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Pour apprécier "Esther", il faut connaître son contexte de création.

Madame de Maintenon avait connue une enfance difficile faite de privations. Une fois arrivée au sommet de l'État (elle reste tout de même la seule favorite à avoir été épousée par son roi !), elle encourage Louis XIV à ouvrir une institution pour jeunes filles, afin de prendre en charge puis instruire ces enfants délaissées de la noblesse pauvre. Il accède à sa demande, ce projet étant le parfait pendant des Invalides, édifié pour prendre soin des vétérans blessés et nécessiteux. La Maison Royale d'Éducation de Saint-Louis s'installe à Saint-Cyr et ouvre ses portes à 250 jeunes filles en 1686.

Le projet de Mme de Maintenon était d'établir un programme éducatif aussi poussé que ceux en vigueur dans les collèges masculins, offrant ainsi à "ses filles" une instruction plus complète que celle dispensée dans les couvents. En plus des rudiments, de nouvelles matières sont ajoutées, notamment le théâtre. Aussi, quand en 1688 le collège Louis-le-Grand s'illustre par la tragédie latine "Saül", la marquise caresse le secret espoir de les concurrencer. Elle aura recours à un dramaturge de renom pour la création de cette pièce, spécialement écrite pour Saint-Cyr : Jean Racine. L'auteur insistera dans sa préface sur le fait que son "Esther" est "une espèce de Poème" basé sur un sujet de piété, destiné à l'instruction. Il ne s'agit donc pas d'une véritable "tragédie". C'est pour cela qu'elle ne ressemble en rien à celles qu'il avait écrites précédemment.

Comme la pièce suit fidèlement le récit biblique, il n'y a pas de suspense. Esther, jeune Juive devenue reine de Perse, a le devoir de parler au roi pour sauver la vie de son peuple. Et ce au péril de la sienne, car quiconque se présente sans avoir été appelé par le souverain encoure la peine de mort.

Les vers de Racine sont toujours très beaux. Il ne manque que la musique pour entièrement les apprécier, car cette pièce a été conçue dans l'esprit des anciennes tragédies grecques. C'est-à-dire en mêlant les choeurs aux comédiens. Certains passages ont donc été spécialement conçus par Racine pour être chantés.

Autre bémol : le texte est truffé d' allégories au régime louisquatorzien et à ses guerres, à la bienfaitrice Mme de Maintenon, etc. Si on n'est pas parfait connaisseur de la période, certains vers peuvent paraître étranges et en décalage avec l'histoire présentée. le prologue de la Piété en est un exemple. Il s'agit en réalité d'un éloge dédié à Louis XIV. Racine redevient alors l'historiographe du roi et le courtisan.

C'est intéressant de découvrir cette pièce à thème religieux, peut-être plus pour son aspect "historique" (l'oeuvre de Mme de Maintenon, les filles de Saint-Cyr, la cour et le régime de Louis XIV) que pour son côté "tragédie". L'édition que j'ai lue contient les explications enrichissantes de Georges Forestier.
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Je poursuis la (re)découverte de l'oeuvre de Racine grâce au superbe cycle de lectures mis en place par France Culture et La Comédie Française. L'audio est d'une qualité remarquable. le texte est taillé pour l'opéra. Il est donc par définition condensé, ramassé sur un propos plus concis. La densité et la complexité typique de Racine est ici moins forte. Cela permet de rentrer davantage dans l'intrigue et les contradictions des personnages face à ces situations. La question juive est au coeur du propos, nous rappelant les origines de la haine, de l'absurdité de l'aveuglement et des tragiques dénouements que ce sentiment ne peut qu'entraîner. le personnage d'Esther est très touchant, poignant, fort et contrasté. Encore une belle plongée dans les tiraillements humains, bercée par une langue à la maîtrise parfaite et au propos qui nous rappellent que nos maux d'aujourd'hui viennent aussi d'hier.
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Une très belle pièce de Racine, très émouvante. J'étais un peu réticent à l'idée de lire les deux tragédies bibliques du dramaturge, craignant de ne pas y trouver la même puissance que dans une Phèdre ou une Andromaque. Or, il s'avère qu'à ce jour, Esther et Athalie sont de très loin mes pièces préférées de Racine. Quel dommage qu'on ait si rarement l'occasion de les voir jouées sur scène !
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Quand Racine écrit Esther, en 1689, il est plus courtisan que dramaturge, officiellement historiographe du roi depuis déjà quelques années. Il revient au théâtre pour plaire à Mme de Maintenon et écrit pour les pensionnaires de Saint-Cyr des tragédies où il réintroduit les choeurs lyriques.

