A table ! Les peintres et les écrivains sont conviés à prendre place autour de tables aussi variées que la diversité même de leurs identités. Dans un format volumineux qui ferait presque concurrence au meuble honoré, les images succèdent aux textes, à moins que ce ne soient les seconds qui précèdent aux premiers. Si le temps de parole est respecté pour chaque média, on remarquera toutefois quelques petites inégalités de fond.
Les écrivains semblent privilégier la table comme lieu de commensalité et sur la nappe, dans les chaumières, les restaurants ou les cafés, on y mange et l'on y boit parfois jusqu'à en être écoeuré –comme ce fut sans doute le cas pour le dîner de trente-deux couverts organisé chez
Alexandre Dumas en janvier 1864 (en entrée : poulardes à la Rozolio, filets de bécasses à la Favorite, quenelles de rouget au velouté, chauds-froids d'alouettes ; en extra : punch à l'ananas, rôts, faisans truffés sauce Périgueux, chapons rôtis au cresson ; et vous n'avez encore rien vu des potages, des hors-d'oeuvre, des relevés et des entremets…). Les peintres sont plus éthérés et si certains consacrent bien leur toile et leurs pinceaux à la représentation de splendides natures mortes ou de joyeux repas, d'autres y font allusion moins directement -comme Henri-Jules-Jean Geoffroy et sa « Porteuse d'oranges » ou
Jules Worms et sa « Vente de fruits en Espagne »-, lorsque certaines toiles ne nous interrogent pas carrément sur la pertinence de leur présence dans cet ouvrage –ainsi Marcel Demagny et son « Flamboyant » ou Richard Boigeol et son « Bouquet de table avec Vincent » (ici, le vase serait à l'honneur plutôt que la table).
Les noms des peintres représentés dans ce livre vous semblent inconnus ? C'est normal… Autre disparité de cet ouvrage : alors que les écrivains évoqués sont des vieux loups du paysage littéraire européen –
Emile Zola,
Guy de Maupassant, Colette ou
Marcel Proust en tête (la madeleine fera un passage qui relèverait presque davantage de l'obligation que du plaisir)-, les peintres sont pour la plupart des inconnus qu'une bonne vieille recherche Google ne permet pas toujours de retrouver. Heureusement, l'ouvrage liste les peintres regroupés dans ses dernières pages, indiquant également un lien vers leur site Internet pour qui désirerait en découvrir un peu plus…
Malgré ces quelques surprises, s'attabler avec ces peintres et ces écrivains constitue une agréable expérience qui nous ferait presque oublier qu'il est l'heure de passer à table… si le repas proposé chez
Alexandre Dumas vous semble trop sophistiqué et surtout trop lourd à digérer, peut-être vous satisferez-vous davantage du dernier repas servi à
Youri Gagarine avant son départ pour la Lune ?
« Au menu :
Purée de viande,
Café,
Marmelade de cassis
(tout cela en tubes) »
Dommage qu'aucun peintre n'ait figuré ce repas mélancoliquement terrestre…
Lien :
http://colimasson.over-blog...