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EAN : 9782960189520
324 pages
Le Comble (12/01/2022)
3.75/5   6 notes
Résumé :
Lorsque David Ovadyah se rend d’Haïfa à Paris, peu après le décès de son père, il sait que de là il ira à Forcalquier, mais il ignore que son enquête anodine sur une artiste inconnue le conduira ensuite à Florence et puis jusqu’à New York. Il ne se doute pas que le tatouage découvert sur la dépouille de Josh va bouleverser sa vie. Que sait-on de ses parents ? Peu de choses, s’était-il dit devant le lit de mort, juste après avoir reçu les dernières paroles du défunt ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Lectrices, lecteurs, je dois commencer par dire que ce texte a toutes les chances d'être ma seule participation à votre communauté parce que je dépose cet avis ici à la demande de l'auteur. Celui-ci m'avait parlé de ce projet de roman lors d'un excellent souper à la Grappe d'Or à Torgny en 2018. Il envisageait à l'époque de faire du galeriste le narrateur alors que ce personnage ne devait pas être le héros. J'y voyais deux inconvénients. L'un était le risque que l'affect prenne le pas sur la conduite du récit, l'auteur étant lui-même galeriste. L'autre pointait les difficultés techniques qui ne manqueraient pas de surgir dans l'écriture puisque ce personnage secondaire allait avoir accès à très peu d'informations directes.


Le narrateur d'Amour dure sans fin est donc le héros, David Ovadyah. Il s'exprime à la première personne du singulier dans une langue archaïsante qui s'expliquerait par le fait que le français n'est pas sa langue maternelle. Quoi qu'il en soit, cette particularité n'a pas freiné ma lecture. J'ai eu tout le loisir de suivre l'évolution de ce personnage en fin de compte assez complexe. En effet, de prime abord, David Ovadyah paraît lisse, et c'est peut-être ce qu'un liseur en retiendra après avoir refermé le livre parcouru au pas de charge. Au lent fil des pages se révèle par contre une personnalité qui ne manque pas d'aspérités et qui du coup finit, après quelques chapitres, par susciter l'empathie.


David est ce qu'on pourrait appeler un fils à papa, au sens objectif du terme : il est né avec une destinée toute tracée devant lui et il n'a rien fait pour contrecarrer l'heureux sort qui l'attendait. Il a fait les mêmes études que son père, puis il est entré dans l'entreprise de celui-ci, société dont on comprend qu'il a tout de même dû gravir les échelons avant de devenir top manager.


Le récit s'ouvre à la mort du père dont les dernières paroles suscitent un trouble dans l'esprit du narrateur. « En fait, dit-il, je ne savais presque rien de mon père. » de cette constatation naît immédiatement le regret d'où sortira le désir de savoir qui sera le moteur du roman : « J'irais à Florence ! » (à la fin du chapitre 1). Mais David est quelqu'un de passif, qui laisse aller le cours des choses. On le sent à son effacement dans les premiers dialogues. Il n'en prendra toutefois vraiment conscience qu'à la fin de son road trip : « […] j'étais resté assis face à mon modèle jusqu'à ce qu'il disparaisse » (p. 293). J'y reviendrai. Pour l'heure, constatons que son tempérament passif est l'obstacle qu'il va devoir surmonter pour atteindre le but qu'il s'assigne progressivement. de plus, on apprendra qu'il est souvent en proie à l'hésitation (p. 23). C'est d'ailleurs ce trait de caractère qui le conduira à formuler le débat moral du roman (p. 162) et qui explique aussi la conclusion du premier chapitre : « Ma résolution chancela. »


C'est alors, au début du deuxième chapitre, que surgit – au propre comme au figuré – un personnage secondaire, mais adjuvant de première force, Fanny, la secrétaire qui n'a pas de nom de famille. Son caractère est à l'opposé de son patron dont elle est un peu la Mary Poppins : elle lui trouve tout comme par magie. Engagée quelques années auparavant, elle a probablement vite compris la personnalité du directeur de la boîte et comment agir pour se rendre indispensable. Cela pourrait renforcer la passivité de David, mais d'un autre côté, ça l'aiguillonne. C'est peut-être au contact de Fanny qu'il lui arrive de sortir de sa léthargie et de prendre quelques décisions sur de véritables coups de tête : il sait ou suppose qu'elle trouvera la solution concrète pour passer à l'étape suivante.


