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3,75

sur 343 notes
Ce livre était en lice pour le prix Landerneau des lecteurs 2022 (je faisais partie du jury).

'Vers la violence' est un roman à la fois dérangeant et fascinant. J'aime d'ailleurs beaucoup la couverture.

L'histoire se déroule en Vendée, un département que je connais bien car j'y habite depuis longtemps.

J'ai aimé ce livre car on ne sait pas trop à quoi on s'attend et comment tout cela va se terminer. La part de mystère autour de la figure du père est omniprésente. En effet on ne sait pas tout de lui. Il a sans doute des secrets qu'il ne veut pas divulguer à ses proches, à sa famille bien qu'on apprend beaucoup de choses sur lui tout le long du roman.

La relation entre Lou et son père est ambiguë. Elle vit de bons moments avec ce père qui l'a fait rêvé avec ses histoires et personnages imaginaires (surtout quand elle est petite) mais aussi des moments étranges et pénibles lorsque cet ogre se laisse aller à des accès de cruautés. Il devient alors méchant et dangereux. Je pense par exemple à l'épisode (éprouvant) du chien tenu par la nuque et suspendu au dessus du vide.

C'est sans doute pour cela que Lou a besoin de prendre de la distance et décide de partir vivre à Londres et devenir danseuse professionnelle.

Même si une 'impression de goût amer' demeure en moi une fois la lecture achevée, « Vers la violence » fut tout de même une belle découverte.
Un roman puissant, fort qui ne laisse pas indifférent.
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Pendant l'enfance, « la barbichette » est un incontournable, mais quand Gérard et Lou s'y adonnent ce jeu devient un combat. le premier est le père, la seconde la fille.
« Vers la violence » va nous raconter l'histoire de ces deux-là.
Lou est née de la seconde union du père avec Annie. Il a près de la quarantaine à sa naissance.
Comme toutes les petites filles, Lou est amoureuse de son géniteur et veut l'épouser quand elle sera grande. Gérard ne dément pas. Bien au contraire, il affirme même qu'il « n'y aurait aucun problème » !
D'emblée, le lien qui unit le père et la fille est ambivalent et toxique.
Gérard est policier au commissariat de la Roche-sur-Yon, préfecture très calme de la Vendée.
Pour pimenter sa vie, il imagine des histoires qu'il raconte à sa fille et s'invente un personnage de type sûr de lui et de gros dur flamboyant à la manière du Belmondo du « Magnifique ».
Bref, c'est « un mec, un vrai » et un menteur pathologique qui confie « qu'il a travaillé comme espion » ou encore « qu'il a tué des gens ». Sur tous ces bobards, la fille devra faire silence. Son seul confident sera Ardent, le chien malinois que Gérard s'ingénie à maltraiter.
Pour que Lou soit aussi forte que lui, il l'éduque comme un soldat, l'embarquant dans ses délires, entre amour et violence, à la vie à la mort.
Il l'encourage à pratiquer des sports de combat, à manger du cheval, « potion magique pour les vrais hommes » à propos duquel elle écrit, dans une lettre ultime à son géniteur : « une bête qui pouvait rêver, a fortiori debout, n'était pas une bête qu'on pouvait manger ».