Esther est une pièce d'inspiration biblique. L'action se situe à Suse, à une époque où les Juifs ont été réduits en esclavage. Aman, favori du roi Assuérus de Perse, les poursuit d'une haine féroce. Il a convaincu le roi de les exterminer parce que leur chef, Mardochée, a refusé de s'incliner devant lui.
Or, Assuérus vient d'épouser Esther, sans savoir qu'elle est la nièce de Mardochée.
La jeune reine intercède auprès du roi, lui apprend que son favori n'a cessé de calomnier son peuple, lui rappelle l'action de Mardochée qui a déjoué un complot contre Assuérus et ajoute qu'elle-même est juive…

Une intrigue réduite au minimum, en seulement trois actes, dont l'originalité pour les spectateurs et lecteurs d'aujourd'hui vient des évolutions et des chants du choeur qui marquaient, dans les tragédies sacrées de la fin de la carrière de Racine, une sorte de renouveau. Ainsi, des personnages issus du peuple participent aussi à l'action intime ou familiale en suivant les péripéties et en y réagissant de manière ponctuelle.
Ces passages chantés sont purement poétiques, lyriques, mystiques, opératiques… le premier est une lamentation en forme de prière, le second traduit l'anxiété du peuple puis célèbre le vrai Dieu et la félicité du juste opposée à l'attitude du mauvais ; enfin, le troisième est un Te Deum, un chant d'allégresse puisque la pièce finit bien.

Esther ne figure pas parmi mes pièces préférées de Racine.
C'est une pièce commandée qu'il est cependant utile de connaître. Mme de Maintenon souhaitait « quelque sujet de piété et de morale, une espèce de poème où le chant fût mêlé avec le récit ». Cette tragédie, inspirée de la Bible et du Livre d'Esther a dû la combler.

Pour les curieux, lien vers une excellent baladodiffusion sur France Culture :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/fictions-theatre-et-cie/esther-de-racine-9206890
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Le chant du cygne de Racine .Pour complaire à la toute puissante et bigote épouse morganatique du roi-soleil (couchant) Racine revient au théâtre qu'il avait abjuré par bouffée janséniste . Mais pour atténuer le péché il va puiser son inspiration dans la Bible.Bien que peu enclin aux bondieuseries et trouvant le sujet d'un manichéisme absolu,je reconnais la magnificence du vers racinien qui en rend la lecture plaisante.
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Une des dernières pièces de Racine et la première à avoir un thème religieux. Esther entre avec grâce et aisance dans le panthéon des héroïnes raciniennes. Ici la passion religieuse remplace la passion amoureuse. Grâce à l'héroïne, la pièce garde toute l'intensité des autres tragédies de Racine et aucune lourdeur didactique ne vient la gâter.
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En 1689, les pensionnaires de la maison de Saint-Cyr fondée par Mme de Maintenon jouèrent la pièce Esther devant la cour de Louis XIV. Après l'échec de Phèdre en 1677, Racine s'était retiré pendant un certain temps de la vie littéraire de son époque. Mme de Maintenon ambitionnait de faire de son institution un lieu qui n'eût rien à envier aux meilleurs collèges de garçons ; à cet effet, elle avait mis au point un programme pédagogique tout à fait différent de ceux en vigueur dans les institutions religieuses, puisqu'ils étaient très rudimentaires, et se concentraient essentiellement sur les devoirs moraux et pieux. À cette époque, le théâtre était considéré comme un art et faisait partie des cursus d'apprentissage dans les collèges de l'Université, notamment ceux des jésuites. La supérieure de Saint-Cyr, Mme de Brinon, avait déjà rédigé des pièces de théâtre sur des sujets pieux afin de faire de ses élèves des femmes éclairées. Toutefois, Mme de Maintenon jugea ces pièces si mauvaises qu'elle décida de faire appel à Racine. D'après les Souvenirs de la comtesse Marguerite de Caylus, Racine aurait hésité puis demandé conseil à Boileau, lequel lui aurait d'abord suggéré de refuser, avant de se laisser séduire par le sujet d'Esther. C'est un défi de taille pour le tragédien qui doit rédiger une pièce destinée à « divertir les Demoiselles de Saint-Cyr en les instruisant », dans laquelle figurent des intermèdes musicaux. La dénomination de l'oeuvre a d'ailleurs posé problème à certains universitaires qui hésitaient sur les caractéristiques exacte de cette pièce initialement désignée comme « un Ouvrage de Poésie […] tiré de l'Écriture Sainte et propre à être récité et à être chanté ». Mme de Sévigné hésite elle-même sur l'appellation à adopter lorsqu'elle en parle à sa fille dans l'une de ses correspondances : « On a déjà représenté à Saint-Cyr la comédie ou la tragédie d'Esther », écrivit-elle dans son épître.

