Ce tome comprend les épisodes 1 à 6 de la série ayant commencé en 2010, avec un scénario de
David Lapham et des illustrations de Kyle Baker.
L'officier Bob travaille pour une organisation américaine gouvernementale d'espionnage. Il doit "superviser" les interventions de Wade Wilson, un malade mental qui se promène toujours en costume rouge et noir avec sa cagoule, en se faisant appeler Deadpool. L'histoire commence avec Bob rendant compte à sa hiérarchie par internet. Pour cette mission (assassiner Hammerhead), Bob devait infiltrer l'immeuble duquel Hammerhead dirige ses opérations criminelles. Pour ce faire, il s'est fait embaucher comme homme à tout faire, et a accepté les avances du chef (un homme) de la sécurité d'Hammerhead. Par le biais de ses faveurs sexuelles assez douloureuses, il a pu réaliser le moulage d'une clef d'accès (dans un excrément) et faire pénétrer Deadpool dans ce bâtiment sous très haute surveillance. le jeu du chat et de la souris peut commencer jusqu'à l'exécution finale. Les missions suivantes impliquent une séance de psychothérapie pour Deadpool dans une clinique qui se livre au trafic d'organes, le démantèlement d'une résurgence du Ku Klux Klan, l'assassinat d'un baron de la drogue ne quittant pas son île privée, la protection d'un sénateur et la délivrance d'un agent du renseignement.
En 2010,
Marvel Comics a décliné le personnage Deadpool à toutes les sauces avec une série mensuelle principale (à commencer par Deadpool 1 de
Daniel Way, en anglais), une série de Deadpool avec un invité différent à chaque fois (à commencer par
Deadpool Team-up 1, en anglais), une série d'une équipe de 5 Deapool (à commencer par le club des cinq), une minisérie de Deadpool décliné en série noire (Deadpool Pulp). Les lecteurs avaient-ils vraiment besoin d'une autre série mensuelle ? Dans une page de texte,
David Lapham explique que lorsqu'un éditeur l'a contacté pour écrire ces histoires, il était hors de question de faire un copier-coller.
Effectivement, Lapham s'est lâché. Les 2 premières blagues reposent sur une relation homosexuelle malsaine et sur un individu en train de fouiller dans des excréments humains. Il s'approprie les caractéristiques du personnage de Deadpool (malade mental ayant une vision déformée de ce qui l'entoure et tueur hors pair) en renforçant le coté trash, et l'importance de Bob, l'agent de liaison qui devient un souffre-douleur masochiste. Bob doit s'assurer que Deadpool accomplit ses missions coûte que coûte, en payant à chaque fois de sa personne et en souffrant des douleurs horribles. Lapham y va très fort dans le registre de l'humour noir et la maltraitance de ce personnage. de son coté, Deadpool est ingérable, si ce n'est par Bob et il se lâche dans des scènes de carnage sans pitié.
Chaque mission est intéressante par elle-même et maintient un suspense quant à l'issue de la mission. Lapham rajoute par là-dessus une ambiance d'espionnage dans laquelle Bob finit par ne plus savoir pour qui il travaille vraiment et les buts recherchés par ses mystérieux employeurs. Tout ce qu'il sait, c'est que ces derniers sont en capacité au mieux de l'envoyer en prison pour le restant de ses jours, au pire de le faire assassiner. Lapham ajoute également une couche d'univers partagé Marvel, bien déformé, en utilisant des noms connus (Hammerhead, Task Master, Domino, Nathan Summers, etc.) et en pervertissant ces personnages comme il est la règle dans l'univers MAX. Et puis, il développe le personnage de Wade Wilson en évoquant son enfance, ses années de formation et même ses sentiments pour une femme. Ces passages sont aussi exagérés et impossibles que les autres, mais malgré tout touchant car les horreurs décrites utilisent des tabous de notre sociétés.
Pour illustrer ce Deadpool tordu à souhait, Marvel a embauché (ou a réussi à convaincre) Kyle Baker, un illustrateur, lui aussi, incontrôlable. Son style graphique est assez difficile à décrire car il évoque tantôt celui de Lapham sur sa série Young Liars (à commencer par Daydream Believer, en anglais), tantôt du
Joe Kubert un peu distordu, tantôt des expériences graphiques pop art jouant avec le simplisme au frontière de l'abstraction. Il intègre également régulièrement des photographies retouchées et recolorées. Ces fluctuations de styles demandent une certaine ouverture d'esprit de la part du lecteur. de même, Kyle Baker joue avec les couleurs passant de pages aux teintes pastel, à des pages où les couleurs jurent les unes à coté des autres dans les teintes les plus vives possibles. le résultat ne ressemble pourtant jamais à un patchwork, mais bien à une progression logique dans laquelle chaque style s'adapte à la nature de la scène, de l'action, du dialogue, etc. le niveau le plus expérimental est atteint lors de 2 séquences sur les maltraitances supportées par Wade Wilson pendant son enfance dans lesquelles les couleurs sont criardes et les formes limitées à des contours simplistes quasi géométriques. Et pourtant ces dessins suggèrent admirablement la souffrance de cet enfant et la veulerie de ses parents.
Cette version de Deadpool ne fait doublon avec aucune autre, tellement elle possède des caractéristiques très marquées et jusqu'auboutistes. le niveau de violence est très élevé, l'humour est très noir et se vautre régulièrement dans le mauvais goût, il y a quelques moments de nudité (fesses, seins). La maltraitance et la cruauté font rage. Les illustrations et les couleurs mettent à l'épreuve la tolérance et le sens de l'aventure du lecteur. Mais
David Lapham et Kyle Baker ne grugent pas le lecteur ; ils racontent une vraie histoire avec de vrais personnages tous psychopathes, mais jamais simplistes ou unidimensionnels.