Une courte nouvelle sur la vie à la campagne, avec ses coutumes et traditions, et la place importante de la musique dans certains évènements et son rôle essentiel, partie intégrante de la tradition orale.
La musique et sa force créatrice, sa puissance évocatrice.
C'est l'histoire d'une fillette fascinée par le son du suona 唢呐 – instrument central des ensembles à vents et percussions – qu'elle a entendu lors d'un enterrement. Une mélodie plaintive destinée aux défunts.
C'est l'histoire de son éveil artistique.
La musique du suona se diffusait dans l'air, créant une atmosphère irrésistiblement envoûtante. Une élévation onirique.
Le son de l'instrument agit comme une puissante attraction sur Gaoni, et elle se laisse alors emporter par cet instant magique, guidée par ce chant troublant et unique.
« le suona avait juste attaqué ses premières notes lorsque Gaoni l'entendit. Elle pensa que c'était quelqu'un qui pleurait à chaudes larmes, et se demanda avec étonnement qui pouvait bien avoir des pleurs aussi clairs et sonores ! »
Un ensemble d'instruments joués par des musiciens de génération en génération pour favoriser « (…) de bons auspices pour accompagner les âmes des défunts dans leur passage vers ce lointain royaume céleste dont parle la légende. »
On y lit les signes de la nature, la puissance de la symbolique, et une évocation très poétique du sens accordé à cette musique ; aux émotions transmises.
Une musique qui par la voix des instruments donne un écho aux pleurs en les sublimant. Et étrangement en communiquant la joie au fond du malheur.
Tout, alentour, la plaine, les champs de blé, de sorgho, la rivière, le vent ….se met au diapason d'une harmonie céleste, en parfaite symbiose avec la musique créée en ces instants solennels, une élégie mystique.
Et la jeune Gaoni assiste à cette expérience inoubliable, la poussière se mêlant aux larmes versées, la musique révélatrice, imprégnant totalement la fillette.
Une nouvelle au doux parfum de légende.
Commenter  J’apprécie         110
Le cortège funèbre ne s’était pas encore ébranlé, il suffisait donc d’attendre un peu pour que les musiciens recommencent à jouer. En attendant, elle ne pouvait s’empêcher de fixer les lèvres du jeune joueur de suona, en se demandant quel pouvait être le son de sa voix. Dans son esprit, ce devait être un son très proche de celui du suona, quelque chose comme le long chant d’un cygne. Le jeune musicien, cependant, ne disait rien. Mais cela n’avait pas d’importance, aux yeux de Gaoni, la bouche du jeune garçon était très spéciale, et très belle. Sans doute parce que ses lèvres devaient fournir de longues périodes d’efforts, elles avaient développé leurs muscles et étaient d’un rouge écarlate ; toute la bouche donnait ainsi une impression de robustesse et de force. On aurait dit que, si l’on touchait cette bouche du doigt, sous la pression, elle produirait d’elle-même de la musique.