Mais ces solutions que trouve Fanny découlent toutes d'un paramètre essentiel : les moyens matériels dont dispose le héros. Cette aisance pourrait le rendre antipathique, agaçant ; on le verrait bien en enfant gâté, prenant volontiers des airs supérieurs, s'imaginant que tout le monde est à son service, et donneur de leçons de surcroît. Il y a en partie de cela (sa forme particulière d'humour peut en être la trace), mais cette tendance est jugulée par l'éducation qu'il a reçue de son « modèle » (« considérant mon impolitesse, je m'excusai » p. 19). Il reste que la facilité avec laquelle il obtient tout ce qu'il veut convient à sa passivité : aurait-il persévéré s'il avait eu plus d'efforts à fournir ? On peut quand même le supposer parce que ce héros se révèle ingénieux et se montre impavide. On peut imaginer qu'il aurait trouvé le moyen de contourner les obstacles en économisant sa peine, même au prix de quelques prises de risques.


Des efforts, il n'en a en tout cas pas fait dans sa vie sentimentale. Il ne prenait aucun plaisir au « carnaval permanent » que lui imposait sa compagne vénitienne, mais il n'a rien fait pour fuir la sarabande ; c'est Anna-Maria qui l'a quitté. Sa réaction a été de se retirer du commerce des femmes, et d'entrer en léthargie affective. David est d'ailleurs clairement passif avec les femmes ; ce n'est pas lui qui fera le premier pas. Est-ce parce qu'il est hésitant – peu sûr de lui contrairement aux apparences – ou parce qu'il est enchaîné par des principes ? Parce qu'il est - c'est un leitmotiv du roman – un homme de principes ; ça c'est certain. Pour autant, il s'autorise des accommodements. Parfois anecdotiques, comme avec le Code de la route : pour lui, un stop est un stop, mais il cale son cruise control à 150 km/h sur une autoroute française. Moins léger comme entorse, il ne recule pas devant le vol ni la dénonciation.


En réalité, de la façon dont David se comporte pendant les quarante-quatre jours que dure cette histoire, il apparaît plus contemplatif que passif. le principal trait de son caractère semble être le don d'observation : il scrute tout avec acuité ; l'environnement, les situations et les gens. Ces derniers, d'une certaine manière, en font les frais. Est-ce pour cela qu'il se tient à distance, et semble si froid ? Parce qu'il les a dévisagés, décortiqués. En serait-il honteux ? Peut-être, parce que quand il se trouve lui-même passé au « scanner » par un interlocuteur, il est mal à l'aise (p. 79). En tout cas, le narrateur qu'il est matérialise dans l'écriture cette capacité (ce travers ?) à observer : il décrit les personnages comme on ne le fait plus dans la littérature contemporaine. Il s'agit presque d'anthropométrie.


J'ai dit « froid », mais l'est-il vraiment ? Cette impression ne découle-t-elle pas de la manière dont il se présente dans les premières pages du livre ? Or, on n'a pas toujours une exacte perception de soi. Cette vision que j'ai du narrateur n'est-elle pas aussi le fruit de son style qui impose une distance ? Parce que si David est passif, il n'est pas impassible ; il ressent même des émotions violentes, provoquant des manifestations somatiques, quand il apprend certaines choses. Ces réactions, soit dit en passant, doivent à mon avis être rapprochées de l'éructation du père sur son lit de mort. Et puis, lorsqu'il arrive en Provence, on découvre un David qui se lie avec des inconnus. Cela se fait très progressivement, et à des degrés variables. le passage du vouvoiement au tutoiement avec celui qui deviendra son comparse est d'ailleurs provoqué par un des chocs émotionnels que je viens d'évoquer. Mais globalement, on perçoit un réel changement dans les rapports du héros avec autrui.