« Magicien », « sorcier de l'univers », « homme-fiction » qui fait sien cet aphorisme d'Einstein : « l'imagination est plus importante que le savoir », c'est ainsi que la gamine baptise son père.
Dans ses yeux, elle devient l'héroïne d'un film d'aventures. Une belle et joyeuse enfance dans un monde merveilleux !
Pourtant, tout n'est qu'imposture. Ou presque, car il y a toujours du positif à tirer d'une telle expérience. Même si on s'en aperçoit beaucoup plus tard.
L'enfant, devenue adolescente, prendra en effet conscience de la malignité de son père et cherchera à quitter cet ogre qui la dévore. La reconstruction passera par la pratique de la danse, art de la maîtrise du corps, par la fuite et par l'amour, moyen de mettre à distance le spectre d'un père obsédé par la mort de ses aînés dont il est responsable.
Mais, malgré son éloignement, Lou ne peut se soustraire complètement à son empreinte. Elle va même jusqu'à reproduire les mêmes manies, les mêmes colères, la même appétence pour la bagarre, la douleur physique ayant la vertu de lui faire oublier son passé.
« J'appris la méchanceté » dit-elle, avouant d'avoir donné des coups dans la gueule du chien.
Plus loin, elle confie que l'empathie lui est étrangère. Plus loin encore, elle confesse des conduites sexuelles à risque, expression d'un rapport au corps mortifère.
Quelle que soit sa souffrance due à une jeunesse entre une mère maltraitante et un père alcoolique ainsi qu'à la culpabilité qu'il tait dans la mort de ses enfants, l'adulte qu'est Gérard n'a pas le droit de mentir à son enfant, de la manipuler, de dicter ses moindres faits et gestes, de la prendre pour un pote auquel on peut tout raconter, de lui interdire de venir à son enterrement, de trahir sa confiance, de mettre sa vie en danger sous le prétexte de l'aguerrir ou encore de lui tordre le bras pour un regard réprobateur.
Pourtant, comme Lou, on ne parvient pas à détester complètement cet homme frustré qui n'est pas à la hauteur de ses ambitions, qui a projeté sur sa fille sa volonté de puissance et qui fait tout pour qu'elle soit invincible afin ne pas finir dans un cercueil comme sa demi-soeur et son demi-frère.
Gérard est en fait un pauvre type, un médiocre incapable de dominer ses pulsions, un trouillard voulant donner le change, un lâche capable de laisser une jument agoniser sans rien faire, un homme dont Lou a honte. Reste la joie qu'il sait si bien infuser dans ses moments d'euphorie.
À l'instar de la relation ambiguë entre le père et la fille, « Vers la violence » n'est pas un livre simple et manichéen. Il souligne combien la vie peut-être complexe et combien les chemins ne sont pas tout tracés.
Avec des phrases tels des uppercuts, le fond et la forme ne font qu'un.
Récit de la transmission et du poids de l'enfance dans la construction de l'adulte, le dernier roman de Blandine Rinkel, à la puissance évocatrice, se lit en apnée comme un parfait thriller.

