Magnifique recueil, emprunt d'une simplicité qui n'interdit nullement l'exploration de cette grande énigme : notre présence dans la Présence, ce miracle d'être.
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ANCOLIES BLEUES
Pour Jeremy
Brûlant d'un sombre
Feu, mystère
Allumé de graines en graines,
De jardin en jardin, de printemps en printemps
Indigo
Ombre illuminée
S'enflammant à midi, couleur de ciel nocturne
Des sept rayons le plus intense
Solennité de la cathédrale bleue splendeur
D'entrailles, secret d'ombrage,
Embrasées dans mon dernier jardin, profonde
Rumeur du lointain, de l'au-delà.
BLUE COLOMBINES
For Jeremy
Alight with dark
Fire, mystery
Kindled from seed to seed,
Garden to garden, spring to spring
Indigo
Darkness illuminate
Flaring at noon, colour of night-sky
Of the seven rays deepest
Solemnity of blue cathedral glory
Of womb, secret of shade,
Ablaze in my last garden, profound
Sounding of the afar, the beyond.
Tu as aimé d'autres jardins il y a bien longtemps,
Et tous dans l'unique voile verdoyant sont tissés ensemble,
Ininterrompu le cours de la lumière, le cours de l'air,
De la graine à l'herbe, du gland au chêne, de la forêt au feu,
Ce qui n'est pas né et ce qui est mort t'accompagnent partout,
Où tu as toujours été, tu es.
You have loved other gardens long ago,
And all in the one green veil are woven together,
Unbroken the stream of the light, the stream of the air,
Seed to grass, acorn to oak, forest to fire,
The unborn and the dead companion you everywhere,
Where you have been always, you are.
(p 10-11 extrait de "A Departure", "Un Départ")
Dis que tout est illusion
Néanmoins ce néant est tout
Cet inépuisable
trésor d'apparence
Le merle qui chante
la pluie qui commence à tomber
les feuilles qui verdoient
l'arc-en-ciel qui se montre
Réalité ou rêve
Quelle différence ? J'ai vu...
Say all is illusion
Yet that nothing all
This inexhaustible
Treasury of seeming
The blackbird singing,
The rain coming on,
The leaves green,
The rainbow appearing,
Reality or dream
What difference I have seen.
Téléologie
Galet veiné du rivage
Battu, roulé par la vague,
Œuf veiné, battement de cœur,
Battement d’ailes en essor –
Comment de la stase lithique
Vient le chant d’oiseau, l’oiseau ?
Un flux d’eau réfléchissante
En profondeur ouvre le regard :
Etoiles, cieux infinis
Dans un trait de lumière en fuite,
Un arc-en-ciel, ombre et brillance,
Des forêts, des arbres en fleur
Du terreau de la mort éclatent
En une myriade de fleurs
Vues par une myriade d’yeux –
Comment l’insensible peut-il
S’éveiller en fête, l’inerte
Apprendre les pas de la danse ?
Des harmonies inouïes
Somment la terre d’écouter,
La lumière allume le regard,
Le désir crée son paradis :
Substance de choses qu’on espère,
Gage de choses à venir.
Les mots
Tombant si simplement à leur place, comme donnés
Quand besoin est, d’Ailleurs les mots d’un poème reviennent,
Entendus tout d’abord par l’enfant d’autrefois,
Confiés par les voix connues, les voix aimées
Du père et de la mère, celles des maîtres, d’étrangers ;
Notre énoncé humain durement conquis
De la vérité du cœur, héritage de l’esprit
Transmis et retransmis de l’un à l’autre ;
Les noms donnés dans l’Eden aux créatures,
Disant le sens connu, l’insaisissable sens du monde,
Créés du fond du cœur des vivants-à-jamais,
Transportés au long des temps depuis l’origine :
Talismans, talents,
Echangés ou fructifiants
Ou bien perdus, gâchés, enfouis dans la poussière.
Ce langage des hommes si brièvement mien, trésor de mots
Reçus et donnés afin de se comprendre, de se louer,
De se remémorer, de s’enchanter,
De se ravir, connaître et conforter l’un l’autre.