– J'avais raison, Sire ! dit-il en se raclant la gorge. L'aristocratie financière meurt de ses turpitudes !
– Tu t'calmes et tu expliques…
– Lehman Brothers vient de tomber !
– Y s'est fait mal ?
– C'est l'une des plus puissantes banques en Amérique, Sire. Zéro ! Ruinée ! Plus de joujou ! Des milliards envolés ! Pire que Merrill Lynch l'année dernière, vous vous en souvenez, plus de deux milliards de pertes !
– J'me souviens ? Non.
– C'est la crise ! Elle va gagner le monde puisque le monde est mangé par l'aristocratie financière, et quand ça détricote là-bas, ça vient chez nous ! Ce capitalisme joueur et pervers, il doit être puni.
– Que voudra sa majesté pour le déjeuner ?
– Un steak.
– Et pour les légumes, Sire ?
Le Prince passa lentement le yeux sur toute la compagnie :
– Des steaks aussi.
Le climat se faisait lourd. Certains gendarmes récalcitraient dans un article de leur gazette interne intitulé « Déplacement de l’empereur Nicolas Ier à Valence ». Nous y apprenions que la visite de Sa Majesté avait mobilisé mille deux cent soixante-cinq gendarmes, qu’il avait fallu couper une voie rapide, acheminer de Lyon et par convoi spécial une passerelle pour l’aéronef impérial. Le signataire du libelle, un commandant dur à cuire, se disait écœuré par ces dépenses quand ses voitures de service affichaient deux cent cinquante mille kilomètres au compteur et que l’État s’en moquait.
si les accidents de la route baissaient, ce fut à cause du coût des carburants plus que des gendarmes.
Le peuple n’était même pas déçu ni révolté, il ne croyait plus aux résultats promis.
le budget du Château enflait à cause des voyages impériaux, des frais de réception et du personnel qui coûtait autant que celui d’une ville de cent mille habitants. Sa Majesté ne faisait de réelles économies que sur les fleurs et le vin.
Nicolas Ier imaginait la société comme un supermarché qui espionne ses clients avec des caméras et des vigiles
Avec les moyens modernes, et l’électronique qui peut suivre chacun d’entre nous à la trace, Notre Tempétueux Souverain espérait un fichier d’une ampleur magistrale.
Alors l’affaire Edvige éclata.
Nicolas Ier était un homme sans vision. Dans la société marchande qu’il aimait tant, il figurait une marchandise, vendait sans relâche son énergie, ses réussites imaginaires, des exploits que les gazetiers complices ou complaisants relayaient dans l’opinion, orchestraient, fortifiaient, disaient et redisaient afin que cela rentrât profond dans les cervelles.
Vers l'automne, il y eut une lueur. Ce fut l'avènement de M OBAMA, qui du coup, rabaissa notre prince.