EXTRAITS
La génération des boomers occidentaux serait composée en grande partie d'idéalistes et d'égocentriques. Gérard était assurément l'un et l'autre.
Est-ce qu'une partie de ma mémoire est coupable de sympathiser avec mon propre père tandis que la seconde serait innocente, victime du même homme ?
Suis-je coupable d'être la fille de mon père ?
Gérard, je ne le réaliserais qu'adulte, vivait dans un huis clos avec ses enfants décédés.
Cette joie, cruelle mais contagieuse, irradia ma petite enfance. […] Cette joie aurait fait passer la violence pour de l'extase.
On ne se remet jamais de la violence qu'on inflige aux autres, fût-ce à un animal. Les coups qu'on donne sont avant tout à soi-même.
Ma candeur prit fin le soir où mon père se mit à me répugner.
La danse, pour moi : une technique de survie.




Lien : http://papivore.net/litterat..
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N°1674– Septembre 2022

Vers la violenceBlandine Rinkel – Fayard.

C'est un roman décliné par Lou, la narratrice, qui, petite, a idéalisé Gérard, son père au point de vouloir l'épouser malgré leur différence d'âge (38 ans). Ce dernier s'est remarié avec Annie et leur fille est en quelque sorte une enfant de vieux. Elle voua à cet homme pour qui elle fut la seule femme qui compta dans sa vie, une admiration sans borne que sa qualité de policier avec uniforme et arme, rendait plus grande encore. Certes, au début, il y a eu entre eux une complicité et Gérard, qui n'est sans doute jamais entré lui-même dans l'âge adulte, a choisi de demeurer dans le merveilleux de l'enfance de sa fille et dans le culte du secret, maintenant l'enfant dans une sorte de bulle face une mère quasiment inexistante tout en souhaitant endurcir Lou pour qu'elle affronte la vie. C'est pourtant lui, cet homme ambivalent, qui choisit de rompre ce secret en la faisant sortir de l'enfance et de révéler à sa fille son vrai visage, brisant lui-même cette statue qu'il avait pourtant si patiemment modelée. Les années passant, elle a découvert un homme bien différent, à la fois mystérieux, faible, volage, violent (mais pas avec elle), frustré, mythomane, occasionnellement alcoolique et au comportement parfois étrange, alternativement gamin et sérieux et qui a du mal à s'abstraire de sa « vie d'avant » faite de souvenirs jalousement entretenus, de regrets, de mensonges et de deuils insurmontables. C'est bien la mort qui l'obsède malgré une appétence apparente pour la vie, aussi bien celle de ses enfants que celle d'un cheval, ce qui génère chez lui une culpabilité d'être encore en vie après le décès de ses enfants et d'avoir été lâche face à la souffrance de ce pauvre animal. Pourtant cette connivence ne lui suffit pas et la complicité qui existait entre eux n'ira pas jusqu'à un don familial d'organe qui aurait pu sauver Gérard. En revanche, le stylo qu'il lui offre et les notes qu'il lui laisse pour qu'elle rédige sa biographie suscitent cette volonté de s'expliquer, de s'excuser peut-être face à elle. C'est pourtant ce stylo qui lui sert à lui écrire l'unique lettre quelle lui a jamais adressée et dans laquelle elle règle ses comptes avec lui, pour ses faiblesses, les bons et mauvais souvenirs, ses violences surtout. Elle y disserte longuement du cheval, opposant sa viande dont Gérard et friand et sa vie et sa beauté qui la fascinent. Elle y confesse surtout que, refusant de sauver son père par le don d'un de ses reins, elle ne fait qu'appliquer cette notion de cruauté et de violence qu'il lui a inculquée
C'est aussi le portrait de la narratrice qui décline son parcours cahoteux entre les déconvenues inspirées par la découverte du père, les premiers émois amoureux de l'adolescence, la recherche de soi-même à travers le difficile art de la danse mais aussi de sa volonté d'être un objet de désir pour les hommes, la quête du plaisir sexuel notamment dans le « jeu du foulard », c'est à dire le jouissance obtenue en jouant avec la violence de l'étranglement et la mort possible, mais aussi en suscitant la séduction des mâles, la lutte qu'elle voulait mener et gagner contre eux pour qu'ils connaissent la frustration de leur libido inassouvie à cause de sa disparition subite et inexpliquée, ce qui est une autre forme de violence. Il y a chez elle une perversité qui la fait ressembler à ce père qu'elle désirait quitter en fuyant la cellule familiale. Sa relation avec Raphaël, l'exact contraire de Gérard, son entrée de plain-pied dans cette vie artistique et créatrice, tourne une page définitive dans sa vie d'adulte avec sa relation fusionnelle avec lui.
La mort revient comme un leitmotiv dans ce roman, celle des enfants et de la première épouse de Gérard, celle qui peut intervenir lors d'un étranglement, celle enfin de Gérard à qui Lou refuse son rein qui aurait pu le sauver.
C'est une sorte d'évocation alternée entre Lou et Gérard dont les relations un temps complices se résoudront à un long silence, un livre en deux parties consacrées à l'un et à l'autre, la première baignée par la relation père-fille, la seconde plus volontiers consacrée à Lou, à son départ de la cellule familiale, à sa recherche du père à travers des amants de passage autant qu'une découverte de soi-même, avec la rencontre de Raphaël, exact contraire de Gérard, avec en contrepoint le plaisir sexuel obtenu avec cette violence constamment recherchée et refoulée et la mort, véritable thème central de ce roman.
Ce que je retiens, entre autre, c'est cette volonté de Gérard de se poser, de bonne foi, en exemple pour sa fille, avec la certitude qu'il le fait pour son bien et la manière différente dont Lou le reçoit parce que sa sensibilité est différente. C'est sans doute l'éternel problème de l'éducation des enfants que les parents mènent en fonction de l'exemple qu'ils ont eux-même reçu, en croyant bien faire, mais qui se brise sur la différence qui existent entre les êtres et sur les temps qui changent.