Des changements, il y en a d'autres et cela vaut la peine d'en parler, mais en deux mots pour ne pas spoiler l'intrigue (verbe qui ne plairait pas du tout au narrateur). En fait, à la fin de l'histoire, la lectrice (la majorité des lecteurs sont des lectrices, n'est-ce pas ?) n'a plus affaire au même homme. Sentimentalement, le pas est franchi, David est sorti de sa retraite. Psychologiquement, il a pris conscience de sa passivité et du coup il fonce, même un peu fort, au point que c'est Fanny qui doit le recadrer. Enfin, il y a autre chose, la chose après laquelle il a couru pendant ce périple sans savoir pourquoi (comme le dit un des personnages du roman), mais ça, je vous laisse le découvrir.
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12 mars 2014, un homme de 84 ans meurt à l'hôpital de Haïfa. Il s'appelle Joshua Ovadyah, il était né le 3 février 1930 à Florence, il dirige une importante société spécialisée dans la sécurité, ses deux fils l'accompagnent à la tête de l'entreprise. Sa femme Haviva et ses deux fils, David et Sam, n'ont pas pu arriver à temps, mais, inconscient, il n'aurait reconnu personne.
Avant de sombrer dans le coma il a, non sans violence, confié à l'infirmière qui veillait : « Nove anni per niente ! ». Cette déclaration jette un froid, une inquiétude, chez David et Sam, Haviva s'enfermant dans une attitude « passive et pensive ». Avec audace, David ôte du bras de son père le brassard dont Josh disait qu'il dissimulait le tatouage de son numéro de détention au camp d'Aushwitz où il avait été incarcéré quelques mois. Mais, surprise, le tatouage montre un chat assis et une signature : Marguerite !

Et voilà le lecteur parti, dès la quatrième page du récit, à la recherche des clés du mystère : Qui était cette Marguerite signataire du tatouage ? Que sont ces neuf années « pour rien » ? Comment ce tatouage est-il arrivé sur le bras de Josh ? Où est le tatouage d d'Aushwitz ?

On aura les réponses trois-cents-pages plus loin, après une infinité d'épisodes, de questions, de découvertes, de suspense continu, sans le moindre entracte, après des kilomètres avec David dans des voitures du luxe, entre Florence , où Josh était né et avait vécu avant son mariage avec Haviva et la création de son entreprise en Israël, et Forcalquier où l'on apprend très vite que Marguerite, Marguerite Brémond, est née, a en parti vécu et s'est suicidée. Et il faudra attendre les toutes dernières pages pour enfin tout savoir.

Le voyage est conduit par une écriture précise, sans fioritures, qui introduit les uns après les autres personnages, situations, villes, chacun avec une atmosphère spécifique. le développement de l'intrigue est construit dans une architecture qui permet au lecteur de ne jamais perdre la boussole. Les indices qui conduisent à l'issue sont savamment distillés petit à petit, dès le tout début de la narration avec l'attitude « passive et pensive » de Haviva . Et si l'on veut un fil rouge, c'est tout simplement une Histoire d'Amour.

Un tout premier roman, qui enchante.



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L'histoire est celle de David Ovadyah, mais aussi celle de Josh, son père, et celle d'une artiste peintre dont le narrateur ignore tout au début du récit.

David a 47 ans. Il vit à Haïfa. Son père, son frère et lui sont à la tête de TSNK, une entreprise spécialisée dans la surveillance des sites sensibles (comme Cadarache en France). Sa compagne, une prétendue aristocrate italienne, l'a quitté en 2007 et depuis lors, ayant perdu le goût de beaucoup des plaisirs de la vie (excepté l'automobile), il s'enferme dans son travail. Il semble attendre que quelque chose se passe dans sa vie.

