Quand je lis du Jeantet, j'ai aussitôt des complexes. Je me dis que j'ai énormément de progrès à accomplir pour parvenir à son niveau de trouvailles combinatoires. Je me retrouve comme un enfant découvrant le monde et ses mystères. Je suis aux aguets, insatiable.
Je lis trop vite même, puis je relis, tel un chien fou à la recherche d'un insaisissable os laissé quelque part.
Ce matin, le ciel a une allure délavée, comme un vieux jean arrivé en fin de course après une longue lessive.Les nuages sont bicolores, à moitié orange à moitié gris. Ils stagnent au-dessus du village. Avec une lumière bleue en arrière-plan, on dirait des îles posées au-dessus de nos têtes. Le soleil se prépare lentement à rincer les scories célestes afin de mieux laisser passer ses rayons. Le vent s'est arrêté en même temps que la pluie, dans la nuit.
Mes lectures balnéaires me marquent, elles aussi, différemment et leurs empreintes sur mon imaginaire sont inattendues. Aujourd'hui, c'est ce détail lu dans Les livres ont un visage, de Jérôme Garcin, que je ne suis prêt d'oublier. " Le bois des cageots utilisé pour transporter les fruits est un bois de peuplier: c'est le seul qui ne sente pas. ", explique Julien Gracq à Jérôme Garcin.
Ce que j'aime dans le matin, au réveil, ce sont ses allures de promesses qu'il laisse planer au-dessus de ma tête. Et cela dure un bon bout de temps. Comme si les pendules étaient remises à zéro et qu'une nouvelle vie commençait.
" La poésie est désuète pour ceux qui sont gavés, mais quand le réel est insupportable, elle prend la valeur d'une arme de survie. "Tiré d'Un merveilleux malheur de Boris Cyrulnik.