Courts chapitres d'une écriture alternativement fluide et abrupte et une histoire qui au fur et à mesure des pages suscite l'intérêt malgré quelques longueurs.



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Lou aime son père, adore son père, le vénère presque. Mais elle l'aime autant qu'elle le craint car son père a une personnalité déstabilisante. La violence dort. Dans les propos, dans les gestes, dans les actes. La violence fait partie intégrante de la vie de cet homme. de la façon dont sa mère l'a traité à cet événement qui l'a marqué à vie et qui parfois s'invite dans les conversations, nous suivons la vie de cet homme et les conséquences que son attitude et ses humeurs vont avoir sur les autres.
Dans le récit, Lou passe de la fascination à la terreur en quelques instants. Même éloignée de son père, elle y pense. On sent l'emprise qu'il a sur elle. Cette attitude paternelle va laisser des traces à vie.

Dans une écriture fluide, l'auteure nous décrit le cheminement vers la violence et ce qui en résulte sur l'entourage.

Merci aux éditions Fayard et à Version Femina pour l'envoi de ce livre.
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ÉDIFIANT ET INTENSE ! COUP DE COEUR ❤️

"Le premier de nous deux aura une tapette, alors j'essaye de ne pas être celle qui rira: je fixe Gérard avec toute l'intensité dont une fillette de 6 ans est capable et, en secret oui en un terrible secret, je souhaite sa perte."

Lou nous raconte ce père qui la fascine et la terrifie à la fois. Gérard le rêveur, qui invente des mondes merveilleux. Gérard l'affabulateur, qui s'invente une vie, aux confins de la mythomanie.
Gérard la puissance, la fantaisie. Gérard la violence.
Ce père terriblement ambivalent, qu'elle craint autant qu'elle l'admire. Ce père constamment au bord de l'implosion, qui prône l'éducation du courage, de la dureté face au pire. de la violence en réalité...

"Suis-je coupable d'être la fille de mon père?"

WOW ! Qu'il est difficile de trouver les mots pour vous parler de cette lecture que j'ai tant aimée... Un roman qui fera à n'en pas douter partie de mes coup de coeur de l'année.
Un texte tellement puissant, et une narration à la première personne qui nous embarque. J'ai fait corps avec cette fillette, qui grandit, qui devient femme. Ce roman tellement immersif m'a fait vibrer, m'a fait frissonner. Il nous fait prendre conscience à quel point nos héritages nous façonnent et conditionnent notre vie.

Entre terreur et fascination. Entre amour et haine.
Les mots de cet enfant qui aime son père et en même temps éprouve du dégoût pour cet homme. Qui lui a appris la joie mais aussi et surtout la cruauté. Dont la famille d'avant s'est changée en fantôme. Lou a passé son enfance à pourchasser ces ombres planantes. Qui reviennent. Toujours. À l'image de ce père, comme un membre fantôme dont on ne peut se défaire...

Édifiant. Intense. Haletant.
J'ai été prise aux tripes par cette histoire portée par une plume magnifique.
Précipitez-vous ! ❤️

