Cette anthologie bilingue regroupe des poèmes s'étalant depuis 1943 jusqu'à 1989. Elle montre toute l'évolution de la poésie de Kathleen Raine, les textes s'épurent, la nostalgie du passé se fait plus présente en vieillissant.
Mais ce qui fait la singularité de l'auteure se retrouve toujours: ces vers qui reviennent comme un refrain, comme un élan vital .Les thèmes de prédilection aussi . Tout d'abord, la nature sauvage du Northumberland, à la frontière de l'Ecosse. Cette nature dont elle dit qu'elle est" la langue sacrée dans laquelle sans cesse l'univers inconnu s'adresse à nous." Et cette vision d'ouverture au monde , à ce Royaume invisible, grâce à la contemplation des paysages âpres et purs qui s'offrent à elle depuis l'enfance , est très palpable dans sa poésie :
" Oiseau étrange à travers mon ciel du soir
Qui te guide, âme qui passe,
Dans ce vol loin par delà
L'étoile évanescente de la terre?"
En héritière des grands poètes romantiques anglais, tels William Blake, dont elle était la spécialiste, elle reconnaît avoir aimé suivre leurs traces, celle de l'imagination, du beau et du sacré, ne cédant pas du tout aux mouvements modernes de la première moitié du 20 ème siècle. En cela aussi, elle est particulière. L'amour et la spiritualité sont intimement mêlés et exaltés par la nature.
" Par le vent voyageur
Par les nuages sans trêve
Par l'espace du ciel,
Par l'écume des brisants
Par la courbe de la vague
Par le flux des marées,
Par le sillage du soleil
Par l'éclat de la lumière
Par l'étrave sur la mer,
Vienne mon amour."
Je suis très sensible à ces poèmes passionnés, lyriques, à cette voix féminine unique, hors modes et conventions, qui sait faire entendre le langage de l'âme...
Commenter  J’apprécie         2610
AZRAËL
To fall deep is to rise
Drawn to the deep summit of a kiss,
And death and birth
Are but the same sleep and the single grace
That bends all courses to the round of earth
Tomber, c'est renaître,
Attiré au sommet profond d'un baiser ;
La mort et la naissance
Ne sont qu'un même sommeil, une grâce unique
Qui infléchit tous les trajets à la courbe de la terre.
p 28-29
NATURA NATURANS
Voile après voile
Pétale coquille écaille
Que sème la danseuse à la danse tournoyante.
Ces voiles visibles
Découvrent, couvrent l'invisible
Sur des corps qui ressemblent à l'esprit fugitif
Se la nature jamais immobile.
Une jeune princesse
Scellée dans la parfaite signature de ce qu'elle fut,
Lèvres graves, poussière silencieuse, annonce un mystère
Caché deux mille ans sous la voie Appienne.
Fronde de fougères dans le charbon,
Ange tracé sur un mur qui s’effrite,
Chrysalides vides de cet éphémère lumineux l'âme.
Iris jaune sur le rivage,
Aile d'ambre et prunelle dorée,
Bouleau d'or vert, et tout d'or sur l'étang,
Les brillants anneaux de soleil insaisissables
Proche et lointain, ciel et sommet,
Aile qui plane, joie tournoyante,
Voix vibrante de l'oiseau sur la baie,
Toi leur brillante présence,
Scintillement de la houle qui danse,
Splendeur de la mer d'argent.
Un poème s'approche,
un poème m'entoure,
le poème s'annonce,
le poème plane
au-dessus des brumes
et ondule, esprit
que je veux voir s'incarner.