En 2014, le décès de son père, le fondateur de TSNK, va provoquer ce bouleversement. Joshua, né en 1930 à Florence, avait émigré dans les années soixante.

Avec sa mère et son frère, David arrive trop tard à l'hôpital. Une infirmière leur apprend les derniers mots du défunt prononcés en italien et ils découvrent sur le corps de celui-ci un tatouage qu'il dissimulait habilement.

Rapidement, ce dessin incongru est identifié : il a son origine en France. Ses obligations professionnelles dans ce pays permettent à David D entreprendre des investigations d'un enjeu a priori insignifiant pour savoir où et quand son père avait rencontré l'auteur du signe tatoué, lui aussi décédé. Il apprend que cette personne a laissé des cahiers dont trois seulement sont repérés. Il recherche les autres et en découvre quelques-uns. Cela le conduit à l'épicentre de l'intrigue où une énigme accessoire surgit autour d'un tableau de la Renaissance.

Pendant un mois et demi, on accompagne donc David, le narrateur, dans son enquête qui devient une quête de vérité, d'Haïfa à Forcalquier en passant par Paris, le Contadour, Florence, Saint-Paul-de-Vence, Lourmarin, Londres et New York.

On ne peut pas ne pas penser à Inferno de Dan Brown en lisant ce roman. À cause de Florence évidemment, mais aussi en raison du rythme de l'écriture et des voyages impromptus du personnage principal. Mais, à mon avis, ces fictions sont aux antipodes l'une de l'autre, y compris dans le substrat culturel.