Ce roman incroyablement beau me donne très envie de relire à nouveau Blandine Rinkel. Connaissez-vous "L'abandon des prétentions" ou "Le nom secret des choses"?
Envie de découvrir celui-ci? 😇
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Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un aussi bon roman psychologique! L'écriture est des plus maîtrisées, l'analyse est fine, l'intrigue subtile. La cruauté et la violence de l'homme à la hauteur de l'admiration que lui portent ces collègues, de la soumission admise par sa nouvelle femme, de l'amour inconditionnel que lui donne sa fille...
Pour qui connaît la violence parentale dans ce qu'elle a de plus sournois, ce livre est cathartique.
On y voit un homme charismatique, joyeux, plein de vie. En façade.
Et au fur et à mesure du récit, on voit l'horreur, la faiblesse et la lâcheté masquées à coup d'aguerrissement, de débrouillardise et d'épreuves relevées...
Le diable est dans les détails et Blandine Rinkel sait les révéler, dans tous les sens du terme !
Au fur et à mesure de l'éveil de la jeune femme, le masque tombe, le père n'est plus sur le piédestal.
Il a tout fait pour forger une gamine à son image, celle d'un idéal fantasmé.
Il a planté sa graine de violence dont l'héroïne réussira à se détacher. A quel prix ?!...
C'est terrible. Captivant. Bouleversant.
Une grande leçon d' humanité.
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« Lou grandit dans une ville côtière des Deux Sèvres, seule enfant de la deuxième union de son père. Une enfance solitaire, mais surtout marquée par l'ombre menaçante de son père Gérard, flic, ancien militaire, brisé par le décès accidentel de ses deux premiers enfants. A l'image de l'animal dont elle porte le nom, elle a pour ce pour ce père autant d'admiration que de crainte. Aimé, admiré, vénéré pour son exubérance, son aura, ses histoires incroyables. Craint, détesté, redouté pour ses accès de colère retentissants, ses mots assassins, sa violence sourde. Une violence latente et destructrice »

Ce roman se lit assez facilement malgré la violence de cette relation père-fille, leur relation m'a dérangée, je l'ai trouvé assez sombre. Cette relation dérange autant qu'elle fascine.

Ce roman est la vie de cette petite Lou, cette petite fille qui admire son père, un ancien militaire devenu policier. Gérard, son père, n'est pas admirable.
Lou est la dernière d'une fratrie : son frère et sa soeur, d'une précédent union, sont décédés dans un accident de bateau. Leur mort est omniprésente dans l'attitude de son père.

Ce roman montre le poids des secrets de famille, le poids de notre enfance dans notre manière d'évoluer, dans nos choix de vie.

Ce roman est la construction de la vie de Lou, de ses relations amicales, familiales et amoureuses.

Il est difficile de trouver les mots justes pour parler de ce chemin de vie, de ce chemin vers la violence.
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Lou grandit dans une ville côtière des Deux Sèvres, seule enfant de la deuxième union de son père. Une enfance solitaire, mais surtout marquée par l'ombre menaçante de son père Gérard, flic, ancien militaire, brisé par le décès accidentel de ses deux premiers enfants. A l'image de l'animal dont elle porte le nom, elle a pour ce pour ce père autant d'admiration que de crainte. Aimé, admiré, vénéré pour son exubérance, son aura, ses histoires incroyables. Craint, détesté, redouté pour ses accès de colère retentissants, ses mots assassins, sa violence sourde. Une violence latente et destructrice, plus psychologique que physique, insidieuse, et insoutenable car imprévisible. Une violence qu'il concentre sur elle, et sur ceux pouvant la dévier de l'attention exclusive qu'il requiert tant il a la volonté absolue dit-elle « de rester maître de mon royaume ». A l'adolescence elle fuira ce foyer toxique et se consacrera à la danse, « un sport exigeant,[…] un sport délicieux […]un sport à la violence intime et discrète ». La violence, encore et toujours. Mais comment guérir de la violence subie, comment vivre normalement après une enfance meurtrie, comment ne pas reproduire et exorciser ?
Après « sa préférée », la rentrée littéraire nous offre un autre roman sur les séquelles de l'enfance et les violences familiales. C'est encore une fille qui parle mais la comparaison s'arrête là. Là où il n'y avait qu'abjection, rejet et détestation pour le père chez Sarah Jollien Fardel, on se situe ici dans une zone plus trouble. Entre amour et haine, entre crainte et admiration, entre attirance et rejet elle est bien perdue la petite Lou. Et que dire du père, un homme au destin brisé, aimant et généreux autant que pervers et ténébreux. Un mythomane prêt à exploser à la moindre secousse à l'image de ces grenades qu'il conserve dans sa table de nuit. Avec ce roman à l'écriture grave et acérée, on est immergé dans cette complexité, cette ambigüité et il nous interroge sur la transmission de cette violence qui s'immisce malgré Lou dans ses trajectoires, ses pensées et ses actes les plus intimes. Il est intéressant aussi de voir comment elle parvient à la transcender, à la sublimer et à en sortir du positif. Passionnant enfin de voir comment elle arrive à vivre avec le poids de cet héritage familial et comment il devient le socle d'un féminisme revendiqué.
Un livre fort, un livre choc, tout en tension pour une lecture intense servie par une écriture intense et percutante. A découvrir !
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« ll ne m‘avait pas légué la douceur, la confiance ni la foi. Pourtant, j'héritais de lui les trois choses auxquelles je tenais le plus au monde. J'héritais de lui l'absence, la joie et la violence. »

