt bien, ayant sous la main ma critique de Swim-Two-Birds de Flann O'Brien, voilà une petite idée qui peut nous éclairer : je me cite au carré -- c'est pas ma faute, juré : "Les personnages doivent être interchangeables, à l'intérieur d'une même oeuvre et d'un livre à l'autre. La somme des oeuvres existantes sera considérée comme une réserve de types possibles d'où les auteurs avisés pourront à leur gré extraire leurs personnages, n'ayant à en créer de nouveaux que lorsqu'ils ne trouvent pas la marionnette désirée." (Narrateur, Swim-Two-Birds).
Chez le Pynch, pas d'attachement personnel aux personnages, ou très peu. Quand ils pleurent parce qu'ils ne comprennent rien. Ou quand ils s'entêtent dans leurs délires paranoïaques permanents, gluants, éjaculants. Tout le monde court dans tous les sens, on ne sait plus qui aime le pain au bananes (oui) et qui aime boire de l'urine (id). C'est pas grave. C'est pas grave. Et si c'est grave, c'est ce monde qui est grave. Drôle, paresseux, multiple, sale, alcoolique, acheteur, vendeur, sprinteur, lâche (Si tu te caches, on te cherche : l'un des fameux proverbes du paranoïaques égrainés au sein d'un chapitre).

Livre-Monde donc, comme disent les cons. Pourquoi 5/5 ? Pourquoi il faut le lire ? Parce que c'est le paroxysme de la digression romanesque, parce que Pynchon aurait pu écrire des traités de sociologie, de philosophie, de sciences cognitives et d'ingénierie, mais qu'il s'est lancé dans une entreprise bien moins évidente mais plus forte en tout.
C'est souvent drôle, mais surtout désespéré. D'un optimisme désespéré. Un lyrisme extrême qui tend à l'abstraction totale, à la remise en ordre du paradigme du lecteur par le choc du nombre, de l'hystérie globalisée.
Ça exprime la vie, sa désagrégation, le Monde Moderne, qui ressemble tristement et violemment à la vie.

J'ai peur d'y ajouter une seule ligne. Lisez-le, ou ne le lisez pas. Mais ne la ramenez pas trop si vous l'avez fini. C'est simplement qu'il ne vous a pas fini.


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Première lecture (incomplète) aux alentours de 2010 :

Son plus nébuleux, mais aussi son plus fameux.

Réputé illisible, on est tout de même loin du "Festin Nu". On s'y perd souvent, c'est vrai. Certains abandonneront en cours de route et on ne peut pas leur en vouloir (pour ma part, le forum Reddit a été salutaire plus d'une fois). Mais voilà, il y a ce charme Pynchon, ici appliqué à la Seconde Guerre mondiale, et c'est tout simplement énorme. Slothrope, militaire amerloque perdu en Europe, est en plein trip parano : toutes les unités militaires paranormales anglaises, américaines et allemandes s'intéressent à son cas et le poursuivent, de Blitz en Zone "libérée", parce que sa libido s'accorde à la chute des V2 et pourrait permettre, peut-être, de prédire les points de chute des fusées. Il croise une pieuvre géante, un Général coprophage, des quantités de femmes fatales et fragiles, un Schwarzcommando suicidaire, des ennemis increvables qu'on jurerait sortis de Porco Rosso. La folie de la guerre y devient palpable, imprévisible, hilarante, tragique, poisseuse et parfois bouleversante. C'est "Apocalypse Now" sous ganja, "Requiem pour un Massacre" par les Monty Python !

Seconde lecture (complète!), Juillet 2021 :

Un arc en ciel et son reflet, dessus et dessous zéro. Des trajectoires paraboliques qui à leur zénith ne font qu'effleurer le fantasme de la vérité, avant de retomber, plus lourdes de la crasse du doute et des sédiments du complot -celui, énorme, de notre vie, celui qui nous échappe, celui qui toujours se cache dans l'angle mort, dans la brève extinction du filament, invisible à l'oeil nu. Si près du but, la fusée retourne au sol pour boucler la boucle et recommencer le cycle. Entre les deux arcs-en-ciel, le réel et son reflet (mais lequel est le bon?), les vivants et les morts se lancent, y croient et s'effondrent, encore et encore, touchant le sol avant même d'avoir réalisé que l'explosion de leur Chûte, Écrite depuis toujours, les assourdit, les disperse, les atomise. Les fusées, les bites, les carrières, les amours et les pains magiques dans les fours sont condamnés à s'effondrer, sitôt gonflés de leur envol. Interdits d'ailes pour s'arracher à la courbe, le décollage est un leurre et sa richesse éphémère : toujours la lie est au bout du chemin. Si seulement il nous était autorisé de connaître avec précision notre point d'impact.