Voici une pièce tout à fait somptueuse dans laquelle nous retrouvons l'épineux dilemme racinien auquel sont confrontés les héros nés de la plume du dramaturge : élevée par son oncle Mardochée, Esther est une jeune femme qui est récemment devenue l'épouse du roi Assuérus, puisque ce dernier a répudié Vashti. Toutefois, Assuérus ignore qu'Esther est juive. En dépit de ses prérogatives, Esther hésite à secourir son peuple ; son époux leur voue une inimitié redoutable que son vizir Aman prend plaisir à galvaniser. La reine vit donc comme une recluse entourée de jeunes israélites dont elle préserve le secret autour de leur origine. Mais le temps presse : au début de la pièce, quelqu'un annonce à Esther que le roi, circonvenu par Aman l'Amalécite (peuple ennemi des Hébreux), a promulgué un édit ordonnant de procéder à l'extermination de tous les Juifs vivant en Perses dans dix jours. C'est un choix douloureux que doit faire la jeune reine, car, quelle que soit sa décision, elle devra en souffrir : si elle révèle à Assuérus son origine, elle périra de la main du roi. Mais si elle garde le silence, elle ne vivra que dans les remords et les regrets. Esther est à mes yeux la tragédie qui illustre le mieux les canons de ce genre littéraire : nous découvrons un illustre personnage (Esther), qui doit choisir entre ses devoirs de reine, et les liens du sang. Et en dépit des règles de bienséance qui préconisaient jadis de bannir la violence et les sujets sensibles, il faut reconnaître que cette pièce est fait sans doute partie des plus sombres écrites par Racine : les souffrances qu'endure le peuple d'Esther, la menace imminente qui pèse sur lui... le climat de la pièce est propice à l'angoisse. le personnage du vizir Aman m'a frappé avec ses tirades dans lesquelles il déverse tout son fiel envers les Hébreux, et déchaîne toute sa hargne. Et que dire de la présence du choeur, témoin impuissant de la fuite du Temps et de l'approche de l'échéance décisive ! Et la déréliction qu'éprouve l'héroïne qui n'a aucun allié. Il est d'ailleurs très intéressant d'observer que l'intrigue est menée cette fois-ci par un personnage féminin. « C'était déjà le cas dans Phèdre », me diront peut-être quelques uns. Pas tout à fait ; Phèdre subit la fatalité et précipite le cours des événements, tandis qu'Esther se dresse contre le destin, et brise la loi de l'inéluctable par sa volonté de tenter le tout pour le tout.

J'avais lu cette pièce à l'âge de quinze ans, lorsque j'étais en troisième, pour mon plaisir personnel, et elle m'avait procuré un vif émoi qui aujourd'hui encore, n'a pas perdu de son intensité lorsque je relis cet ouvrage.
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Esther est mariée au roi Assuérus, qui règne sur la Perse. Sur le conseil de l'ambitieux Aman, le roi a ordonné l'exécution des Juifs, ignorant que son épouse est elle-même juive.

