En une dizaine de lettres écrites au matin du XXe siècle,
Rainer Maria Rilke, fameux écrivain et poète autrichien, prodigue ses conseils et réflexions sur la vie à un jeune homme aspirant à la
poésie, un certain
Franz Xaver Kappus. Ce dernier n'a pas vingt ans au début de ces échanges épistolaires, et bien que
Rilke n'en ait lui-même que vingt-sept, il émane de ses mots une sagesse riche et grave. Aux attentes de reconnaissance et aux souffrances du cadet Kappus,
Rilke apporte une aimable et sincère attention, ainsi qu'une compassion presque paternelle. Entre la France, l'Allemagne, l'Italie et la Suède, c'est un
Rilke souvent épuisé par le travail et la maladie, s'excusant pour ses longs mois de silence, qui revient avec plaisir et dévouement vers ce jeune homme torturé, hésitant entre une carrière littéraire et celle d'officier au sein de l'armée austro-hongroise.
Rilke évoque la passion et les affres de la création, place l'irrépressible besoin d'écrire comme la condition même de l'existence de celui qui souhaite écrire, vante les mérites des romans qui lui sont indispensables, tels Niels Lyhne de Jacobsen, livre de splendeurs et d'abîmes, somme le jeune homme « d'avoir de la patience envers tout ce qu'il y a de non résolu dans [son] coeur et d'essayer d'aimer les questions elles-mêmes comme des chambres verrouillées », l'invite à rechercher un métier qui le rendra indépendant, à embrasser la grande solitude tout en parvenant « à conquérir une relation au sexe qui vienne de [lui-même], des dispositions et de la manière d'être qui sont les [siennes], de l'expérience, de l'enfance et de la force qui sont les [siennes] ».
Rilke couche de très belles pensées sur les femmes, visionnaires pour l'époque : « Cette humanité de la femme, portée à son terme dans les douleurs et les humiliations, apparaîtra au grand jour lorsque les métamorphoses de sa condition extérieure lui auront permis de se dépouiller des conventions qui la réduisent à la seule féminité, et les hommes, qui ne le sentent pas venir, seront surpris par leur défaite. » En somme, des lettres profondément inspirantes sur l'identité et l'altérité.