Malakoffiot d'adoption, j'ai eu le plaisir d'effectuer ici quelques recherches pour l'auteur (mais je m'aperçois que cet aspect du travail a été fortement réduit). Je remercie en tout cas les éditions du Comble pour cette lecture en avant-première de la version définitive.
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Ce roman place le peintre et la peinture au coeur de l'intrigue. Je l'ai donc mis dans ma liste « peintre ou peinture au coeur du roman ».
Mais en ce qui me concerne, il y a quelque chose d'autre, une chose très personnelle : j'ai vécu presque la même expérience qu'un des personnages. J'en suis restée paf. C'était à Istanbul, parce qu'il est, aussi, question d'Istanbul dans ce livre. La ville est peu évoquée mais suffisamment pour que ça m'ait fait un choc. Qu'on ne se méprenne pas ! Je parle de l'expérience esthétique, pas de l'autre (que vous découvrirez certainement comme moi avec un ahurissement mêlé d'amusement).
En résumé : à Haïfa, David Ovadyah s'emmerde ferme. Il s'est fait larguer par sa meuf il y a des années et, du coup, il ne s'intéresse plus qu'à son taf.
Là, je me suis exprimée comme l'aurait fait Fanny, sa secrétaire, un sacré phénomène, vous verrez.
Donc, notre héros, qui est aussi le narrateur, s'est, pour ainsi dire, enfermé dans la routine. À la mort de son père, après avoir constaté des choses troublantes, il se rend compte qu'il ne connaissait pas vraiment le co-auteur de ses jours : qui avait été Joshua avant d'émigrer en Israël ? David se met à chercher. Il va bouger, bouger beaucoup (d'ailleurs la quatrième de couverture laisse deviner un road trip) ; et il finira par trouver.
Mais il y a un second périple dans ce roman (où Istanbul apparaît), qui explose au visage de la lectrice (ou du lecteur) sans qu'elle (ou il) s'y attende. C'est vachement bien foutu (comme dirait Fanny) : un autre personnage vit dans le roman sans vivre dans l'intrigue, on a l'impression qu'il nous parle (vous verrez quel artifice est utilisé), et il est très attachant, très surprenant, très présent.
Je conclurai par un petit reproche, en disant que le titre ne reflète pas le contenu du roman. Certes, il est en lien direct avec l'intrigue, mais c'est trop « intellectuel ». J'aurais mis « Les carnets de… », tout simplement, puisqu'en réalité ces carnets sont le carburant du récit.
Et la peinture ? En fait, elle est omniprésente, elle forme un réseau sous-terrain d'où émergent des drageons un peu partout, un réseau qui tient tout ensemble.
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Voilà un roman dont je savais dès la troisième page qu'il me plairait parce que l'intrigue démarre tout de suite. Et il m'a plu. Je l'ai du coup peut-être lu un peu vite.
Un chef d'entreprise âgé meurt dans un hôpital en Israël, et sa famille, arrivée après le décès, apprend d'une infirmière la dernière phrase sortie de sa bouche. Ces paroles sont énigmatiques, comme l'est le tatouage découvert peu après sur le cadavre. Profitant des opportunités que lui offre son travail, David, un des deux fils du disparu, va se lancer dans une recherche qui finira par bouleverser sa vie.
L'idée de départ (inspirée, d'après l'éditeur, d'une histoire vraie) m'a semblé originale et, à mon avis, ce qui en a été tiré l'est tout autant (je suis dans un jour de bonté). On suit la progression de l'enquête avec un intérêt croissant, fertile en questions. Malgré les digressions « culturelles » (parfois de plusieurs pages, ce qui pourrait rebuter ceux qui ont un intérêt relatif pour la chose), on est pris par l'indéniable rythme, sans doute en partie dû aux nombreux dialogues, fluides, directs et assez réalistes.
Même si le texte n'est pas alourdi de « fioritures » (comme le souligne à juste titre @igolenerougier), la langue m'a néanmoins quelque peu surprise (l'imparfait du subjonctif !), surtout le vocabulaire et quelques bizarreries stylistiques (comme de surprenantes assonances : « Ma mère vit mon atermoiement. Une explication, pourtant, s'exigeait incontinent. Elle répondit promptement. » p. 35). L'auteur aurait-il voulu fabriquer un narrateur (David) s'exprimant dans un français livresque (artificiel ?), en tout cas parfois recherché (d'ailleurs, il le dit lui-même, p. 21 et 68), comme pourrait le faire un allophone cultivé ? Peut-être, mais les allers-retours, dans la narration, d'une langue plutôt érudite à des formules plus vulgaires surprennent parfois (« Illico Clarius, qui n'avait pas été servi, m'en piqua une [une frite]. » [p. 117] / « La faconde de son lignage quitta le jeune homme (…) » [p. 118]). Quoi qu'il en soit, cette particularité est assouplie ou compensée par les manières de s'exprimer des autres personnages (argot pour l'un, parler vernaculaire pour un autre, etc.). Je confesse toutefois avoir eu recours au site du CNRTL un certain nombre de fois pour vérifier la signification de mots inusités ou l'usage inhabituel d'autres. Pendant ces moments-là, la tension de la lecture et l'attention du lecteur retombent : était-il nécessaire de recourir à un tel lexique ?