Pourtant, toutes et tous tentent ici de maintenir le cap, de croire à l'envol, envers et contre tout, Fantasme absolu. Car chez Pynchon tout est affaire de fantasmes (« fantasies ») : la guerre, d'abord, est la conséquences des fantasmes des uns qui s'appliquent aux autres, avant de faire naître -ou d'augmenter- leurs fantasmes à leur tour : par survie, par réflexe, par délire, par projection. Au point que ceux-ci envahissent le réel, le floutent, le colonisent, qu'il ne soit plus possible de faire la différence entre Fusée et Stimulus, entre érotisme et papier, entre sécrétions et amour, entre la Zone et le Monde, entre Soi et Eux. La Technologie comme transsubstantiation. Nouvelles Religions, les Sciences apparaissent comme le lieu absolu du fantasme : non plus appréhension et compréhension du tout par l'expérience, mais véhicule de projection du fantasme sur le Monde, moyen de prouver l'expérience globale par l'expérience individuelle, imposition d'autant de lectures uniques auxquelles toutes les autres se plieraient, fantasmes binaires pour les uns, statistiques pour les autres, suprématie de l'esprit sur le corps, du corps sur l'esprit, de la matière sur l'inerte et vice-versa ; fantasmes à ce point libérés, et pourtant prisonniers de leurs propriétaires, que Pirate les saisit au vol comme autant de papiers gras portés par le vent. L'Homme a à ce point dispersé ses fantasmes (de crainte de sa propre dispersion) qu'il n'est plus possible de savoir s'ils embellissent ou salissent un Monde devenu incompréhensible -l'homme fétichise tout ce qu'il croise parce que c'est la seule emprise qu'il lui reste sur ce qui l'entoure, son unique façon de comprendre, d'appréhender, de prétendre à un semblant de maîtrise. Mais il n'y a sans doute plus rien à comprendre, sinon que la seule façon de ne pas jouer Leur jeu et de ne pas jouer du tout. Car au coeur de la Bombe gît l'Homme Innocent.

Livre-épreuve ? Oui. Livre-somme : aussi.
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Pendant le Blitz à Londres , puis dans l'Allemagne envahie par les Alliés . Des services secrets , des organisations improbables , des fous mystiques , des érotomanes , cherchent à capter à leur profit les secrets des fusées d'Hitler . Chaos, carnaval tragique , un livre monstre (760 pages grand format) pour une époque monstrueuse , une écriture déglinguée , l'érudition d'un Eco sous acide, rentrez dans la nef des fous , il y a de la place pour tout le monde…
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Toi qui ouvres ces pages, laisse toute espérance de linéarité et de causalité logique dans ce roman-monde – magistral ! Il ne faut pas avoir peur de l'indigestion, d'être perdu ou de ne pas comprendre où Pynchon veut en venir : l'important, surtout pour une première lecture de ce livre, est de se laisser porter par ce long flot de jazz et de mirliton… Et de suivre la baguette : maintenant tous en choeur !




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Cela n'a jamais été dit, ni même évoqué ou sous entendu dans aucune critique ou analyse de ce livre quasiment illisible, mais comment peut-on imaginer qu'il n'ait pas été écrit sous l'emprise du LSD ? La montée devait être très bonne lorsque fut rédigé l'extraordinaire chapitre de l'histoire de l'ampoule Byron par exemple....Ne serait-ce pas la raison pour laquelle lui fut retiré le prize book 1973 ? Trop subversif car trop manifestement écrit sous acide....? Roman illisible certes, mais comment ne pas y voir un chef-d'oeuvre de l'art littéraire abstrait, ou plutôt de l' art expressionniste abstrait, écrit par un Pynchon complètement défoncé, "assis" au milieu de ses centaines de personnages et de ses délires psychédéliques, tel un Jackson Pollock peignant assis au milieu de ses toiles posées à même le sol.
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