Celle qui a hérité de ce patrimoine si particulier, c'est Lou, la fille de Gérard , « monstre de joie » , et narratrice de ce roman, dans lequel elle évoque son enfance à la dure au côté d'un père aussi fantasque que sombre, assoiffé de vie mais où la mort n'est jamais bien loin.

Une éducation et une vie sur le fil du rasoir, ou plus exactement au plus près de la « sensation du couteau », où vivre ne doit pas se faire sans prise de risques, vitalité et violence toujours entremêlées.

Une enfance qui façonnera l'adulte et la femme qu'elle est devenue, qui choisira de pratiquer la danse non pour l'art mais comme une « pratique militaire », « un sport de combat » dans un besoin incessant d'infliger à son corps dressé depuis l'enfance pour endurer, cette « violence intime et discrète ».
Une violence intime qu'elle va chercher jusque dans ses corps à corps avec ses partenaires amoureux à qui elle demande de la faire entrer dans « le sommeil bleu », de l'annuler en l'étranglant, pour ressentir cette besoin de risquer pour se sentir vivante.
Une enfance marquée… marquante… un lien si fort , qui connaitra pourtant une rupture aussi brutale qu'inattendue, avec un père qui ne l'est finalement pas tant que ça ,fort.

Un roman tel un uppercut ! Un roman puissant, aussi captivant que bouleversant, qui questionne sur le pouvoir de la filiation et de la transmission et sur l'influence des proches sur la construction d'un adulte.

Première de mes 4 lectures dans le cadre du Prix Landerneau, il place la barre haute et se place en favori pour emporter mon vote de jurée !
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Parce qu'il a vécu un terrible drame avec la perte de ses deux enfants, Gérard s'est réfugié dans la violence. Et c'est, animé par un mélange d'amour excessif et de méchanceté explosive qu'il élève Lou, l'enfant d'un second mariage avec Annie.
Militaire dans la Marine puis policier, Gérard est « un soleil noir » qui semble briller d'une joie cynique et communicative. Affabulateur intarissable, il se veut aventurier et anarchiste et refuse l'ordre moral d'une société dont il est pourtant le bon soldat.
Lou a reçu une éducation viriliste où elle a appris « à vivre en milieu hostile», fuyant sa part de féminité et regardant le monde comme un espace à conquérir.
Adulte, elle devient danseuse professionnelle et reproduit ce schéma de violence et d'amour qui a rythmé son enfance, déchirée entre son besoin de liberté et sa passion pour son père.
Ce roman de Blandine Rinkel explore les traumatismes causés par la perte d'un enfant et leurs conséquences sur la vie d'après. Elle démontre à quel point ce déchirement fait naître de la colère et engendre une violence irraisonnée. Avec l'histoire de cette famille dysfonctionnelle, l'autrice recrée le berceau d'un apprentissage de la marginalité.
On pourra se dire que, finalement, Lou s'est libérée du poids de son éducation pour vivre la vie qui lui plaisait. Mais ça serait sans compter cette empreinte paternelle insoluble qu'elle gardera toujours en elle et qui impactera ses choix futurs.
Un sujet intéressant mais des personnages trop excessifs pour être réalistes et au final, un roman qui le maisse un sentiment très mitigé.
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