Cette pièce assez courte (seulement 3 actes) tire son intrigue d'un épisode de la Bible, son sujet est donc essentiellement religieux, pour correspondre à la piété (bigoterie?) croissante de Louis XIV et son entourage. Attendez-vous donc à beaucoup de prières et de déclarations de foi de la part du choeur de jeunes filles juives qui tient une grande place dans la pièce, mais aussi de quelques autres personnages.

Je n'ai pas spécialement apprécié cette lecture, j'ai trouvé que le propos manquait de profondeur et était seulement prétexte à mettre en scène un épisode biblique sans en tirer autre chose. Il y a les gentils et les méchants, et un roi influençable, cruel par bêtise, qu'il est relativement facile de ramener dans le bon chemin. Pas de dilemme religieux ou moral, le roi écoute le dernier qui a parlé. le reste consiste en déclarations haineuses d'un côté et en lamentations et prières de l'autre.

Le seul point que j'ai trouvé intéressant est que les arguments avancés pour réclamer l'extermination des Juifs sont similaires à ceux qu'on a entendu régulièrement depuis. On constate à quel point on n'a pas évolué sur le sujet et c'est franchement choquant.

Comme toujours avec l'auteur, ça se lit plutôt facilement, bien que ce soit en vers et que certaines parties soient censées être chantées. Certaines répliques sont même assez inspirées. Mais j'ai quand même eu l'impression qu'avec cette pièce, Racine assurait juste le minimum syndical et ne s'était pas beaucoup creusé la cervelle pour étoffer l'intrigue ou creuser un peu les thèmes abordés.

En bref, une lecture plutôt oubliable, on est loin du meilleur de la production de Racine.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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À la fin de sa vie, Racine avait renoncé à écrire des "spectacles frivoles" et s'était rapproché des jansénistes. Cependant, à la demande de Mme de Maintenon, maîtresse que Louis XIV a épousée en secret, il reprit la plume pour écrire une tragédie destinée à être jouée par les jeunes élèves de Saint-Cyr, l'école patronnée par Mme de Maintenon. Tout en étant une pièce de commande, Esther reflète les convictions religieuses de son auteur. Deux raisons qui auraient pu en faire une oeuvre lourde et indigeste. J'avoue avoir des préventions autant contre les textes de commande que contre les textes qui veulent évangéliser ou prêcher. Je les trouve souvent maladroits. Mais Racine est Racine et, de ce difficile exercice de style, il donne vie à une pièce d'une grande beauté.

Cette pièce s'inspire de l'un des livres l'Ancien Testament, le livre d'Esther. Celui-ci relate un épisode tragique de l'histoire du peuple juif : exilé dans l'ancien royaume des Babyloniens conquis par les Perses, il est menacé d'une extermination complète à cause de la jalousie d'un ministre du roi, Aman, contre le Juif Mardochée. Mais Aman ignorait, en poussant le roi Assuérus à signer l'arrêt de mort des Juifs, que la reine Esther elle-même appartenait à ce peuple...

J'aime beaucoup cette histoire de l'Ancien Testament. J'ai trouvé que Racine, grâce à la forme théâtrale, y insuffle une vie qui est un peu absente du texte originale. Esther, Mardochée, Assuérus, Aman deviennent, sous sa plume, des êtres vivants, doués de sentiments. Les pièces religieuses de Racine ne sont pas les plus connues et les plus étudiées à notre époque qui a tendance à gommer tout ce qui a trait à la foi. Pourtant, elles sont peut-être les plus personnelles, celles qui expriment le plus ce que pensait le grand tragédien. On peut même remarquer un certain courage dans sa manière de dénoncer les courtisans qui manipulent les rois. Racine n'a pas seulement cherché à écrire une pièce éducative pour jeunes filles bien nées. le roi Louis XIV lui-même pouvait en faire son profit...

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Une piece commandée par Madame de Maintenon qui on peux le dire a ete bien payée en retour: cette oeuvre est magnifique et fait partie des incontournables du theatre francais ! Tout y est ici et on se regale vraiment devant le style genial de cet auteur hors norme !
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