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
- Vous connaissez La Calomnie d’Apelle de Sandro Botticelli ? me demanda Clarius.
- Non.
Tout en mâchant une frite, il sortit une tablette de son attaché-case. Il y afficha une image et la posa devant moi, contre le pichet de vin que lorgnait Aubin. En deux mots, il décrivit la composition puis se concentra sur un détail.
- Regardez, dans le groupe de droite, on voit cinq personnages allégoriques : ce sont les complices de la diffamation ; ils lui permettent d’accomplir son œuvre : tromper le juge, fausser son jugement. Ce sont la séduction, la fourberie, l’envie, l’insinuation et l’ignorance.
- Oui, je vois.
- Regardez sur la gauche ; il y a deux autres personnes. Elles sont comme étrangères à la scène. Ce sont la vérité et le remords. Elles n’interviennent pas dans l’action ; elles s’en détournent. Le calomnié - par terre, traîné par les cheveux -, il n’a aucune chance contre cette machination.
- La calomnie est un mal sournois, s’insinua Pélissier, invisible, qui sape, qui creuse des galeries dans la réputation de quelqu’un qui un jour finit par s’écrouler.
- En auriez-vous été victime ?
- Pas moi. Lui ! pointa-t-il Clarius avec son couteau.
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La grande place rectangulaire au vieux dallage anfractueux était déserte, boudée par les badauds. À droite, un long et haut portique à arcades soutenu par de graciles colonnes la bordait sur toute son étendue. Au-dessus de chaque support, un grand disque bleu portait en son centre un nouveau-né emmailloté de couleur blanche. D’une extrémité à l’autre de la construction courait un escalier d’une dizaine de degrés en plein milieu duquel s’était installé l’énigmatique personnage. Qu’allait-il m’annoncer ?
À l’autre bout de la place, à gauche de l’esplanade de Santissima Annunziata, je distinguai un petit café. Je m’y rendis en hâte et en emportai un plateau garni de deux cappuccinos et de quelques biscuits. En prenant garde de ne pas trébucher sur les pavés cahoteux, je rejoignis mon compère. L’oracle accepta l’offrande.
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- Commençons par l’essentiel, dit Georges avec un sourire triomphant : Marguerite Brémond fut encartée au PCF de 1945 à 1952. Elle apparaît sur le registre de la population de Malakoff en mars 1940. Elle réside rue du Gazomètre, avec sa mère Claire Montrachet, veuve Brémond. Marguerite figure dans le recensement général de 1946, mais plus dans celui de 1954. Cette disparition peut s’expliquer par la vente de la maison malakoffiote par Marguerite elle-même en janvier de la même année. Elle en avait hérité suite au décès de sa mère survenu le 1er septembre 1952.
- Donc, à l’âge de vingt et un ans, Marguerite n’a plus ni père ni mère, mais elle n’est pas dans le besoin.
- Oui, et elle était d’autant moins fauchée que la municipalité de Malakoff venait de lui organiser une exposition dont toutes les œuvres avaient été vendues. J’ai retrouvé le dossier complet de cette activité tenu par un certain Avi Poznanski qui était le responsable des affaires culturelles de la mairie.
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La porte s’ouvrit sur un homme grand, mais arqué sur deux béquilles. Son corps vigoureusement charpenté avait pourtant dû transpirer dans les salles de sport jusqu’à un passé récent. D’un mouvement de tête, l’individu coiffé en brosse m’indiqua le chemin. Je le précédai dans un lumineux living où le mutique me fit asseoir en face de lui. Une aide-ménagère nous apporta des cafés et des biscuits ; puis d’un coup, tous les bruits ambiants s’évaporèrent. La longue figure aux sourcils broussailleux me sondait. Je passais un scanner.
La pièce était sobre. Le sol rouge de tomettes, les murs enduits de blanc et le plafond à la française s’harmonisaient avec le mobilier ancien de probable ébénisterie locale. Plusieurs ouvertures donnaient sur une terrasse d’où la vue descendait sur le vieux bourg. Nous étions à une altitude de peu supérieure au toit plat de la tour carrée de la cathédrale lourde de lauzes. Autour de moi, ce n’était que tableaux.
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Le démarrage fut fulgurant. Combien de g avais-je encaissés ? Quelques centaines de mètres plus loin, c’était déjà fini. Je me fondis dans la circulation à l’américaine. Je me résignai à ses codes. Personne ne prêtait attention à moi. Tout le monde feignait de m’ignorer. À New York, l’étiquette interdit de s’étonner de quoi que ce soit. Lentement, pesamment, je ralliai Fulton Street, sur le territoire de la commune d’Edison. J’entrais dans une zone commerciale on ne peut plus standard, sans le moindre attrait. Son aspect général ne reflétait pas le statut de première puissance mondiale des États-Unis. Je laissai le GPS me conduire à travers le traditionnel plan hippodamien nord-américain. Lorsqu’il me dit que j’avais atteint la destination et que celle-ci était à droite, je me trouvais le long d’un entrepôt métallique blanc de style boîte à chaussures.
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