Livre généreusement octroyé par les éditions
Max Milo lors d'une masse critique, la juxtaposition de « Français » et « Chinafrique » ayant attiré mon attention, suscité mon intérêt. A juste titre.
L'auteur est français, marié à une chinoise dans le livre, et surtout interprète Français/Mandarin pour le compte d'une grande entreprise chinoise travaillant au Gabon.
C'est le point de départ d'une narration vraiment drôle, rythmée et bien écrite de son séjour africain. Il analyse sans prétention mais avec finesse les rapports entre asiatiques et africains du point de vue d'un européen.
Cela donne lieu à des réflexions intéressantes sur les rapports hiérarchiques, les rapports de domination, le racisme, la religion etc...
Il ne s'agit jamais d'un essai mais plutôt d'une somme de réflexions nées de son expérience personnelle articulée autour de son métier de traducteur. Et le résultat sonne drôlement bien. Il nous fait rire avec ses dialogues parfois à la limite du surréalisme comme par exemple cet appel au commissariat de Libreville lors d'un cambriolage :
« -Bonjour, c'est pour signaler un braquage
- Ah ils sont combien ?
- Ils sont partis.
- Tout va bien alors ? »
Par petites touches souvent comiques, il dresse un portrait des Gabonais, des Chinois et en creux des occidentaux en s'attachant à comparer les attitudes des uns et des autres dans des situations de la vie de tous les jours : repas, travail, décès (bon, tous les jours...).
La corruption comme mode de fonctionnement normal de la société Gabonaise est très présente à chaque moment du récit et on finit par comprendre les mécanismes, la logique interne de ce type de fonctionnement.
En France, ces pots-de-vin sont institutionnalisés : impôts1, impôts2, impôts3, TIPP, TVA, CSG, CRDS... par un état omniprésent. Au Gabon, il faut se débrouiller de la main à la main. Une fois que l'auteur a compris comment cela fonctionne, les difficultés s'estompent et il arrive à faire tourner correctement la boîte pour laquelle il travaille avec une certaine aisance.
Sa compétence de traducteur est mise en oeuvre également pour comparer les racines des mots de notre quotidien dans les deux langues et nous faire ainsi comprendre que des représentations mentales différentes en découlent. L'idéogramme chinois pour travail se dit « gan huo », association de « gan » pour « faire » et de « huo » pour « vivre ». Simple. Très différent de notre « tripalium » latin...
Ces moments linguistiques sont un pur bonheur de ce livre, toujours grâce à l'humour légèrement acide instillé par l'auteur.
Il décrit la population de son lieu de travail : les noirs (pas les « blacks » politiquement corrects), les jaunes, les blancs, chacun ayant ses représentations « racistes » des autres. Encore une fois, c'est souvent à éclater de rire, d'un rire franc car il n'y a pas de sous-entendu toxique dans ces descriptions : du factuel, du vécu.
Pour conclure, je remercie Babelio pour ce moment de pur plaisir de découverte et de réflexion.